Clémentine : « Après avoir misé son crédit politique dans une première dissolution sans issue, Emmanuel Macron pourrait-il vraiment s’aventurer à rejouer la même carte, au risque d’aggraver la crise démocratique ? »
Au 55 rue du Faubourg-Saint-Honoré, un silence pesant règne dans les salons dorés de l’Élysée. Emmanuel Macron, le visage tendu, scrute les courbes sinusoïdales des sondages et les rapports des cellules stratégiques. À ses côtés, une poignée de conseillers retiennent leur souffle. Un mot circule en boucle, aussi explosif que chargé : Dissolution.
Le chef de l’État l’a déjà brandie une fois, dans un acte de bravoure ou de désespoir, le 9 juin 2024. Cette première dissolution, historique, visait à sortir d’un blocage devenu chronique sous une majorité relative asphyxiante. Mais le résultat fut un miroir brisé : Une Assemblée recomposée, toujours fragmentée, dans laquelle le parti présidentiel n’a pas conquis la majorité absolue espérée. Un an plus tard, l’impasse est la même – voire pire.
Une impasse qui n’a jamais été levée
Depuis la première dissolution, le Palais Bourbon ressemble à un ring politique permanent. Les motions de censure s’enchaînent, les projets de loi sont constamment amendés, ralentis, ou vidés de leur substance. Emmanuel Macron gouverne à coups de compromis fragiles, d’ordonnances quand il peut, ou de renoncements quand il n’a plus le choix.
« On serait dans la même impasse », reconnaît un proche du chef de l’État dans les colonnes de TF1 Info. Car malgré une situation bloquée, le risque d’une seconde dissolution serait loin de garantir une issue favorable.
Le piège de l’article 12 de la Constitution
La Constitution française permet au Président de dissoudre l’Assemblée Nationale, mais l’article 12 est clair : Il est interdit de le faire plus d’une fois par an. Ainsi, Emmanuel Macron ne pourra reconsidérer cette option qu’à partir du 9 juin 2025. Or, à cette date, les tensions politiques n’auront pas disparu. Mais la mécanique de la dissolution reste redoutablement incertaine.
Déclencher à nouveau ce levier, ce serait prendre le risque de renforcer les extrêmes, voire de se retrouver face à une cohabitation imposée. Dans un climat où le Rassemblement National continue de séduire une partie de l’électorat, notamment dans les classes populaires, une nouvelle campagne législative pourrait tourner au désastre stratégique pour le camp présidentiel.
Et si les résultats étaient… les mêmes ?
Le pire pour Emmanuel Macron ne serait pas seulement une défaite, mais une reproduction de l’existant : Un hémicycle tout aussi divisé, où aucun bloc ne parviendrait à rassembler une majorité stable.
C’est là toute la subtilité du piège politique. Le chef de l’État peut difficilement continuer à gouverner dans l’état actuel, mais il ne peut pas non plus espérer un miracle électoral. L’effet de souffle de la première dissolution s’est estompé. Le peuple, lassé, pourrait sanctionner l’exécutif avec davantage de sévérité qu’en 2024.
Les centristes eux-mêmes le savent : La lassitude populaire, la défiance envers la classe politique, l’exaspération face aux réformes inabouties et la montée du RN constituent une poudrière. Le risque d’un retour de flamme est réel.
L’arme qui se retourne contre son détenteur
Dissoudre une seconde fois, c’est confesser son échec à gouverner. C’est aussi transmettre la parole au peuple avec un effet boomerang potentiel. Cette seconde dissolution, certains à l’Élysée la comparent déjà à « une grenade dégoupillée dans un couloir étroit ».
L’éventualité d’une cohabitation – avec un Premier ministre issu des oppositions – est une hypothèse jugée humiliante dans l’entourage du Président. Dans ce cas, Emmanuel Macron n’aurait plus qu’un rôle institutionnel affaibli jusqu’à la fin de son mandat.
Pire encore : Une majorité absolue du RN ou de LFI pourrait remettre en cause plusieurs lignes rouges de sa politique intérieure, européenne et diplomatique. Le « en même temps » présidentiel volerait en éclats.
Un président en suspension, entre contrainte et isolement
Depuis plusieurs semaines, Emmanuel Macron repousse toute communication publique sur une nouvelle dissolution. Dans les couloirs du pouvoir, certains croient encore à la possibilité de bâtir une coalition élargie, un gouvernement d’union nationale, ou une recomposition centriste. D’autres, plus fatalistes, pensent qu’il faudra bien y retourner.
Le président de la République est ainsi dans une forme de limbo institutionnel : Il gouverne sans gouverner pleinement, il préside sans pouvoir trancher, il initie sans pouvoir conclure. La mécanique de la Vème République, pensée pour éviter la paralysie, semble elle-même grippée.
Une impasse politique à haute tension
La France est-elle donc condamnée à vivre deux dissolutions en un mandat présidentiel ? L’hypothèse est redoutée. Pour Emmanuel Macron, la seconde dissolution serait un quitte ou double, sans filet, ni garantie. Elle incarne tout ce que les présidents redoutent : L’impuissance du pouvoir, l’instabilité démocratique, la sanction électorale.
En 2024, il avait tenté un pari audacieux. En 2025, il pourrait devoir choisir entre reculer encore… ou sauter une dernière fois dans le vide.