Est-ce encore possible, en France, qu’un maire signe un arrêté digne d’un royaume féodal pour interdire à la maire de Paris de fouler le sol de sa commune ? Quand j’ai entendu parler de cette décision hallucinante, j’ai cru à une blague. Mais le nom de Jacques Myard, celui qui a banni Anne Hidalgo de Maisons-Laffitte, est bien réel. Pourquoi un tel geste ? Et que cache ce bras de fer entre la capitale et ses banlieues ?
L’interdiction d’un élu de la République française de pénétrer dans une commune n’est pas chose courante. Encore moins lorsqu’il s’agit de la maire de Paris elle-même. Et pourtant, mardi 27 mai 2025, la plume d’un certain Jacques Myard traça une ligne rouge entre Paris et sa banlieue.
Un matin de colère dans les Yvelines
C’est dans le calme apparent de Maisons-Laffitte, cette commune paisible et cossue des Yvelines, que le tonnerre politique s’est abattu. Jacques Myard, député-maire, personnage haut en couleur connu pour son franc-parler, claque la porte du consensus parisien avec un arrêté pour le moins… extravagant.
L’arrêté, n’a rien d’une farce. Il y est écrit noir sur blanc que « Sa seigneurie Anne Hidalgo est interdite de séjourner sur tout le territoire de Maisons-Laffitte pour une durée indéterminée. » Une formule qui fleure bon la monarchie d’Ancien Régime, mais qui cache une colère bien réelle. Une colère dirigée contre la piétonnisation des berges de la Seine à Paris.
Une décision parisienne, une révolte banlieusarde
Au cœur de la discorde : Le projet d’Anne Hidalgo de fermer à la circulation une portion de la voie Georges-Pompidou, sur les quais rive droite. Un axe névralgique pour les habitants de banlieue qui traversent Paris chaque jour en voiture.
Pour Jacques Myard, cette décision, loin d’être écologique ou progressiste, est « un affront« , « une mesure de classe« , et surtout « une ghettoïsation de la capitale » au détriment des banlieusards.
L’arrêté municipal devient alors une réponse symbolique mais cinglante à une capitale qui, selon lui, méprise ceux qui vivent au-delà du périphérique. Son message est clair : Si Hidalgo tourne le dos à la banlieue, la banlieue lui claque la porte au nez.
Une mesure juridiquement bancale… mais politiquement puissante
Certes, l’arrêté n’a aucune chance d’être appliqué en pratique. La liberté de circulation est un droit fondamental garanti par la Constitution, et un maire ne peut interdire l’accès de sa commune à un autre élu républicain. Mais Jacques Myard le sait, et ce n’est pas l’objectif.
Le but est ailleurs : Marquer les esprits, faire du bruit, provoquer un débat. Et en cela, c’est un coup de maître. Les caméras accourent. Les chroniqueurs s’emballent. Les Parisiens s’interrogent. Les banlieusards applaudissent. Anne Hidalgo, elle, garde le silence.
Une fracture politique bien plus profonde
Au-delà de la provocation, ce fait divers local révèle une fracture bien plus large : Celle entre la capitale et sa périphérie. Anne Hidalgo, en voulant réduire la circulation à Paris, pense qualité de l’air, santé publique, urbanisme moderne. Jacques Myard, lui, voit une attaque frontale contre les « invisibles », ces travailleurs de la grande couronne qui n’ont d’autre choix que la voiture pour se rendre au travail.
Deux visions du monde qui s’entrechoquent : L’écologie d’en haut contre la réalité d’en bas.
Une réplique médiévale dans une guerre moderne
« Sa seigneurie Anne Hidalgo » : La formule, moqueuse, fait mouche. Jacques Myard transforme l’élue socialiste en figure aristocratique, coupée des réalités du peuple, vivant dans sa bulle haussmannienne. Une reine de Paris insensible aux embouteillages des communes voisines. Le geste est théâtral, mais il parle à une partie de la population qui se sent méprisée.
Dans les jours qui suivent, d’autres maires de banlieue envisagent des initiatives similaires. Une pétition circule. Des tribunes fleurissent. La « Parisophobie » gagne du terrain, alimentée par une perception d’arrogance et de déconnexion du pouvoir parisien.
Silence radio à l’Hôtel de Ville
Face à cette fronde, Anne Hidalgo ne répond pas. Elle continue d’avancer, persuadée d’agir pour le bien commun. Pas un mot sur l’interdiction. Pas un tweet. Pas une déclaration. Une stratégie de mépris ou de hauteur ? L’opinion se divise.
Mais Jacques Myard, lui, jubile. Il a gagné le combat de la visibilité, même si juridiquement, son arrêté reste un tigre de papier.
Un symbole de la guerre Capitale/Banlieue
Derrière ce fait divers presque burlesque, c’est tout un désamour qui s’exprime entre Paris et sa banlieue. Une capitale qui veut verdir son image, une banlieue qui y voit une exclusion. Une maire socialiste attachée aux causes environnementales, un maire gaulliste ancré dans la défense des classes moyennes oubliées.
L’histoire d’Anne Hidalgo bannie de Maisons-Laffitte restera dans les annales comme l’un des épisodes les plus surréalistes mais révélateurs de la politique urbaine française.
Et si demain d’autres communes suivaient l’exemple de Myard ? L’écologie autoritaire ne risquerait-elle pas de dresser les territoires les uns contre les autres ?