Le gouvernement a-t-il franchi une ligne rouge en rendant hommage au pape ? Découvrez l’avis des politiques et des citoyens.

Mort du pape François : Après la mise en berne des drapeaux, Alexis Corbière fustige une « laïcité à géométrie variable »

POLITIQUE

Il était 6h47 du matin lorsque l’annonce se propagea comme une onde de choc à travers les chaînes d’info continue : Le pape François s’était éteint paisiblement au Vatican, dans son appartement sobre, fidèle à cette humilité qui avait marqué son pontificat. En France, l’émotion fut palpable. Le président Emmanuel Macron, en voyage officiel à Abidjan, écourta son déplacement et publia un hommage solennel : « Le monde perd un homme de paix. La France s’incline. »

Mais en marge des éloges, une autre voix s’éleva. Celle d’un débat que la République n’a jamais réellement clos : Celui de la laïcité. Car si le deuil était mondial, la décision du gouvernement de mettre les drapeaux français en berne le jour des obsèques du souverain pontife fit grincer des dents jusque dans les rangs républicains.

L’annonce présidentielle et la décision symbolique

Le 22 avril 2025, à 15h, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin confirma que tous les bâtiments publics seraient en berne le 26 avril, jour des funérailles du pape François à Rome. Ce geste, selon l’Élysée, relevait d’un « hommage diplomatique au chef d’un État souverain ». Mais pour une partie de la classe politique, et nombre de citoyens attachés à la neutralité religieuse de l’État, ce fut un électrochoc.

La laïcité, ce pacte fragile

« Une laïcité à géométrie variable. » Voilà les mots employés par Alexis Corbière, député LFI, le soir même sur France Info. L’homme ne mâcha pas ses mots :

« La République n’a pas à pleurer un chef religieux. Un hommage républicain par communiqué, oui. Mais pas un drapeau abaissé, pas au nom de notre laïcité. »

Le débat était lancé, avec une intensité qu’on n’avait plus connue depuis les polémiques sur le voile à l’université.

Une République à genoux ?

Dans une école primaire de Clermont-Ferrand, une institutrice retire discrètement le drapeau tricolore de la salle de classe le jour des obsèques. « Ce n’est pas contre le pape », dit-elle, « mais contre ce qu’on nous impose symboliquement. » À Marseille, des militants d’associations laïques organisent un rassemblement silencieux devant la mairie. Sur leur banderole : Un drapeau pour tous, ou pour personne.”

L’Élysée contre-attaque

Du côté du gouvernement, on défend le geste. « Le pape est aussi un chef d’État, celui du Vatican. Comme nous l’avons fait pour la reine Élisabeth II, nous respectons un protocole républicain », réplique Olivier Véran, porte-parole du gouvernement. Il ajoute : « C’est une tradition diplomatique, pas une reconnaissance religieuse. »

Mais cette justification convainc-t-elle vraiment ? Pas pour Christine, juriste à Lyon : « Comparer le pape à une reine constitutionnelle, c’est occulter sa dimension spirituelle. Ce n’est pas neutre. »

Quand l’histoire s’en mêle

Depuis la loi de 1905, la France se targue d’un équilibre délicat entre liberté de culte et séparation des pouvoirs. Mais dans les faits, les interprétations fluctuent. En 2005, Jean-Paul II avait eu droit à un hommage appuyé du président Chirac, mais pas de drapeaux en berne. Pourquoi un changement en 2025 ?

Un professeur de droit public à Sciences Po tente d’expliquer : « La perception du pape François dépasse la sphère catholique. Il incarne des valeurs humaines universelles. Cela a peut-être influencé la décision. Mais cela reste un terrain glissant. »

Dans les rues, les débats grondent

À Paris, une jeune femme témoigne : « Mon père est musulman pratiquant. Quand un imam important est mort il y a quelques années, l’État n’a pas bougé. Ce deux poids, deux mesures est blessant. »

À Rennes, un homme âgé, catholique, réplique : « Le pape n’est pas seulement un guide religieux, c’est aussi une voix de paix dans un monde fragmenté. Il mérite notre reconnaissance. »

Un précédent lourd de conséquences ?

Au lendemain des obsèques, les réseaux sociaux s’embrasent. Des #LaicitéTraduite et #DrapeauxPourTous fleurissent sur X (ex-Twitter). Certains appellent à une réforme constitutionnelle plus stricte, d’autres dénoncent une République frileuse qui cède à la pression symbolique du religieux.

Pendant ce temps, dans une école de la Nièvre, un professeur de philosophie pose la question à ses élèves :

« Peut-on saluer un homme de paix sans cautionner sa foi ? »

Et le silence qui suit en dit long sur la complexité d’une République laïque, émotionnelle, et toujours tiraillée.

Entre respect et principes, où tracer la ligne ?

Cette affaire révèle une fracture discrète mais profonde. Peut-on conjuguer diplomatie et neutralité ? Faut-il revoir nos protocoles d’État pour qu’ils soient vraiment laïques ? En choisissant d’honorer le pape François, la République française a peut-être rendu hommage à un homme exceptionnel… mais elle a aussi ouvert une brèche.

Une brèche dans laquelle pourraient s’engouffrer, demain, toutes les religions, tous les croyants… et toutes les polémiques.

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