Marianne : « Avec les nouvelles règles de régularisation imposées par Bruno Retailleau, les sans-papiers ont-ils encore une chance de trouver leur place en France malgré des conditions toujours plus strictes ? »
Depuis la publication de la nouvelle circulaire par Bruno Retailleau, Ministre de l’Intérieur, la France s’apprête à vivre un tournant majeur dans la gestion des régularisations des sans-papiers. Cette initiative, marquée par une rupture nette avec la philosophie de la circulaire Valls, vise à restreindre davantage les critères d’admission exceptionnelle au séjour (AES).
Mais concrètement, qu’est-ce qui change ? Quels sont les impacts de ces nouvelles mesures pour les sans-papiers en France ? Voici un décryptage détaillé.
Une rupture assumée avec la circulaire Valls
En 2012, la circulaire Valls avait instauré une certaine souplesse en matière de régularisation des sans-papiers, permettant chaque année à plus de 30 000 étrangers en situation irrégulière d’obtenir un titre de séjour. Cette mesure, perçue par ses défenseurs comme une manière d’encourager l’intégration par le travail ou la famille, est aujourd’hui remise en cause.
Bruno Retailleau, dans sa nouvelle circulaire, tranche radicalement avec cette approche. Selon ses propres mots : « La voie d’admission exceptionnelle au séjour n’est pas la voie normale d’immigration et d’accès au séjour. Elle doit demeurer une voie exceptionnelle. » Ce discours met en lumière une volonté de limiter les régularisations perçues comme une « prime à l’irrégularité ».
De nouveaux critères pour une régularisation plus stricte
Si les critères de base d’admission exceptionnelle ne changent pas officiellement, leur interprétation par les préfets devient beaucoup plus stricte. Voici les principaux changements à noter :
👉 1. Une durée de présence prolongée
Le Ministre insiste sur la durée de présence sur le territoire comme un critère d’intégration pertinent. Selon la circulaire, une présence d’au moins sept ans est désormais jugée comme un seuil minimal pour envisager une régularisation. Ce critère limite automatiquement les possibilités pour ceux qui viennent d’arriver.
👉 2. Une attention particulière à l’OQTF
Les préfectures doivent dorénavant examiner avec rigueur les cas des sans-papiers ayant fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). La régularisation devient quasi impossible pour ceux qui ne respectent pas cette mesure.
👉 3. Une exigence renforcée pour les travailleurs sans-papiers
Les sans-papiers souhaitant obtenir un titre de séjour par le travail devront justifier d’au moins 12 mois d’emploi, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois. Cette condition, appliquée de manière stricte, exclut une partie importante des travailleurs précaires.
👉 4. La maîtrise de la langue française
Pour Bruno Retailleau, la langue est un élément essentiel de l’intégration. Bien que le niveau attendu ne soit pas précisé, les préfets devront prêter une « attention particulière » à ce critère lors de l’évaluation des dossiers.
Une philosophie de l’exception
Le ton employé dans cette nouvelle circulaire est clair : La régularisation doit rester l’exception et non la règle. Selon le Ministre, cette approche vise à réduire les flux migratoires irréguliers en évitant de créer des « appels d’air » pour les candidats à l’immigration illégale.
Cette philosophie s’appuie sur une idée forte : Renforcer les exigences pour valoriser uniquement les cas d’intégration exemplaires, tout en dissuadant les comportements frauduleux.
Les impacts pour les sans-papiers
Ces nouvelles mesures posent une série de questions sur les conséquences concrètes pour les sans-papiers vivant en France :
- Accès limité à la régularisation : Les critères plus stricts excluent de nombreux candidats potentiels, en particulier ceux qui ne répondent pas aux conditions de durée ou de travail.
- Pression supplémentaire sur les préfets : Les préfets doivent appliquer une rigueur accrue, ce qui pourrait rallonger les délais de traitement des dossiers.
- Un avenir incertain pour les travailleurs précaires : Ceux qui alternent périodes d’emploi et de chômage risquent de ne plus pouvoir répondre aux exigences.
- Renforcement des barrières linguistiques : La maîtrise de la langue française pourrait devenir un obstacle supplémentaire pour les sans-papiers ayant des difficultés d’accès à des cours.
Une décision controversée
Cette nouvelle circulaire suscite déjà des débats vifs. Si certains saluent une mesure de fermeté nécessaire, d’autres la jugent inhumaine, risquant d’accentuer la précarité de milliers de personnes déjà vulnérables.
En conclusion, le durcissement des règles de régularisation des clandestins, porté par Bruno Retailleau, marque une évolution significative dans la politique migratoire française. Si cette nouvelle approche répond à une volonté de maîtriser les flux migratoires, elle soulève également des interrogations profondes sur ses impacts humains et sociétaux. L’avenir nous dira si cette politique produira les effets escomptés ou si elle devra à nouveau être réévaluée.