Amélie : « Lors d’une conversation avec mes amis, j’ai entendu dire que le Maroc interdisait le burkini partout dans le pays. En faisant quelques recherches, je suis tombée sur des photos de panneaux d’interdiction dans des hôtels marocains. Je me demande alors : Est-il vraiment interdit de porter le burkini dans les piscines et hôtels au Maroc, ou s’agit-il d’une simple rumeur amplifiée par des clichés sortis de leur contexte ? »
Le burkini, ce maillot de bain couvrant, fait couler beaucoup d’encre depuis plusieurs années. En France, il est au cœur de nombreuses polémiques, notamment avec l’autorisation de son port dans certaines piscines municipales, comme à Grenoble sous l’impulsion du Maire écologiste Eric Piolle. Cette décision a suscité de vifs débats et entraîné une série de réactions de la part de militants, souvent issus de l’extrême-droite. Mais ces discussions ne se limitent pas aux frontières françaises. Certains opposants au burkini partagent des photos et des anecdotes qui laissent croire qu’il serait interdit dans certains pays musulmans, notamment au Maroc. Ces clichés circulent à intervalles réguliers, mais que disent-ils vraiment ? Le burkini est-il réellement interdit partout au Maroc, ou s’agit-il d’une simple rumeur amplifiée par des photos isolées ?
Quand une photo devient un symbole mal interprété
La question posée par Amélie, une internaute curieuse, est légitime. Ces dernières années, des photos montrant des panneaux d’interdiction du burkini dans des hôtels marocains ont fait le tour des réseaux sociaux, souvent accompagnées de commentaires virulents et d’accusations contre ceux qui autorisent ce vêtement en France. On trouve ces images régulièrement relayées par des personnalités politiques, comme Damien Rieu, candidat aux législatives sous la bannière de Reconquête!, le parti d’Éric Zemmour. Ces militants veulent faire passer l’idée que, même dans des pays musulmans comme le Maroc, le burkini serait proscrit, et donc qu’il serait paradoxal de l’autoriser en France.
Mais cette interprétation est-elle correcte ? Une analyse plus approfondie montre qu’il s’agit en réalité d’une exagération ou, du moins, d’une généralisation abusive. Ces photos, bien qu’authentiques, ne reflètent qu’une interdiction partielle et locale, qui ne concerne que certains hôtels et établissements privés. En réalité, aucune loi au Maroc n’interdit le port du burkini dans les piscines publiques ou sur les plages.
Une polémique récurrente, des clichés manipulés
Il est intéressant de noter que ces clichés remontent à plusieurs années. En 2014, des photos de panneaux interdisant le burkini dans certains hôtels marocains avaient déjà circulé. Ces établissements justifiaient cette interdiction par des questions d’hygiène. Cependant, il est apparu que cette règle n’était pas appliquée de manière rigide. Des journalistes s’étant rendus sur place ont rapporté que des femmes portant le burkini n’étaient pas systématiquement refoulées des piscines.
À chaque nouvelle polémique en France sur le burkini, ces photos refont surface, utilisées par des opposants pour appuyer leur discours. Mais ces images ne reflètent pas la réalité du pays. En 2016, lors d’une période où le débat sur le burkini était particulièrement vif en France, le Ministre marocain du Tourisme, Lahcen Haddad, avait tenu à clarifier la situation : « L’État marocain n’intervient pas là-dedans. Sur les plages, les gens portent ce qu’ils veulent à condition de respecter les règles de pudeur. Mais pour des raisons d’hygiène qui leur sont propres, certains établissements et maisons d’estivage ne tolèrent pas le burkini. Au Maroc, cet habit n’est pas un sujet portant à polémique car aucune interdiction n’a émané des autorités publiques. Nous respectons les valeurs de l’islam modéré. Bikini et burkini coexistent sur nos plages ».
Ainsi, il apparaît que l’interdiction du burkini au Maroc n’est pas le résultat d’une loi nationale ou d’une position religieuse stricte, mais plutôt d’initiatives locales et privées.
Une coexistence culturelle sur les plages Marocaines
Le Maroc est un pays à la croisée des cultures. En dépit de sa majorité musulmane, il a su développer une certaine tolérance, notamment dans les zones touristiques. Sur les plages marocaines, il n’est pas rare de voir cohabiter des femmes en bikini et d’autres en burkini. Cette diversité vestimentaire reflète une tolérance que beaucoup ignorent, et qui contraste avec les clichés véhiculés par certains militants français.
La polémique sur le burkini ne semble pas susciter d’émotions particulièrement vives au sein de la population marocaine. Les autorités se sont même positionnées en faveur de cette coexistence. Selon elles, l’essentiel est que les usagers des plages et piscines respectent les règles de pudeur, ce qui laisse une grande liberté aux femmes de choisir leur tenue.
L’argument de l’hygiène : Vraiment valable ?
L’un des arguments fréquemment avancés pour justifier l’interdiction du burkini dans certains établissements est celui de l’hygiène. Mais cet argument tient-il vraiment la route ? En 2019, le Défenseur des droits en France a publié un rapport dans lequel il soulignait que, mis à part la proportion de tissu, le burkini est fait des mêmes matériaux que les maillots de bain classiques. Il est fabriqué dans des tissus comme le lycra ou le nylon, spécifiquement conçus pour les environnements aquatiques et conformes aux normes d’hygiène des piscines.
Cet argument d’hygiène est donc largement contestable. Si certains établissements marocains continuent de s’appuyer dessus pour justifier leur interdiction, il semble que cette raison soit davantage utilisée pour masquer d’autres types de réticences, peut-être plus culturelles ou économiques, qu’hygiéniques.
Des incompréhensions qui alimente le débat en France
Il est fascinant de voir à quel point un simple cliché peut alimenter un débat complexe à des milliers de kilomètres. Le burkini, en tant que symbole, semble cristalliser des tensions identitaires, non seulement en France, mais également dans d’autres pays occidentaux. En revanche, dans les pays musulmans comme le Maroc, il est souvent vu comme une simple option vestimentaire parmi d’autres, sans grande controverse.
En résumé, affirmer que le burkini est interdit partout au Maroc relève d’une manipulation ou d’une simplification abusive. Les photos relayées sur les réseaux sociaux ne montrent que des interdictions locales, mises en place par des établissements privés pour des raisons qui leur sont propres. Il n’existe aucune législation nationale interdisant le port du burkini dans les piscines, sur les plages, ou dans les lieux publics au Maroc.
Quand le débat sur le burkini dépasse les frontières et les clichés
Le burkini, au cœur des polémiques en France, ne fait pas l’objet des mêmes débats au Maroc. Les clichés circulant sur son interdiction dans ce pays ne reflètent qu’une réalité partielle et déformée. Si quelques hôtels ou parcs aquatiques ont décidé de le prohiber, la majorité des plages et piscines marocaines sont des lieux où bikini et burkini coexistent sans problème. Le débat sur le burkini est avant tout une question française, où des enjeux identitaires se mêlent à des préoccupations plus politiques qu’hygiéniques. Au Maroc, le burkini reste un choix personnel, toléré par la société et les autorités, preuve que la réalité est souvent bien plus nuancée que les images partagées sur les réseaux sociaux ne le laissent croire.
Merci d’avoir rétabli la vérité sur ce sujet.