Inéligibilité politique en France : que cache la déclaration choc de François Bayrou sur le cas de Marine Le Pen ? Analyse de fond à lire ici.

Inéligibilité de Marine Le Pen : François Bayrou dénonce une exception française lors d’un petit-déjeuner à Matignon

POLITIQUE

Une matinée ordinaire sous les dorures de Matignon

Il est à peine 8h15 ce jeudi matin à Matignon. Dans les salons feutrés où s’échangent les confidences d’État autour de viennoiseries soigneusement sélectionnées, plusieurs figures de la majorité présidentielle, quelques ministres et invités triés sur le volet prennent place autour de la grande table ovale recouverte de dossiers et de tasses fumantes. C’est le traditionnel « petit-déjeuner du socle commun« , un moment supposé discret, mais où l’on débat de l’essentiel : Les équilibres politiques, les lignes rouges, les tempêtes à venir.

Et ce matin-là, l’actualité a un goût amer pour certains convives. Car la veille, le verdict est tombé comme un couperet : Marine Le Pen, figure centrale du Rassemblement National, a été condamnée à une peine d’inéligibilité dans l’affaire des assistants parlementaires européens. Une onde de choc traverse le paysage politique français.

Assis légèrement en retrait, son café à peine entamé, François Bayrou, haut-commissaire au Plan et président du MoDem, écoute, observe, pèse ses mots. Et puis, d’une voix calme, presque lasse, il lâche une phrase qui figera l’assemblée :

« La France est le seul pays où on fait ça. »

Une phrase qui claque comme un orage

Cette phrase, rapportée par plusieurs participants présents ce jour-là, n’a rien d’anodin. Car Bayrou, lui-même visé par une enquête judiciaire pour des faits similaires — l’emploi présumé fictif d’assistants parlementaires européens — sait parfaitement de quoi il parle. Il n’a d’ailleurs jamais été condamné, mais l’ombre du soupçon pèse depuis longtemps sur son parcours.

Cette déclaration n’était pas improvisée. Elle est le fruit d’une réflexion que François Bayrou nourrit depuis des années : La justice française traite les élus politiques avec une rigueur qui frôle, selon lui, l’acharnement. Contrairement à d’autres pays européens où les élus mis en cause peuvent continuer à exercer tant que la justice ne tranche pas de manière définitive, la France, elle, précipite parfois les exclusions.

Et dans le cas de Marine Le Pen, c’est bien une exclusion politique que cela représente. À deux ans de l’élection présidentielle de 2027, cette inéligibilité change radicalement le paysage.

Une affaire qui dépasse les clivages politiques

Dans les heures qui ont suivi la déclaration de Bayrou, les réactions se sont multipliées. À droite comme à gauche, certains y ont vu un appel à défendre la démocratie contre un usage disproportionné de la justice à des fins politiques. D’autres, au contraire, ont dénoncé une tentative de relativiser les faits reprochés à Marine Le Pen, et d’agiter l’épouvantail d’un « complot judiciaire » pour rallier l’opinion publique.

Le plus troublant dans cette affaire, c’est le parallèle entre les dossiers de Bayrou et Le Pen. Deux personnalités issues d’horizons radicalement opposés, toutes deux accusées d’avoir utilisé les fonds du Parlement européen pour rémunérer des collaborateurs sans lien avec l’institution. Une pratique dont on dit qu’elle fut longtemps tolérée, voire courante, dans l’opacité des coulisses de Strasbourg et Bruxelles.

Mais aujourd’hui, le temps de l’indulgence semble révolu. Les électeurs réclament des comptes, et la justice entend bien en rendre. Au risque de provoquer un déséquilibre entre la responsabilité pénale et la légitimité démocratique.

Le précédent Bayrou, le choc Le Pen

L’histoire récente de François Bayrou pourrait presque servir de miroir. En 2017, alors ministre de la Justice du gouvernement Philippe, il est contraint de démissionner moins d’un mois après sa nomination, emporté par le début de l’enquête sur les assistants parlementaires du MoDem. Il ne sera jamais condamné, mais sa carrière ministérielle s’arrête net.

Marine Le Pen, de son côté, a toujours clamé son innocence. Pendant des années, elle a dénoncé une procédure à visée politique, un « procès sur mesure » orchestré par les élites hostiles à sa montée en puissance. Son inéligibilité, aujourd’hui, vient donner du crédit à ce discours de persécution, alimentant une colère déjà palpable dans une partie de l’électorat.

« L’exception française » ou le vertige de l’exemplarité

Quand Bayrou parle « d’exception française« , il pointe du doigt une philosophie politique bien ancrée dans les institutions de la Ve République : Celle de l’exemplarité des élus, poussée jusqu’à l’obsession. En France, un responsable politique peut voir sa carrière brisée non pas pour des faits jugés graves, mais parce qu’il a perdu la confiance de l’opinion ou qu’un juge d’instruction le soupçonne.

Dans d’autres démocraties, on attend parfois la décision définitive, au terme d’un long processus judiciaire, avant de prononcer une sanction aussi radicale. Pas en France.

« On sacrifie des carrières sur l’autel de la vertu, parfois même avant que la justice n’ait dit son dernier mot », confie un parlementaire proche du MoDem, sous couvert d’anonymat.

Un avertissement pour tous les partis

Le cas de Marine Le Pen n’est pas isolé. Jean-Luc Mélenchon a été perquisitionné en pleine campagne, Nicolas Sarkozy a été condamné à plusieurs reprises, François Fillon a vu sa candidature présidentielle détruite par les révélations du « Penelopegate« , et aujourd’hui encore, des dizaines d’élus sont visés par des procédures en cours.

Ce climat crée une instabilité politique inquiétante. Il nourrit une défiance croissante vis-à-vis de la justice, mais aussi un clivage entre « la France d’en haut » et « la France des urnes », entre les juges et le peuple, entre l’État de droit et la souveraineté populaire.

Et maintenant ?

François Bayrou n’a pas souhaité commenter publiquement sa phrase. Mais elle continue de résonner dans les couloirs du pouvoir comme un cri d’alarme discret, un avertissement lancé à ceux qui penseraient pouvoir jouer la carte judiciaire pour éliminer des adversaires politiques.

Car si Marine Le Pen ne peut pas se présenter en 2027, qui demain tombera sous le glaive de l’inéligibilité ?

Dans un pays où les affaires judiciaires deviennent des tremplins pour les polémiques politiques, la frontière entre justice et stratégie électorale devient chaque jour plus floue.

La démocratie sous tension

La phrase de Bayrou, simple en apparence, révèle une crise démocratique profonde. Elle interroge la manière dont la République traite ses élus, son rapport à l’autorité judiciaire, et la confiance que les citoyens peuvent encore accorder à leurs institutions.

Dans cette France qui semble parfois vouloir laver plus blanc que blanc, la justice politique est-elle devenue une arme redoutable ? Ou n’est-elle qu’un juste retour de balancier dans une démocratie exigeante ?

Une chose est sûre : Le combat ne fait que commencer.

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