Élodie : « Est-il juste que les logements sociaux en France soient attribués sans distinction de nationalité, ou le principe de priorité nationale défendu par le RN serait-il une réponse plus équitable à la crise du logement ? »
Un débat vif autour de la priorité nationale
L’Assemblée Nationale est souvent le théâtre de vifs affrontements entre les différents partis politiques, mais certains débats résonnent plus que d’autres dans l’opinion publique. C’est le cas de la question de l’accès aux logements sociaux, qui a opposé le député Les Républicains (LR) Vincent Jeanbrun et le Rassemblement National (RN) lors d’une commission des Affaires économiques tenue le mercredi 29 janvier.
L’enjeu ? La priorité nationale dans l’attribution des logements sociaux, une proposition récurrente du RN qui souhaite réserver ces logements aux Français. Vincent Jeanbrun s’y est fermement opposé, mettant en avant des arguments pragmatiques liés notamment aux besoins en logement du personnel soignant. Une position qui a provoqué l’ire des cadres du RN, allant jusqu’à accuser LR de trahison politique.
La prise de position de Vincent Jeanbrun
Vincent Jeanbrun, ancien maire de L’Haÿ-les-Roses et aujourd’hui député du Val-de-Marne, a expliqué devant la commission des Affaires économiques qu’une priorité nationale dans les logements sociaux pourrait poser de graves problèmes. Il a pris pour exemple la situation des hôpitaux, rappelant que de nombreux professionnels de santé étrangers travaillent en France et ont besoin d’un logement proche de leur lieu d’exercice.
« Nous n’arriverions pas à attirer du personnel dans ces hôpitaux sans pouvoir les loger à proximité. Et croyez-moi, quand vous êtes soigné d’un cancer, vous vous moquez bien de savoir si la personne est de nationalité française depuis quatre générations ou si elle arrive d’un autre pays », a-t-il déclaré.
Jeanbrun a ensuite rappelé l’élan de solidarité qui a marqué la crise du Covid-19, durant laquelle les Français applaudissaient les soignants sans distinction de nationalité. Il a mis en garde contre une vision réductrice de l’universalité républicaine et a souligné que la priorité nationale, telle que proposée par le RN, pourrait mettre en péril l’équilibre du système de logement social et de l’accès au logement pour les travailleurs essentiels.
La réaction cinglante du Rassemblement National
Le RN n’a pas tardé à réagir aux propos de Vincent Jeanbrun. Le député RN Frédéric Falcon a dénoncé une « diatribe digne de la gauche », accusant LR de ne pas défendre les intérêts des Français.
Quelques minutes plus tard, sur les réseaux sociaux, le député Julien Odoul a enfoncé le clou en déclarant : « Derrière chaque LR se cache un traître ». L’ancien député RN Frédéric Cabrolier a lui aussi critiqué Jeanbrun, affirmant que « seul le RN défendra les Français en priorité ».
Marine Le Pen, lors de la campagne présidentielle de 2022, avait déjà mis en avant cette priorité nationale en proposant de remettre sur le marché 620 000 logements sociaux occupés par des étrangers, selon les chiffres de l’Insee pour 2017. Le RN estime que la crise du logement en France est aggravée par une attribution non ciblée des logements sociaux et que leur proposition permettrait de mieux loger les Français.
Une proposition difficilement applicable
Si la priorité nationale dans les logements sociaux semble attrayante pour une partie de l’opinion publique, elle pose cependant de nombreuses difficultés juridiques.
D’abord, la loi française interdit aux bailleurs sociaux de refuser un candidat en fonction de sa nationalité. Une modification législative serait donc nécessaire. Toutefois, cette modification risquerait d’être censurée par le Conseil constitutionnel sur la base de l’article 1 de la Constitution française, qui affirme l’égalité devant la loi « sans distinction d’origine, de race ou de religion ».
De plus, la Cour de justice de l’Union européenne pourrait également examiner cette mesure au regard de la charte des droits fondamentaux de l’UE, qui interdit toute discrimination fondée sur la nationalité.
Enfin, une telle politique pourrait avoir des conséquences économiques non prévues. Les entreprises, notamment dans les secteurs de la santé, du bâtiment ou de la restauration, qui emploient une main-d’œuvre étrangère importante, pourraient rencontrer de sérieuses difficultés à loger leurs employés.
Un débat loin d’être tranché
Le clash entre Vincent Jeanbrun et le RN met en lumière une fracture profonde au sein de la droite sur la question du logement et des priorités sociales. D’un côté, une approche républicaine universaliste qui préconise une égalité d’accès au logement basée sur les besoins, et de l’autre, une volonté de restreindre l’accès aux seuls Français pour préserver leurs intérêts.
Si le RN continue d’insister sur la priorité nationale, il lui faudra surmonter des obstacles juridiques de taille. Quant à LR, sa posture divise son électorat, certains réclamant un discours plus ferme sur les questions migratoires et sociales.
Ce débat, loin d’être clôturé, risque de s’intensifier à l’approche des prochaines échéances électorales, où les questions de logement et de priorité nationale seront sans doute au cœur des affrontements politiques.