Esther : « Comment imaginer que celui qui se dit défenseur des opprimés ait pu, enfant, s’acharner sur les petits juifs de sa classe ? »
Quand l’enfance révèle les fissures de l’idéal
Il y a des blessures d’enfance qui ne se referment jamais vraiment. Des cicatrices silencieuses qui, un jour, refont surface et bousculent les certitudes. Lorsqu’un ancien camarade de classe prend la parole pour dénoncer ce qu’il a vu, ce qu’il a ressenti, ce qu’il a tu trop longtemps, le passé se teinte soudain d’un éclat glaçant. C’est ce qui s’est produit lorsque Julien Dray, figure de la gauche républicaine et ami de longue date de Jean‑Luc Mélenchon, a prononcé ces mots lourds de sens :
« Jean‑Luc passait son temps à persécuter les petits juifs dans la classe. »

Un souvenir enfoui, une parole libérée
Ce n’était pas un plateau de télévision. Ce n’était pas un clash politique entre deux adversaires. Non. C’était un témoignage personnel, à la première personne. Un éclat de mémoire ressurgi des bancs de l’école, quand Mélenchon et Dray fréquentaient ensemble une classe à Oran, avant l’exil forcé provoqué par l’indépendance de l’Algérie.
Julien Dray n’accuse pas un homme politique. Il évoque un camarade d’enfance, un garçon déjà sûr de lui, un petit chef en herbe qui, selon lui, aurait dirigé ses sarcasmes, ses moqueries, ses humiliations vers les enfants juifs de la classe. Un comportement ciblé, répété, insidieux.
Une enfance entre guerre, racines et identités
Pour comprendre la portée de cette déclaration, il faut remonter à la complexité de cette époque. Oran, années 60. Une ville fracturée par la fin de la colonisation. Les enfants juifs, européens ou musulmans sont jetés pêle-mêle dans des écoles où tout se joue dans les cours de récréation. Les regards hérités des familles s’échangent plus vite que les ballons de foot. Et dans cet univers, les tensions ethniques et religieuses ne sont pas absentes des jeux d’enfants.
Jean‑Luc Mélenchon, né à Tanger et élevé à Oran dans une famille aux origines espagnole et italienne… a vécu là une enfance bousculée. Julien Dray, lui, est né dans une famille juive pied-noir. Ils se croisent dans une salle de classe… et selon Dray, quelque chose d’irréparable s’y est joué.
Quand le silence devient politique
Pendant des décennies, ce souvenir est resté dans l’ombre. Dray et Mélenchon se retrouvent plus tard à Paris, au sein du même parti, le PS, puis sur les bancs de l’Assemblée. Ils cheminent ensemble, parfois en désaccord, souvent alliés.
Mais ce que Dray n’a jamais oublié, c’est ce sentiment d’hostilité, ce regard, cette parole qui revenait trop souvent. Quand il parle de « persécutions« , il ne s’agit pas d’un simple différend d’enfants. Il parle d’un acharnement. D’une cible : Les « petits juifs » de la classe.
Résonances d’un passé sur une actualité brûlante
Ce témoignage ressurgit dans un contexte politique tendu. Les prises de position de Mélenchon sur la guerre en Israël, sa dénonciation répétée du CRIF, sa rhétorique très tranchée sur certaines figures de la communauté juive, ont valu au leader de La France Insoumise de nombreuses critiques.
Julien Dray n’est pas le seul à s’en inquiéter. D’anciens proches, des militants de gauche, des journalistes, des intellectuels se posent la même question : Jean‑Luc Mélenchon est‑il insensible à la douleur juive ? Pire : Serait‑il porteur d’un rejet ancien, enraciné depuis l’enfance ?
Une parole qui divise
Certains y voient un coup politique. Une trahison entre anciens camarades. D’autres saluent le courage de Julien Dray, osant dire tout haut ce que beaucoup taisaient.
Mais ce qui dérange le plus, peut-être, c’est l’idée qu’un homme devenu tribun, défenseur des opprimés, porte en lui un passé trouble. Une violence enfantine, mais ciblée. Une faille.
Peut-on changer ? Peut-on guérir d’un mépris ancien ? Peut-on faire la paix avec celui que l’on a été ?
Ce que cela dit de nous
L’histoire racontée par Julien Dray dépasse la simple anecdote. Elle interroge sur notre rapport à l’enfance, à la mémoire, à la justice. Car si Mélenchon avait eu un comportement hostile envers les petits juifs, quel écho cela a-t-il dans ses combats d’aujourd’hui ? Et à l’inverse : N’est-ce pas précisément parce qu’il a vu, vécu, peut-être infligé cette violence, qu’il s’en est fait le pourfendeur ?
Ce témoignage nous force à penser autrement les trajectoires humaines. À ne pas tout excuser. Mais à regarder en face. Surtout lorsque les idéaux politiques se parent de vertus qu’on n’a peut-être pas toujours incarnées.
Quand le passé refait surface
À la croisée de la confession intime et de la révélation politique, les mots de Julien Dray ouvrent une brèche. Ils ne condamnent pas. Ils appellent à l’examen. Ils nous rappellent que la vérité n’est pas toujours celle qu’on veut entendre, et que même les figures les plus puissantes portent en elles des histoires d’enfance dont elles n’ont pas encore soldé les comptes.