Entre protection des maires et atteinte aux droits humains : découvrez les enjeux cachés de cette proposition de loi inédite.

Les députés approuvent en commission l’interdiction du mariage avec un étranger en situation irrégulière

POLITIQUE

C’était un mercredi matin comme les autres à Paris, ou presque. Sur les bancs feutrés de la commission des Lois de l’Assemblée Nationale, une décision allait être prise, à la fois technique et déchirante : Interdire le mariage entre un citoyen français et un étranger en situation irrégulière.

Le texte, porté notamment par Stéphane Demilly (centriste) et soutenu en filigrane par Gérald Darmanin, avançait une ligne de justification : Protéger les maires, éviter les mariages blancs et encadrer ce qu’ils nommaient une faille dans la législation migratoire.

Mais dans les coulisses de cette décision, un autre théâtre se jouait. Plus intime. Plus humain.

Louise et Samir

Louise a 34 ans. Elle vit à Orléans. Graphiste indépendante, elle partage la vie de Samir, arrivé d’Algérie il y a cinq ans. Il est sans papiers depuis l’expiration de son visa étudiant. Ils s’aiment. Ils partagent un appartement, un chat, des rêves, et même une bague qu’il lui a offerte un soir d’automne dans un square désert.

Le mariage était prévu pour juillet. Mais aujourd’hui, Louise lit la notification sur son téléphone, les larmes aux yeux : « La commission des Lois adopte une proposition de loi interdisant le mariage avec un étranger en situation irrégulière. »

Elle reste figée. Et elle se demande, dans un souffle : « Depuis quand faut-il des papiers pour aimer ? »

Le texte de la discorde

Le projet de loi s’appuie sur deux piliers :

  • Interdire les mariages civils si l’un des deux époux est en situation irrégulière, ou sous le coup d’une OQTF(obligation de quitter le territoire français).
  • Exonérer les maires de leur obligation de célébrer ces unions, pour leur permettre un droit de refus sans engager leur responsabilité.

À l’Assemblée, l’objectif affiché est clair : « mettre fin aux abus » — ces fameux mariages blancs, utilisés selon certains pour contourner les lois sur l’immigration.

Mais le texte va plus loin. Il instaure une présomption de fraude, sans prendre en compte les situations individuelles ni le caractère réel des sentiments.

Une France coupée en deux

Dans les débats parlementaires, deux Frances s’opposent :

  • Celle qui réclame une fermeté migratoire, au nom de la République, de la sécurité et de l’ordre.
  • Et celle qui défend la liberté d’aimer, le droit à la vie privée, la non-discrimination, l’humanité.

Pour la droite, c’est une avancée « de bon sens ». Pour les associations comme la CimadeRESF ou GISTI, c’est une violation du droit au respect de la vie familiale garanti par la Convention européenne des droits de l’Homme.

Ce que dit la loi, ce qu’elle ne dit pas

En apparence, la loi veut simplement bloquer les « détournements« . Mais elle ne précise pas :

  • Comment évaluer l’authenticité d’un couple sans passer par le soupçon permanent ?
  • Comment un maire saura-t-il si la personne est sous OQTF alors que cette information relève parfois du secret administratif ?
  • Quelles seront les alternatives pour les couples mixtes ?
    Le PACS ? Trop fragile. La cohabitation ? Illégale. L’attente ? Insoutenable.

Une bombe sociale à retardement

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 15 000 mariages entre Français et étrangers sont célébrés chaque année. Parmi eux, seuls quelques centaines sont soupçonnés de fraude. Et encore moins sont condamnés.

Cette loi, si elle passe, affecterait des milliers de couples sincères, dont l’unique tort est d’avoir aimé une personne « hors-la-loi administrative« .

Le Conseil d’État a déjà mis en garde : Une telle mesure pourrait être jugée disproportionnée et contraire aux engagements internationaux de la France.

L’épreuve du feu : Le 26 juin 2025

C’est la prochaine étape : Le vote en hémicycle, prévu le 26 juin.

Un moment décisif. La majorité présidentielle s’y montre favorable, tout comme Les Républicains et les élus UDR. Seule la NUPES annonce un vote contre, tout comme quelques députés Modem ou Renaissance qui s’interrogent.

Pour Louise, Samir, et tant d’autres, le compte à rebours a commencé.

Quand la République choisit qui a le droit d’aimer, c’est toute la société qui vacille

Ce texte de loi, s’il est adopté, pourrait changer à jamais la définition de l’amour républicain. Ce n’est plus seulement l’histoire de papiers, de visas ou d’administrations. C’est celle d’un pays qui décide ou non de dire que l’amour a une nationalité.

Et dans un coin de Loire, entre deux valises et des projets suspendus, Louise murmure : « Si demain je ne peux pas t’épouser… alors à quoi bon rester dans un pays qui me refuse ce droit ? »

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