Derrière un simple montage circulent des idées dangereuses : les dessous de la haine banalisée envers les femmes voilées.

« Restez là-bas ! » : Comment des images ordinaires banalisent la haine envers les musulmans en France

SOCIETE

Elle s’appelle Sofia. Elle vit à Montpellier, a 28 ans, travaille dans une médiathèque, aime les romans graphiques et les douceurs à la pistache. Sofia est née en France, elle a grandi ici, étudié ici, et ne connaît que ce pays. Pourtant, ce matin-là, en scrollant sur son téléphone, elle s’est sentie étrangère. Pas étrangère au sens administratif, mais étrangère à ce qu’est devenue une partie de la société française.

C’est une image qui a déclenché cela. Une simple image, virale, vue des milliers de fois. Une femme voilée, qui sourit à peine. Et ce texte, cinglant :

“🇫🇷☪️ Si vous voulez vivre comme là-bas… restez là-bas !”

Aucune insulte directe, aucun cri, aucune menace. Et pourtant, tout y est. Le mépris. La stigmatisation. L’exclusion. La haine.

Si vous voulez vivre comme là-bas… restez là-bas !

🟣 L’image “banale” qui dit tout haut ce que d’autres pensent tout bas

Ce visuel est typique d’une nouvelle forme de discours raciste : Le racisme ordinaire. Celui qui ne frappe pas avec des insultes, mais avec des sous-entendus. Celui qui se diffuse en douce, avec des symboles : Drapeaux, emojis, codes culturels. Celui qui dit à des millions de citoyens français qu’ils ne seront jamais vraiment d’ici, jamais assez “français”, jamais légitimes.

Il faut lire entre les lignes :

  • “Comme là-bas” : mais où est ce “là-bas” ? Est-ce un pays musulman ? L’Orient ? L’Afrique du Nord ? Peu importe. L’ambiguïté est volontaire. Elle permet à l’auteur de l’image de suggérer sans dire, de cibler sans nommer.
  • “Restez là-bas” : c’est une injonction. Un ordre. Celui de ne pas exister ici si on ose être différent. De disparaître de l’espace public si l’on ose porter un voile.

🟣 La France face à elle-même : Que tolère-t-on au nom de la “liberté d’expression” ?

Ce genre d’image circule librement sur Facebook, Instagram, Telegram. Souvent publiée anonymement, parfois relayée par des influenceurs d’extrême droite, elle n’est presque jamais modérée. Elle n’enfreint pas (tout à fait) les règles des plateformes, car elle ne contient pas de menaces explicites.

Mais elle est toxique.

Elle installe dans les esprits que l’islam serait incompatible avec la République, que porter le voile serait un acte hostile, que les musulmanes seraient des intruses. Elle installe une peur de l’Autre, une peur du musulman, une peur du “trop différent”.

Et ce qui est plus grave encore : Elle installe la résignation. Beaucoup la voient passer sans réagir. Parce qu’ils s’y sont habitués.

🟣 Ce n’est pas une question de religion. C’est une question de dignité.

Le problème n’est pas le voile. Ce n’est même pas la foi. Le problème, c’est ce que cette image révèle de notre société : Le refus de voir la France telle qu’elle est, plurielle, diverse, composée de femmes comme Sofia qui sont françaises, voilées, et fières de l’être.

Sofia ne veut pas “vivre comme là-bas”. Elle vit ici. C’est son pays. Et elle en respecte toutes les lois.

Mais ce qu’elle ne peut plus supporter, c’est qu’on lui dise chaque jour qu’elle n’est “pas assez française”. Qu’elle devrait “retourner”. Retourner où  ? Elle est née à Sète.

🟣 Le silence tue plus sûrement que les cris

Tant que ces images passeront sans qu’on les dénonce, tant que les discours islamophobes se banaliseront derrière des blagues, des montages ou des phrases prétendument “patriotiques”, alors la haine gagnera du terrain.

Il ne suffit pas d’être non raciste. Il faut être antiraciste. Il faut répondre, dénoncer, signaler. Il faut éduquer, discuter, tendre la main aussi, parfois, à ceux qui ont peur sans comprendre pourquoi.

🟣 “Là-bas”, c’est aussi ici

Sofia vit “ici”. Et elle continuera d’y vivre, de lire, d’aimer, de travailler, de voter, de marcher dans la rue, voilée ou non, musulmane ou non.

Là-bas”, ce fantasme de rejet, n’existe pas. C’est une invention de ceux qui ont peur, ou de ceux qui veulent que vous ayez peur.

Mais “ici”, il y a encore des gens qui refusent de se taire. Qui refusent la haine, même déguisée. Et qui rappellent, encore et encore, que la République est une et indivisible — ou elle n’est plus rien.

1 thought on “« Restez là-bas ! » : Comment des images ordinaires banalisent la haine envers les musulmans en France

  1. C’est normal qu’une communauté étrangère s’installe en France et veuille imposer son mode de vivre ? Bien sûr que non, et vous le savez. A Rome, fais comme les Romains, ce n’est pas d’aujourd’hui. Tel est en effet le conseil qu’aurait donné saint Ambroise, évêque de Milan de 374 à 397, au jeune saint Augustin qui le questionnait sur l’observance du jeûne à Rome et à Milan : « Si Romae fueris, Romano vivito more. Si fueris alibi, vivito sicut ibi. » « Si tu es à Rome, vis à la façon d’un Romain. Si tu es ailleurs, vis comme on vit là-bas. »

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