Métro, hôpital, BTP, EHPAD : découvrez les secteurs où l’absence d’immigrés ferait vaciller la France.

Pourquoi la France doit accueillir 310 000 travailleurs immigrés par an pour sauver son modèle social

SOCIETE

Dans un petit hôpital de banlieue parisienne, Zakia, 38 ans, originaire du Maroc, vient de terminer sa troisième nuit consécutive. Infirmière de nuit depuis huit ans, elle ne compte plus les fois où son service a fonctionné avec moins de la moitié de l’effectif requis. « Sans nous, tout s’écroulerait », dit-elle, les yeux fatigués mais pleins de dignité.

À mille kilomètres de là, dans un vignoble du Bordelais, Carlos, un saisonnier colombien, termine la taille de ses rangs de vigne. Il est arrivé en France il y a trois ans, régularisé par son employeur après plusieurs vendanges. Il ne comprend toujours pas pourquoi les Français, à qui il rend service, le regardent parfois de travers. « Ici, il y a du travail. Là-bas, il n’y en avait plus. »

Un modèle français au bord de l’asphyxie

Le think tank Terra Nova a récemment jeté un pavé dans la mare. Selon son étude publiée au printemps 2025, pour maintenir le ratio actif/inactif à un niveau viable, la France devra accueillir chaque année entre 250 000 et 310 000 travailleurs immigrés jusqu’en 2040-2050.

Le chiffre peut choquer. Mais la logique démographique est implacable : Les baby-boomers partent à la retraite, les naissances s’effondrent, et les métiers en tension explosent. Auxiliaires de vie, ouvriers du bâtiment, agents de propreté, conducteurs de bus, infirmiers : Tous ces secteurs recrutent… et ne trouvent plus personne.

Derrière les chiffres, des visages

Sur les chantiers de Lyon, dans les cuisines des restaurants parisiens, dans les couloirs des EHPAD d’Île-de-France, l’immigration n’est pas une théorie, mais une réalité quotidienne. Elle a un prénom, un accent, une histoire. Et surtout, elle remplit des fonctions vitales que le marché du travail français peine à pourvoir.

À l’aéroport de Roissy, Ayoub, 24 ans, manutentionnaire venu de Tunisie, ne sait pas ce qu’est Terra Nova. Mais il sait que son contrat en intérim lui permet d’envoyer de l’argent à ses parents tout en cotisant pour la retraite ici. Il fait partie de ces milliers de travailleurs invisibles mais indispensables.

Immigration économique France

Une France qui vieillit… et qui redoute l’immigration

Le paradoxe est cruel. Jamais la France n’a autant eu besoin d’immigration économique. Et jamais les discours politiques n’ont été aussi clivants. Tandis que les économistes alertent, les débats médiatiques tournent en boucle sur la “submersion migratoire”.

Pourtant, les chiffres démentent les fantasmes : Selon l’Insee, la France compte moins de 10% d’immigrés sur son territoire, et tous ne sont pas en âge de travailler. Le rapport Terra Nova insiste : L’accueil doit être encadré, ciblé, assumé, notamment sur les métiers en tension. Il ne s’agit pas d’ouvrir les frontières à tous vents, mais de planifier.

Une stratégie à rebâtir

La vraie urgence est là : Orienter les flux migratoires en fonction des besoins économiques, simplifier les procédures de visa travail, et surtout… accompagner l’intégration. Car une immigration réussie ne s’arrête pas au guichet de la préfecture.

Aujourd’hui, l’administration française peine à absorber la demande, et les délais explosent. Résultat : Des employeurs désespèrent, des travailleurs attendent, et les secteurs clés vacillent.

L’acceptabilité sociale, dernier défi

Pour convaincre, il faut expliquer. Montrer. Rappeler que le système de retraite repose sur les cotisations. Et que sans renouvellement des forces vives, c’est l’ensemble du modèle français – éducation, santé, solidarité – qui s’effondre.

Des campagnes de sensibilisation, des récits incarnés, une parole politique claire : Voilà les briques d’une nouvelle relation à l’immigration. Une immigration choisie, utile, mais aussi respectée.

Un chantier collectif

Dans dix ans, quand on parlera de ceux qui ont tenu les hôpitaux à bout de bras, reconstruit les routes, cultivé les champs et nettoyé les villes, il faudra dire leurs prénoms. Il faudra dire que sans eux, la France n’aurait pas tenu.

310 000. Ce n’est pas qu’un chiffre. C’est un cap. Un signal. Une invitation à repenser notre modèle, à regarder enfin la réalité en face, avec lucidité et humanité.

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