Ce que révèle l’enquête choc sur les contrôles policiers : surreprésentation massive des jeunes perçus comme noirs ou maghrébins.

Contrôles d’identité en France : Les jeunes noirs et maghrébins 12 fois plus fouillés que les autres

SOCIETE

Ils sont jeunes. Ils sont Français. Et pourtant…

Ils sont nés à Bondy, à Lyon, à Marseille. Ils ont grandi à Aubervilliers ou à Nantes. Ils s’appellent Yanis, Hicham, Ibrahim ou Marvin. Ils sont Français. Et pourtant, sur le quai du métro, sur la place du marché, devant leur lycée ou dans une rame bondée, un uniforme finit toujours par leur barrer le passage. Le même regard soupçonneux. Le même « papiers s’il vous plaît« , qui résonne comme une condamnation sans procès.

Cette scène, ils la vivent encore et encore. Mais aujourd’hui, elle a un nom. Des chiffres. Une réalité validée par une étude inédite commandée par le Défenseur des droits et réalisée par Ipsos, publiée en juin 2024.

Une étude qui dérange : Les chiffres de la honte

Entre octobre 2024 et janvier 2025, 5 030 personnes âgées de 18 à 79 ans ont été interrogées. Résultat : 26% d’entre elles déclarent avoir subi un contrôle d’identité au moins une fois au cours des cinq dernières années. Mais ce chiffre explose quand on isole les jeunes hommes perçus comme noirs ou maghrébins.

➡️ Ils sont 4 fois plus susceptibles d’être contrôlés.
➡️ Et 12 fois plus exposés à une fouille ou une palpation.

Autrement dit, les policiers les arrêtent plus, les touchent plus, les suspectent plus. Pas parce qu’ils ont commis une infraction, mais parce qu’ils ont le « mauvais look », le mauvais prénom, la mauvaise couleur de peau.

« Le visage de la République ne me reconnaît pas »

Hicham, 22 ans, étudiant à Lille, a été contrôlé 5 fois en 8 mois. Toujours dans le métro, jamais pour un motif. Il raconte :

« Ils me disent que c’est une vérification de routine. Mais pourquoi toujours moi ? Je suis bien habillé, je rentre de la fac. Ils me tutoient, fouillent mon sac, touchent mes vêtements, parfois mes cheveux. Je suis fatigué de devoir toujours prouver que je suis un citoyen normal. »

Ce que dit précisément l’étude

L’étude du Défenseur des droits va plus loin qu’une simple dénonciation. Elle établit des corrélations précises :

  • 39% des personnes perçues comme noires ou arabes ont été contrôlées au moins une fois sur cinq ans.
  • Pour les hommes perçus comme blancs, ce taux tombe à 23%.
  • Et ce n’est pas lié à un comportement suspect : 52% des contrôlés ne reçoivent aucune explication sur la raison du contrôle.

Les quartiers ciblés, les profils visés

Les zones géographiques jouent aussi un rôle : Dans les quartiers populaires, les contrôles sont systématiques, voire chronométrés.

Mais ce ne sont pas les actes qui déclenchent l’intervention, ce sont les apparences.

Un policier syndiqué (anonymement) confiait récemment à un média :

« On nous dit de faire du chiffre. Le plus simple, c’est de contrôler ceux qui ont peu de chances de protester ou qui ‘font l’affaire’ visuellement. »

La fouille : Ultime humiliation

La fouille est rarement anodine. Elle marque le corps, l’ego, le souvenir.

12 fois plus de fouilles pour les jeunes hommes perçus comme noirs ou maghrébins, selon les données.

Certains parlent d’agressions symboliques. D’autres de micro-traumatismes répétés. Très peu portent plainte. Moins de 5%. La peur des représailles. L’habitude du silence.

Une confiance brisée entre police et citoyens

Cette inégalité structurelle produit des effets désastreux :

  • Fracture entre jeunesse et institutions
  • Méfiance vis-à-vis de la police
  • Sentiment d’exclusion de l’espace public

C’est un cercle vicieux : Plus les jeunes sont contrôlés, moins ils font confiance. Et moins ils font confiance, plus ils se replient. Jusqu’à n’avoir comme interlocuteur que la colère.

Que propose le Défenseur des droits ?

  1. Encadrer les contrôles d’identité strictement par la loi
  2. Remettre un récépissé pour chaque contrôle, comme en Grande-Bretagne
  3. Former les forces de l’ordre aux biais inconscients
  4. Créer un suivi statistique réel et public

La France est-elle prête ?

En 2016, une étude avait déjà montré que 80% des jeunes hommes noirs ou arabes avaient été contrôlés au moins une fois. Depuis, rien n’a changé.

La France, patrie des droits de l’homme, peine à se regarder dans le miroir.

Mais tant que Mourad ou Hicham seront fouillés 12 fois plus que Pierre ou Julien, il n’y aura pas d’égalité réelle dans l’espace public.

🧾 « Être Français sans condition »

Contrôlé, fouillé, humilié… sans autre raison que celle d’être né avec un prénom ou une peau « qui ne passe pas inaperçue ».

Ce que dénonce l’étude du Défenseur des droits, c’est bien un apartheid invisible, pratiqué dans la rue, toléré par les institutions, banalisé par le silence.

Et tant qu’on ne changera pas cette logique, ce ne sont pas les jeunes qui auront un problème avec la République… c’est la République qui aura un problème avec ses jeunes.

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