En arrêt maladie depuis dix ans, son entreprise veut le pousser à la sortie

Salarié en invalidité : Pourquoi accepter une rupture conventionnelle serait une erreur fatale ?

EMPLOI

Il s’appelle Marc*. Depuis douze ans, il est en CDI dans la même entreprise. Depuis dix ans, il est en arrêt maladie longue durée, reconnu travailleur handicapé à 80 % et classé en invalidité catégorie 2 par la CRAMIF. Et pourtant, en dix ans, aucune visite médicale n’a jamais été organisée. Pas une seule convocation à la médecine du travail, pas un mot, pas un suivi.

Aujourd’hui, son employeur tente de lui faire signer une rupture conventionnelle. Une sortie « à l’amiable »… qui ressemble davantage à une manœuvre pour se débarrasser discrètement d’un salarié devenu invisible.

⚖️ Invalidité, arrêt maladie et CDI : ce que dit vraiment la loi

Dans le cas de Marc, la loi est pourtant limpide.

Selon les articles R4624-31 et L4624-1 du Code du travailtout employeur est tenu d’organiser une visite médicale de reprise après un arrêt de travail d’au moins trente jours pour maladie, accident du travail ou invalidité.

Cette visite a un rôle crucial :

  • Vérifier si le salarié est apte ou inapte à reprendre son poste,
  • Évaluer les possibilités de reclassement professionnel,
  • Et garantir la sécurité physique et morale du travailleur.

Or, sans cette visite, le contrat de travail reste suspendu. Marc n’a donc jamais été « remplacé » ni « licencié » officiellement. Son employeur est dans l’illégalité depuis dix ans, en violation de son obligation de sécurité et de santé au travail.

🚨 Rupture conventionnelle : un piège déguisé pour les salariés invalides

L’entreprise propose aujourd’hui à Marc une rupture conventionnelle, espérant manifestement clore le dossier sans bruit.

Mais pour un salarié en invalidité catégorie 2, accepter cette rupture serait une erreur dramatique.

Pourquoi ? Parce qu’elle mettrait fin à :

  • Tous ses droits à un éventuel licenciement pour inaptitude,
  • Toute possibilité de recours prud’homal,
  • Et surtout, toute reconnaissance du manquement de l’employeur à ses obligations légales.

En signant, Marc tournerait définitivement la page… mais à ses dépens.

Le licenciement pour inaptitude est une procédure bien plus protectrice : il ouvre droit à des indemnités spécifiques, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité légale de licenciement, et parfois même à des dommages et intérêts si le manquement de l’employeur est prouvé.

🧩 Dix ans sans visite médicale : une faute lourde reconnue par les tribunaux

La Cour de cassation a tranché à plusieurs reprises :

« Le non-respect de l’obligation de visite médicale cause nécessairement un préjudice au salarié » (Cass. soc., 5 octobre 2010 – n°09-40.913 ; Cass. soc., 8 juillet 2020 – n°19-10.849)

Autrement dit, même si Marc est plus tard déclaré inapte et licencié, il pourra saisir le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître cette faute et réclamer des dommages et intérêts.

Les montants varient, mais les juges accordent souvent entre 3 et 6 mois de salaire brut pour un oubli prolongé. Dans son cas, cela pourrait représenter 5 000 à 10 000 euros, sans compter les indemnités légales de licenciement (plus de 7 000 € estimés pour 12 ans d’ancienneté au SMIC).

💬 Le silence d’un salarié, l’oubli d’une entreprise

Pendant dix ans, Marc n’a jamais reçu de courrier, d’appel ni d’information sur son suivi médical. Pas de convocation, pas d’entretien de reprise, pas même un échange avec le médecin du travail. Ce long silence administratif traduit une indifférence totale de l’entreprise envers son salarié le plus fragile.

« On m’a mis de côté comme si je n’existais plus », confie-t-il.
« On m’a proposé une rupture comme on efface un fichier. »

Pourtant, chaque salarié en arrêt longue durée — surtout lorsqu’il est reconnu invalide — a des droits inaliénables : celui d’être informé, protégé et respecté.

🧠 Que faire dans un cas similaire ?

Si vous êtes salarié en invalidité ou en arrêt maladie longue durée, voici les démarches clés à connaître :

  1. Ne signez jamais une rupture conventionnelle sans avoir vu le médecin du travail.
  2. Demandez par écrit à votre employeur une visite de reprise (par lettre recommandée avec accusé de réception).
  3. Conservez toutes vos preuves (arrêts de travail, attestations CRAMIF, échanges avec l’entreprise).
  4. Saisissez le conseil de prud’hommes si aucune visite n’est organisée dans un délai raisonnable.
  5. Contactez un avocat spécialisé en droit du travail ou un défenseur syndical, qui peuvent t’aider gratuitement à constituer ton dossier.

💰 Ce qu’un salarié invalide peut toucher en cas de licenciement

  • Indemnité légale de licenciement : 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté (puis 1/3 après 10 ans).
  • Indemnité compensatrice de préavis (souvent due en invalidité 2ᵉ catégorie).
  • Indemnité de congés payés non pris.
  • Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité (prud’hommes).

Au total, un salarié au SMIC avec 12 ans d’ancienneté peut prétendre à 7 000 à 9 000 euros, voire davantage selon les préjudices reconnus.

⚖️ Une bataille juridique inévitable

Ce type de situation n’est pas isolé.

Chaque année, des milliers de salariés invalides ou en arrêt maladie prolongé découvrent que leur entreprise n’a jamais organisé la visite de reprise obligatoire.

Pour la justice, ces oublis sont loin d’être anodins : ils représentent une atteinte grave aux droits fondamentaux du salarié.

Et dans bien des cas, les prud’hommes condamnent l’employeur à verser plusieurs mois de salaire pour réparation.

🧾 En conclusion

L’histoire de Marc révèle un problème profond du monde du travail : celui du désengagement des entreprises face aux salariés les plus fragiles.

Sous prétexte d’efficacité économique, certaines préfèrent écarter discrètement les invalides plutôt que d’assumer leurs obligations légales.

Et pourtant, le Code du travail, la CRAMIF et la médecine du travail existent précisément pour protéger ces salariés.

Le site MyJournal.fr a voulu raconter cette histoire, non pour dénoncer un cas isolé, mais pour alerter tous les travailleurs handicapés sur leurs droits et rappeler aux employeurs leurs devoirs.

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