Chloé, une jeune étudiante en sciences politiques, se questionne sur l’évolution du paysage électoral français. Après avoir entendu les récentes déclarations de Gérald Darmanin sur France Inter, elle se demande : « Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi Darmanin affirme-t-il que ‘le petit blanc vote Le Pen et le petit beur vote Mélenchon’ ? Est-ce vraiment le reflet d’une France fracturée par les discriminations et les inégalités sociales ? » Curieuse d’en savoir plus, elle décide de plonger dans l’analyse du vote populaire en France.
L’actualité politique française ne cesse de nous rappeler les clivages profonds qui traversent la société. Le paysage électoral évolue, et les divisions sont de plus en plus visibles. Lors d’une interview sur France Inter, Gérald Darmanin, désormais simple député après son départ du ministère de l’Intérieur, a fait des déclarations qui ont suscité de vives réactions. Selon lui, le « petit blanc vote Le Pen, et le petit beur vote Mélenchon« . Mais que cachent vraiment ces paroles choc ? Quelles sont les réalités sociales et politiques derrière ces mots ? Analysons en profondeur ces propos et ce qu’ils révèlent des fractures électorales en France.
Le contexte des déclarations de Gérald Darmanin
Gérald Darmanin, connu pour son franc-parler, n’a pas hésité à prendre position après son retour à Tourcoing, sa ville de cœur, pour sa rentrée politique. Lors de son interview sur France Inter le 30 septembre, il a dressé un constat sans concession de la situation électorale française. Il a notamment pointé du doigt ce qu’il appelle « le naufrage démocratique de la France populaire« . Selon lui, une partie des électeurs français se réfugie dans les bras de « la démagogie communautaire des extrêmes« , illustrée d’un côté par Marine Le Pen pour l’extrême droite, et de l’autre par Jean-Luc Mélenchon pour la gauche radicale.
Mais pourquoi ces deux figures politiques polarisent-elles ainsi l’électorat populaire, au point que Darmanin simplifie le vote en fonction de l’origine sociale et ethnique des électeurs ? Pour comprendre cette polarisation, il est nécessaire de décortiquer le rapport entre les catégories sociales, les discriminations et la perception des partis politiques en France.
Le « petit blanc » et le vote Le Pen : Un vote de défiance
L’expression « petit blanc » utilisée par Gérald Darmanin fait directement référence à une partie de l’électorat ouvrier et employé, traditionnellement ancrée dans les classes populaires. Ce vote, autrefois majoritairement acquis à la gauche, notamment au Parti communiste, s’est progressivement détourné des formations progressistes pour s’orienter vers le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen.
Ce glissement s’explique en grande partie par un sentiment de déclassement et d’abandon de ces classes populaires par les partis traditionnels. L’industrie, qui constituait le cœur battant de certaines régions ouvrières, s’est effondrée, entraînant chômage et précarité. Face à ces défis, le discours du RN, qui dénonce l’immigration, l’insécurité et la mondialisation, trouve un écho favorable auprès de cet électorat. Marine Le Pen a su capter cette colère en promettant une restauration du pouvoir d’achat, la défense des services publics et une remise en question des politiques migratoires.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Lors des dernières élections européennes, 54% des ouvriers et 40% des employés ont voté pour le Rassemblement National. Ce phénomène n’est donc pas seulement lié à un rejet de l’immigration, mais également à une forme de défiance vis-à-vis des élites politiques, perçues comme déconnectées des réalités quotidiennes de ces classes populaires. C’est ce que Darmanin résume par l’expression « le petit blanc vote Le Pen« .
Le « petit beur » et le vote Mélenchon : Une demande de reconnaissance
À l’inverse, l’expression « petit beur » fait référence aux électeurs d’origine maghrébine ou issus de l’immigration postcoloniale, qui constituent une base importante de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon et de La France Insoumise (LFI). Selon Darmanin, ce vote serait largement influencé par les discriminations que subissent ces populations, notamment dans les domaines de l’emploi, du logement et des interactions avec les forces de l’ordre.
L’un des points marquants du programme de Jean-Luc Mélenchon est sa dénonciation des discriminations et son engagement pour une politique de justice sociale. Pour une partie des électeurs issus des minorités, LFI incarne un espoir de changement, tant sur le plan des inégalités que des droits. L’engagement de Mélenchon pour la reconnaissance de l’État palestinien et sa critique virulente d’Israël dans le contexte du conflit israélo-palestinien sont également des éléments déterminants du soutien de cet électorat.
D’après un sondage Ipsos, 22% des 18-24 ans considèrent la situation à Gaza comme un enjeu majeur dans leur choix de vote, contre seulement 6% de l’ensemble des électeurs. Cette fracture générationnelle montre que les jeunes, notamment ceux issus de l’immigration, sont particulièrement sensibles aux questions internationales et à la défense des droits humains. Cela illustre bien pourquoi Darmanin avance que « le petit beur vote Mélenchon« .
Le vote RN et LFI : Une opposition plus nuancée qu’il n’y paraît
Si Gérald Darmanin a choisi d’employer des termes simplificateurs, la réalité est bien plus complexe. En effet, plusieurs études nuancent ce tableau. Le vote pour le Rassemblement National ne se limite pas aux ouvriers et employés, et le soutien à La France Insoumise dépasse largement les seules populations issues de l’immigration.
Le RN séduit de plus en plus les cadres et les retraités. Entre 2019 et 2024, le vote en faveur de Marine Le Pen a progressé chez les cadres, passant de 13% à 20%, un bond significatif pour un parti historiquement lié aux classes populaires. Le soutien des retraités, longtemps réticents, a également augmenté de 7% entre les élections législatives de 2022 et celles de 2024. Ce phénomène montre que le vote RN n’est pas seulement une réponse à la précarité ou aux discriminations, mais qu’il s’inscrit dans une dynamique plus large de défiance à l’égard des institutions et du système politique.
De son côté, le vote pour Jean-Luc Mélenchon ne se limite pas à l’électorat d’origine maghrébine ou aux jeunes des quartiers populaires. Comme le souligne le politologue Jérôme Fourquet, Mélenchon rassemble également des professions intellectuelles, des enseignants, des chercheurs, et des membres de la classe moyenne, créant ce qu’il appelle un « archipel électoral« . Cette diversité dans l’électorat montre que le soutien à LFI est à la fois une réponse aux discriminations, mais aussi un appel à une société plus égalitaire et juste.
Une fracture électorale révélatrice des échecs de la macronie
Les propos de Gérald Darmanin reflètent également une autocritique de la Macronie, qu’il estime déconnectée des préoccupations des classes populaires. Lors de la passation de pouvoir avec Bruno Retailleau, Darmanin a insisté sur la nécessité de « regarder les choses en face » et de reconnaître les échecs en matière de lutte contre les discriminations et la précarité.
Le constat est clair : La Macronie, malgré ses ambitions de « bloc central », a perdu une partie de la France populaire. Que ce soit dans les banlieues ou dans les zones rurales, de nombreux électeurs estiment que leurs besoins ne sont plus pris en compte. Cette rupture entre le gouvernement et les classes modestes est en partie responsable de la montée des extrêmes, que ce soit à droite ou à gauche.
En créant « Populaires« , un « lieu de réflexion » dédié à ces questions, Gérald Darmanin semble vouloir proposer une alternative capable de réconcilier une France divisée. Mais la tâche s’annonce ardue tant les fractures sont profondes.
"Pour faire très vite, le petit blanc vote Le Pen, et le petit beur vote Mélenchon", estime @GDarmanin. "Plein de gens se sentent discriminés, parfois à tort, parfois à raison. L'assignation à résidence que nous avions dénoncée, on n'a pas su la corriger", dit-il. #le710inter pic.twitter.com/aOP8C07SNH
— France Inter (@franceinter) September 30, 2024
Une France à reconstruire
Les déclarations de Gérald Darmanin, aussi tranchées soient-elles, révèlent une vérité préoccupante : La France est profondément divisée. Que ce soit à travers le vote pour Marine Le Pen ou pour Jean-Luc Mélenchon, les électeurs expriment un malaise et une défiance envers les institutions. Pour sortir de cette impasse, il est impératif de s’attaquer aux racines du problème : Les inégalités sociales, les discriminations, et le sentiment d’abandon ressenti par une partie croissante de la population.
En définitive, le « petit blanc » et le « petit beur » ne sont pas uniquement des symboles de ces fractures électorales, ils sont aussi le reflet d’une France qui cherche des réponses à des problèmes qui n’ont cessé de s’aggraver.