« Depuis le verdict retentissant qui a rendu Marine Le Pen inéligible, je me demande chaque jour si Jordan Bardella a réellement l’étoffe pour reprendre le flambeau du Rassemblement National. À 29 ans, est-il prêt à affronter l’épreuve du pouvoir suprême, ou n’est-il que l’ombre docile d’un héritage politique trop lourd pour lui ? »
Dans les couloirs feutrés de l’Assemblée Nationale, un murmure parcourt les travées : Le temps de Marine Le Pen est révolu. Le 31 mars 2025, la condamnation de l’ex-candidate à la présidentielle pour détournement de fonds européens a retenti comme un séisme. Quatre ans de prison, dont deux avec sursis, 100 000 euros d’amende et, surtout, cinq années d’inéligibilité. Un couperet judiciaire qui éteint brusquement ses ambitions présidentielles pour 2027.
À peine le verdict rendu, une silhouette longiligne émerge des décombres politiques du RN : Jordan Bardella, jeune président du parti, au regard d’acier et à la parole ciselée. À seulement 29 ans, peut-il incarner la relève ? Est-il l’héritier naturel d’un parti qu’il n’a pas fondé, mais qu’il semble déjà maîtriser ? Ou n’est-il qu’un paravent, une figure médiatique destinée à boucher un vide, sans jamais vraiment le combler ?
Le favori malgré lui : L’irrésistible ascension d’un enfant de la République
Né en 1995 à Drancy, en Seine-Saint-Denis, Jordan Bardella est l’antithèse du parcours classique du politicien français. Élevé dans un HLM par une mère célibataire d’origine italienne, il ne vient ni de l’ENA, ni d’une dynastie politique. Son lycée ? Un établissement public. Son université ? Paris-Sorbonne, certes, mais sans diplôme décroché.
Ce parcours atypique, le RN en a fait une force. À l’heure où les Français réclament du « vrai », Bardella incarne cette jeunesse qui a connu la précarité, les quartiers, le RER bondé. Un CV qui tranche avec celui des ténors habituels de la politique.
Mais c’est à 17 ans qu’il entre au Front National, séduit par les discours de Marine Le Pen sur l’insécurité et l’identité. Très vite, il impressionne par son aplomb médiatique. Il devient porte-parole du parti en 2017, député européen en 2019, puis président par intérim en 2021 lorsque Marine Le Pen se met en retrait pour préparer la présidentielle de 2022. En novembre 2022, il est élu président du RN à 85% des voix. Une consécration interne.
Marine Le Pen disqualifiée : Le trône est vacant, mais le sceptre est lourd
Le 31 mars 2025, tout bascule. Les juges condamnent Marine Le Pen pour avoir utilisé les fonds européens pour rémunérer des collaborateurs fictifs. Cette décision judiciaire ne concerne pas seulement une femme. Elle frappe une dynastie politique, un projet de société, un électorat de plusieurs millions de Français.
Dans les médias, la question est immédiate : Qui pour 2027 ?
Et dans toutes les bouches, un nom revient, encore et encore : Jordan Bardella.
Mais ce jeune président est-il prêt ? Peut-on, à 29 ans, sans avoir jamais exercé le moindre mandat exécutif, prétendre aux plus hautes fonctions de la République ? Ses détracteurs ricanent. Ses partisans rétorquent : Macron avait 39 ans. Bardella a dix ans pour apprendre.
Les sondages ne mentent pas : Bardella séduit les Français
Selon une enquête Harris Interactive menée pour RTL fin mars 2025, Jordan Bardella recueille entre 35 et 36% des intentions de vote au premier tour de la présidentielle de 2027. Un score similaire à celui de Marine Le Pen en 2022. Une performance qui le place, d’emblée, en position de favori pour accéder au second tour.
Il séduit la France périphérique, les classes moyennes écrasées par l’inflation, les jeunes en quête de repères, et même une frange croissante des classes populaires issues de l’immigration. Un paradoxe ? Pas vraiment. Bardella maîtrise les codes : TikTok, punchlines, patriotisme. Il rassure sans effrayer. Il a appris de Marine Le Pen, tout en gommant ses aspérités les plus radicales.
L’ombre de Marine : Mentor ou marionnette ?
Pourtant, derrière chaque apparition de Bardella plane une question : Agit-il seul, ou reste-t-il sous l’emprise de Marine Le Pen ? Leur relation est quasi-filiale. Elle l’appelle « mon petit », il la nomme « la cheffe ». Certains, au sein du parti, murmurent qu’il ne serait qu’un prête-nom, un figurant en costume-cravate chargé de préserver l’unité en attendant un retour hypothétique de la vraie Le Pen.
D’autres, au contraire, voient en lui un nouveau chapitre, un dirigeant capable de rompre définitivement avec le passé sulfureux du FN, tout en conservant l’ADN sécuritaire et identitaire du mouvement.
Mais attention : Si Bardella est populaire à l’extérieur, la maison RN reste fragile de l’intérieur. Les tensions existent avec les anciens, notamment autour de Marion Maréchal, qui pourrait être tentée de revenir sur le devant de la scène.
Le défi de la crédibilité : Incarner l’État sans l’avoir connu
Le principal obstacle de Bardella ? L’absence totale d’expérience exécutive. Il n’a jamais été Maire, ni Ministre, ni même Conseiller Régional. Comment prétendre diriger un pays de 67 millions d’habitants, avec une armée, une diplomatie, une dette publique, sans avoir jamais géré un budget communal ?
Ses opposants se frottent déjà les mains : « Bardella, c’est TikTok, pas Matignon. »
Mais ses soutiens rétorquent : « Bardella, c’est l’intuition, pas la routine. »
Le pari est risqué. Mais en politique, c’est parfois le vent qui décide du cap. Et en avril 2025, ce vent souffle en direction du président du Rassemblement National.
Un roi sans couronne ou un président en devenir ?
Le destin politique de Jordan Bardella ne fait que commencer. En un éclair, il est passé de simple président de parti à favori potentiel de l’élection présidentielle française de 2027.
L’histoire de France, on le sait, aime les jeunes ambitieux : Bonaparte, de Gaulle, Macron. Bardella, malgré ses failles et ses zones d’ombre, pourrait bien être le prochain chapitre de cette grande fresque. Mais le scrutin de 2027 ne se gagnera pas sur les réseaux sociaux. Il se gagnera sur le terrain, dans les débats, dans la capacité à rassurer tout en transformant.
Marine Le Pen est tombée. Jordan Bardella s’avance. L’histoire, elle, est en train de s’écrire.