« Comment un chauffeur de bus bordelais, agressé en plein service, se retrouve-t-il menacé de licenciement pour ne pas avoir respecté un protocole ? » — Question posée par : Élodie.
Le bus 15 roulait doucement dans la chaleur moite de Bordeaux
Ce jeudi 23 mai 2025, le thermomètre affichait déjà 28°C sur les quais de Bordeaux. Dans son bus de la ligne 15, Thierry* (prénom modifié), chauffeur expérimenté de la société Keolis Bordeaux Métropole, effectuait comme chaque jour son service. Le trajet s’annonçait ordinaire. Quelques collégiens distraits, des mères de famille revenant du marché, des seniors en quête d’un peu de fraîcheur dans les parcs ombragés.
Thierry était un conducteur apprécié de ses passagers. Courtois, patient, toujours prompt à aider une personne à mobilité réduite. Pourtant, ce jour-là, sa vie professionnelle allait basculer en quelques secondes.
Une agression brutale, un geste instinctif
Il était environ 15h45 lorsque l’incident éclata. À l’arrêt « Victoire« , un homme visiblement alcoolisé monta dans le bus. Thierry le reconnut aussitôt : Un habitué des altercations verbales, déjà signalé plusieurs fois par ses collègues. D’emblée, l’individu commença à invectiver les passagers, à leur cracher dessus, à proférer des menaces.
Thierry suivit la procédure enseignée : Il informa par radio le PC sécurité de la société, demanda l’intervention rapide d’une équipe et tenta de calmer la situation sans confrontation directe. Mais alors qu’il s’apprêtait à refermer les portes pour immobiliser le bus en attendant les secours, l’homme surgit dans la cabine de conduite.
Le coup fut rapide, violent. Un direct au visage qui envoya Thierry heurter le siège. Le sang perla à son arcade sourcilière. Sous le choc, pris de panique, le conducteur fit ce que beaucoup auraient fait : Il sortit précipitamment du bus pour échapper à son agresseur, oubliant de déclencher le fameux protocole de confinement, censé sécuriser l’habitacle et verrouiller le véhicule.
Les forces de l’ordre mirent 12 minutes à arriver. L’agresseur, lui, avait pris la fuite.
La double peine : Victime… et coupable ?
Transporté aux urgences, Thierry reçut cinq points de suture. Traumatisé, il obtint trois semaines d’arrêt de travail. Mais à son retour, une autre mauvaise surprise l’attendait : Une convocation en entretien préalable au licenciement.
Le motif ? Non-respect du protocole de sécurité. En quittant le bus et en laissant les portes ouvertes, Thierry aurait « mis en danger les passagers restés à bord« , selon la direction.
Le choc fut immense. « Je me suis senti abandonné, trahi. On m’agresse, je réagis comme n’importe quel être humain en situation de danger, et on me reproche de ne pas avoir eu les bons réflexes… Mais je ne suis pas un robot !« , confiera-t-il plus tard à ses collègues, encore sous le coup de l’émotion.
Des réactions en chaîne dans toute la profession
Très vite, l’affaire fit le tour des dépôts de bus bordelais. Les syndicats montèrent au créneau. « C’est inacceptable ! On demande aux conducteurs d’être des machines à protocole, alors qu’ils risquent leur peau tous les jours« , s’indigna Jean-Marc F., délégué CGT Transports.
Sur les réseaux sociaux, le soutien afflua. De nombreux chauffeurs de bus de toute la France relayèrent l’affaire sous le hashtag #JeSuisThierry. « Le protocole ne protège pas contre un coup de poing« , écrivit l’un d’eux. D’autres témoignèrent de situations similaires où le bon sens humain avait prévalu sur des procédures rigides.
Un protocole mal connu… et parfois irréaliste
Mais que dit exactement ce fameux protocole ? Instauré en 2022 après une série d’incidents, il impose au chauffeur agressé de rester dans le bus, de verrouiller immédiatement les portes, de déclencher une alarme sonore et d’attendre l’arrivée des secours.
En théorie. Car dans la pratique, comme le souligne un ancien formateur interrogé par MyJournal.fr : « Quand on a le visage en sang, qu’on voit son agresseur devant soi, le réflexe naturel, c’est de fuir pour survivre. Aucun protocole ne peut totalement anticiper les réactions humaines face au danger. »
De plus, selon plusieurs conducteurs, ce protocole est mal enseigné, rarement mis en situation réelle lors des formations. « On nous en parle vaguement, en salle. Mais sur le terrain, quand ça dégénère, c’est une autre histoire« , confie un chauffeur sous couvert d’anonymat.
Vers une jurisprudence dangereuse ?
Au-delà du cas de Thierry, cette affaire soulève une question cruciale : Va-t-on désormais sanctionner les victimes d’agressions sous prétexte de non-conformité aux procédures ? Les avocats du chauffeur pointent un risque de dérive : « Cela pourrait créer une jurisprudence glaçante. Les salariés agressés seraient doublement punis : Physiquement par l’agresseur, puis juridiquement par leur employeur. »
Le Conseil de prud’hommes de Bordeaux pourrait être saisi si la direction maintenait la procédure de licenciement. En attendant, Thierry vit dans l’angoisse. « J’ai toujours aimé mon métier. Mais aujourd’hui, je ne sais même pas si je pourrai remonter dans un bus sans trembler. »
Une politique de sécurité à repenser ?
Ce fait divers met cruellement en lumière les limites des politiques de sécurité dans les transports publics. Si les protocoles sont nécessaires, leur rigidité ne doit pas primer sur la prise en compte du facteur humain.
Les syndicats réclament d’ailleurs une révision en profondeur de ces procédures. « Il faut former les conducteurs à réagir de manière adaptée, et surtout cesser de leur faire porter la responsabilité d’une violence qu’ils subissent« , martèle la CGT.
Du côté de la direction de Keolis Bordeaux Métropole, le discours reste mesuré : « Nous comprenons l’émotion suscitée. Mais la sécurité des passagers est notre priorité absolue. » Une réponse qui n’a fait qu’exacerber la colère des chauffeurs.
Une blessure invisible
Au-delà des débats juridiques et syndicaux, il reste un homme brisé. Thierry ne dort plus, fait des cauchemars. Sa femme craint qu’il sombre dans la dépression. « Il était fier de son métier. Aujourd’hui, il se sent trahi et abandonné par son employeur« , confie-t-elle.
Son sort sera scellé dans les prochaines semaines. Mais quoi qu’il advienne, cette affaire laissera une trace indélébile dans le monde du transport public français.
Car quand la victime devient coupable, c’est tout l’équilibre du contrat social qui vacille.
Résumé final
Un chauffeur de bus agressé à Bordeaux risque le licenciement pour ne pas avoir respecté un protocole de sécurité. L’affaire suscite l’indignation et relance le débat sur la rigidité des procédures face à la violence subie par les agents de terrain.
eh!!ouiles racailles sont les victimes en france !!!ont marche sur la tete !!!!!!!!!!