La restauration française au cœur d’une polémique : Stéphane Manigold pointe du doigt notre modèle social qu’il juge responsable du manque de candidats.

Immigration et restauration : Le coup de gueule de Stéphane Manigold contre un système social jugé trop généreux

EMPLOI

Paris, début mars 2025. Dans le tumulte bruyant d’un service de midi, les cuisines de la Maison Rostang, emblème de la gastronomie parisienne, tournent à plein régime. Derrière les fourneaux, des jeunes apprentis, des chefs expérimentés, des serveurs au pas alerte. Et au centre de ce ballet orchestré avec rigueur : Stéphane Manigold. Propriétaire de plusieurs établissements de renom, il est aussi devenu l’un des visages médiatiques de la restauration française, particulièrement depuis la crise du Covid-19. Mais cette fois, ce n’est pas la pandémie qui l’a poussé à prendre la parole.

Non, cette fois, c’est un cri du cœur. Une exaspération profonde. Dans une interview donnée à Valeurs Actuelles, le restaurateur ne mâche pas ses mots. « La restauration n’a pas besoin d’immigration », lance-t-il. Une phrase choc, qui enflamme aussitôt le débat public. Et derrière cette déclaration, une critique plus large et plus tranchante : Celle du modèle social français, qu’il accuse de décourager l’effort et de favoriser l’oisiveté.

Une pénurie bien réelle, mais des raisons contestées

Depuis plusieurs années, le secteur de la restauration crie à la pénurie. Serveurs, plongeurs, cuisiniers, barmen… les annonces s’accumulent, les CV ne suivent pas. Beaucoup d’entrepreneurs, de syndicats professionnels et de politiques ont évoqué une solution : Recourir davantage à l’immigration pour pourvoir les postes non pourvus. Une idée que Stéphane Manigold rejette en bloc.

Selon lui, le problème ne vient pas d’un manque de bras, mais d’un déséquilibre profond entre les droits sociaux et les devoirs. « Quand on verse 1 400 euros d’aides sociales à un individu qui préfère rester chez lui plutôt que de travailler 39 heures dans un restaurant pour 1 600 euros, c’est qu’il y a un dysfonctionnement majeur », déclare-t-il avec véhémence.

Des aides sociales devenues contre-productives ?

Dans son discours, Manigold cible clairement le système social français. Trop généreux, trop permissif, trop déconnecté des réalités du terrain, dit-il. Il ne s’attaque pas aux bénéficiaires eux-mêmes, mais plutôt à un modèle qui, selon lui, incite davantage à l’inactivité qu’à l’intégration dans le monde du travail.

Il rappelle que les métiers de la restauration, bien que difficiles, sont des tremplins de vie : « J’ai vu des jeunes sans diplômes devenir chefs, ouvrir leur propre bistrot. Le travail, dans ce secteur, peut vraiment changer une vie. Mais il faut qu’il y ait une incitation claire à s’y engager. Or aujourd’hui, je suis obligé de mendier pour trouver un commis ! »

L’immigration : Un faux remède ?

Là où ses propos font polémique, c’est sur la question de l’immigration. Contrairement à d’autres chefs ou patrons de l’hôtellerie qui réclament une régularisation massive de travailleurs étrangers, Manigold s’y oppose. Il affirme que ce n’est pas à l’immigration de réparer les failles du modèle français.

Pour lui, la réponse n’est pas dans l’importation de main-d’œuvre étrangère, mais dans la revalorisation du travail, la simplification de l’accès à l’emploi, et surtout une réforme du système d’aides, qu’il estime trop facilement détourné.

Cette position, bien que clivante, s’inscrit dans un contexte plus large de remise en cause du « modèle social à la française ». Un modèle souvent perçu à l’étranger comme exemplaire, mais de plus en plus critiqué de l’intérieur pour ses effets pervers sur la motivation au travail, particulièrement dans les secteurs exigeants comme la restauration.

Une prise de position saluée… et dénoncée

Du côté du patronat, certains applaudissent Stéphane Manigold pour sa franchise. « Il a le mérite de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas », commente un restaurateur de Lille. Mais d’autres l’accusent de stigmatiser les allocataires et d’oublier les réalités sociales complexes de nombreux Français en situation précaire.

Les syndicats, eux, dénoncent un discours populiste et déconnecté. « Ce n’est pas en supprimant les aides qu’on va résoudre le problème de l’attractivité de la restauration », rétorque un représentant de la CFDT. « Les conditions de travail doivent aussi être repensées. Les horaires décalés, les salaires trop bas, le manque de reconnaissance… ce sont ces facteurs-là qui éloignent les jeunes du secteur. »

Et maintenant ?

Alors que la France se prépare à réformer une fois de plus son système de solidarité, le témoignage de Stéphane Manigold vient ajouter une voix dissonante mais puissante au débat. Celle d’un homme de terrain, qui refuse les solutions toutes faites et qui appelle à repenser l’équilibre entre droits et devoirs, entre assistance et travail.

Qu’on adhère ou non à ses propos, une chose est sûre : La restauration française est à un tournant, et les réponses qu’elle apportera aux défis de recrutement auront des conséquences sur son avenir.

Car derrière chaque assiette servie, il y a un cuisinier, un serveur, un commis, souvent passionnés, parfois invisibles, mais toujours essentiels. Et c’est peut-être là, au cœur même de ces cuisines en ébullition, que se joue l’avenir du travail… et celui d’un certain modèle français.

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