Mathilde : Et si Emmanuel Macron se nommait lui-même Premier Ministre ? Cette idée, aussi provocante qu’improbable, soulève une interrogation bien plus profonde : Pourquoi le Président peine-t-il tant à jouer son rôle d’arbitre et à laisser ses Premiers Ministres gouverner ? Est-ce le poids du quinquennat, une vision managériale trop rigide ou un refus obstiné de lâcher prise ?
Macron Premier ministre : Pourquoi Emmanuel Macron peine-t-il à déléguer ?
Depuis le début de son premier mandat, Emmanuel Macron s’est illustré par son approche centralisatrice, prenant souvent à son compte des rôles traditionnellement dévolus à d’autres acteurs politiques, notamment celui de Premier Ministre. Mais cette tendance, loin de renforcer son autorité, semble semer le trouble au sommet de l’État et affaiblir la mécanique institutionnelle. Et si Emmanuel Macron se nommait lui-même Premier Ministre ? Cette question, provocante en apparence, illustre une problématique bien plus profonde : Le Président a-t-il réellement compris son rôle d’arbitre dans la Vᵉ République ?
Un Président qui s’improvise Premier Ministre
Récemment, alors que Matignon était vacant après le départ de Michel Barnier, Emmanuel Macron a pris sur lui de négocier directement avec les partis politiques. Une tâche normalement dévolue au chef de gouvernement. En agissant ainsi, il a brouillé la ligne de démarcation entre ses prérogatives présidentielles et celles de son futur Premier Ministre. Ce choix a suscité des critiques virulentes, notamment de l’opposition, qui y voit une forme de mépris envers la fonction.
En convoquant les chefs de groupes parlementaires à l’Élysée, Emmanuel Macron a montré qu’il préfère agir lui-même, plutôt que de déléguer cette tâche à son successeur à Matignon. Ce comportement a une fois de plus nourri l’image d’un Président « touche-à-tout », incapable de laisser à d’autres le soin de gouverner.
Les conséquences d’un rôle mal assumé
Cette manière de procéder a des conséquences politiques et institutionnelles importantes. En centralisant le pouvoir à l’Élysée, Emmanuel Macron affaiblit son Premier Ministre et brouille le message envoyé aux Français. La confusion des rôles rend également plus difficile la construction d’une majorité parlementaire, un défi crucial dans un paysage politique fragmenté.
Le départ de Michel Barnier, précipité par le vote d’une motion de censure, est une illustration flagrante de cette problématique. Plutôt que de jouer son rôle d’arbitre, le Président s’est impliqué dans des négociations qui auraient dû être menées par son chef de gouvernement. Ce « vice de procédure », comme l’ont qualifié certains observateurs, n’a fait qu’accentuer le malaise au sommet de l’État.
Le poids du quinquennat et la fin de la cohabitation
Pour comprendre ce phénomène, il faut remonter à l’instauration du quinquennat en 2000, qui a profondément modifié les équilibres au sommet de l’exécutif. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le Premier Ministre avait déjà été relégué au rang de simple « collaborateur ». Emmanuel Macron a poussé cette logique encore plus loin, transformant Matignon en une extension de l’Élysée.
La cohabitation, qui permettait autrefois au Président et au Premier Ministre de partager les rôles, semble aujourd’hui une relique du passé. Mais cette concentration des pouvoirs entre les mains du Président n’est pas sans risques. Elle nuit à la séparation des fonctions et fragilise le système politique, surtout dans un contexte de défiance accrue envers les institutions.
Une vision managériale incompatible avec la politique ?
Formé aux méthodes du monde des affaires, Emmanuel Macron applique une approche managériale à la gestion de l’État. Il considère souvent le Premier Ministre comme un exécutant, chargé de mettre en œuvre sa vision. Mais cette méthode se heurte aux réalités de la politique, où la négociation, la délégation et la recherche de consensus sont indispensables.
En juin dernier, après un revers électoral, Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée Nationale sans même consulter son Premier Ministre. Cet épisode a marqué un tournant : Il a montré que le Président considérait Matignon comme une simple courroie de transmission. Pour Gabriel Attal, alors locataire de Matignon, cette humiliation a laissé des traces profondes, confirmant l’incapacité de Macron à respecter pleinement le rôle de Premier Ministre.
Le temps d’un changement ?
Face aux défis colossaux qui l’attendent, Emmanuel Macron devra apprendre à déléguer s’il veut éviter l’asphyxie institutionnelle. La France traverse une période de turbulences politiques et sociales, et le Président ne peut pas tout gérer seul. Son insistance à garder le contrôle total risque de miner davantage son mandat et d’affaiblir la fonction présidentielle.
Le Président doit se concentrer sur son rôle d’arbitre et laisser son futur Premier Ministre, qu’il s’agisse de François Bayrou ou d’un autre, prendre en charge les négociations et la gestion quotidienne du gouvernement. La Constitution de la Vᵉ République, conçue par le général de Gaulle, repose sur un équilibre clair : Le Président donne le cap, le Premier Ministre gouverne.
Macron, un Jupiter en quête d’équilibre
Emmanuel Macron se considère encore comme Jupiter, un Président omnipotent. Mais cette posture, qui a pu séduire à ses débuts, est aujourd’hui une source de tensions et d’inefficacité. Le temps est venu pour lui d’accepter les limites de sa fonction et de redonner à Matignon son rôle de véritable chef d’orchestre gouvernemental.
Le défi pour Emmanuel Macron est de réapprendre à déléguer, à faire confiance à son équipe et à respecter les équilibres institutionnels. Ce n’est qu’à cette condition qu’il pourra surmonter les crises qui s’annoncent et restaurer la confiance des Français dans leurs institutions.