Question posée par : Nathalie Delorme : Comment une poignée d’élus français, préparant un simple voyage d’observation en Israël et dans les territoires palestiniens, a-t-elle pu déclencher une onde de choc diplomatique jusqu’aux plus hautes sphères de l’Élysée ? Et si cette annulation de visas n’était que la partie émergée d’un iceberg géopolitique plus vaste ?
Un vent de sable s’est levé sur les relations franco-israéliennes. Il n’était pas encore midi à Paris ce samedi 20 avril 2025, lorsque l’information a commencé à se répandre comme une traînée de poudre : Les 27 parlementaires français, essentiellement issus de la gauche et écologistes, prévus pour un voyage d’observation en Israël et dans les territoires palestiniens, venaient de se voir notifier l’annulation pure et simple de leurs visas.
François Ruffin, le regard sombre et les traits tirés, sortait à peine d’une réunion logistique au sein de l’Assemblée Nationale lorsqu’il a reçu le courriel fatidique. Il s’est figé, relu à trois reprises, puis s’est effondré sur une chaise de couloir. « C’est une gifle diplomatique… mais aussi morale », a-t-il lâché, sidéré.
À ses côtés, Alexis Corbière, plus fougueux, fulminait. Le téléphone greffé à l’oreille, il tentait de joindre le cabinet de Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères. En vain. Le silence de l’exécutif français était aussi pesant que l’acte israélien était brutal.
Une délégation symbolique, une réaction disproportionnée
Ce déplacement n’était pas un caprice de militants. Il avait été préparé de longue date : Rencontres avec des ONG israéliennes et palestiniennes, visites de camps de réfugiés, discussions avec des parlementaires de la Knesset…
L’objectif ? Observer, comprendre, témoigner. Mais du côté de Tel-Aviv, le message était clair : « Ces élus agissent contre l’État d’Israël. Ils ne sont pas les bienvenus. »
Une loi israélienne votée en 2017 permet en effet d’interdire l’entrée sur le territoire aux personnes qui soutiennent des actions jugées hostiles à l’État, notamment le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). Pour les autorités israéliennes, plusieurs membres de la délégation incarnaient cette ligne critique.
Mais pour les élus français, c’est une toute autre histoire. La sénatrice communiste Marianne Margaté a dénoncé une « punition collective », orchestrée pour faire taire ceux qui défendent la reconnaissance de l’État palestinien. « Nous ne sommes pas des ennemis d’Israël. Nous sommes les amis de la paix », a-t-elle martelé devant les caméras de France 3.
L’Élysée embarrassé, Macron silencieux… pour l’instant
Au sommet de l’État, l’affaire met mal à l’aise. Emmanuel Macron, qui tente depuis des mois de ménager ses relations avec Benyamin Netanyahou tout en affichant un soutien prudent à la solution à deux États, est pris au piège. Un conseiller de l’Élysée, sous couvert d’anonymat, confie : « Le président est furieux, mais il ne veut pas envenimer la situation. Il cherche une issue discrète. »
Mais l’appel lancé par les élus refoulés change la donne. Dans une tribune publiée sur les réseaux sociaux et cosignée par l’ensemble des 27 membres de la délégation, ils appellent Emmanuel Macron à condamner fermement l’attitude israélienne, y voyant une atteinte directe à la souveraineté française.
Une fracture révélatrice
Cette affaire, en apparence isolée, révèle une cassure plus profonde. La question de la Palestine, autrefois consensus mou, est devenue clivante à l’Assemblée Nationale. À gauche, la reconnaissance de l’État palestinien est désormais un cheval de bataille. À droite, on parle de provocation idéologique. Au centre, on évite le sujet.
Le refus israélien d’accueillir la délégation française est vécu comme une insulte. Il suscite des réactions indignées dans les rangs de la NUPES, mais aussi chez certains écologistes européens. Même au sein du Parlement européen, des voix s’élèvent pour réclamer des sanctions.
Mais au-delà des déclarations politiques, une autre question se pose : À quel moment une démocratie commence-t-elle à censurer la parole d’élus étrangers venus observer et comprendre ?
Et maintenant ?
Les membres de la délégation ont décidé de maintenir leurs rencontres… depuis Paris. En visioconférence, certes, mais avec la même détermination. Ils rencontreront des ONG palestiniennes à distance, tiendront une conférence de presse commune et prévoient de déposer une question au gouvernement.
L’affaire, elle, est loin d’être close. L’image d’Israël en tant que démocratie ouverte et plurielle est ternie, tandis que la France, silencieuse pour l’instant, semble acculée à prendre position.
Le voyage n’a pas eu lieu. Mais le signal, lui, est lancé.
Tel-Aviv a fermé une porte. Paris décidera-t-il de laisser la sienne entrouverte ou de la refermer tout aussi brutalement ?
À suivre…
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