Le leader insoumis choque avec sa volonté de qualifier le français de “langue créole” : que dit vraiment Jean-Luc Mélenchon ?

Mélenchon veut rebaptiser la langue française en langue « créole » car « elle n’appartient plus aux Français »

POLITIQUE

Jean-Luc Mélenchon propose de rebaptiser la langue française

Le 18 juin 2025, dans les couloirs feutrés de l’Assemblée Nationale, un événement discret mais symbolique s’organise : Un colloque sur la francophonie, initié par le député Insoumis Aurélien Taché. Devant un parterre d’élus, d’intellectuels et de journalistes invités, Jean-Luc Mélenchon prend la parole. Le leader de La France Insoumise, rompu aux déclarations fracassantes, va pourtant franchir un pas qui n’avait encore jamais été exploré.

« La langue française n’appartient plus aux Français », commence-t-il, le ton posé mais incisif. Il précise : « Elle est la langue officielle de 28 nations, plus seulement de la France. Elle s’est métissée, elle s’est répandue dans le monde, elle s’est transformée. »

Puis il lâche cette phrase inattendue : « Je préférerais qu’on dise que nous parlons une langue créole. Cela serait plus vrai. » Sur le moment, l’assistance reste figée. Le silence qui suit ce propos en dit long sur la surprise, voire la stupeur provoquée. Mélenchon poursuit : « Si quelqu’un ici a une meilleure idée que “langue française”, qu’il la propose. »

Une déclaration à double fond

En prononçant ces mots, Jean-Luc Mélenchon ne s’en prend pas à la langue française en tant que telle. Il en critique plutôt la représentation figée et nationaliste que certains voudraient en faire. Il évoque le concept de “créolisation” tel qu’il fut théorisé par Édouard Glissant : Une rencontre permanente des cultures, un brassage des influences qui rend toute identité pure impossible, voire dangereuse.

Pour Mélenchon, rebaptiser la langue française serait une façon de lui donner un nouveau souffle, en assumant sa réalité contemporaine : Celle d’un outil universel parlé par des peuples aux histoires, aux couleurs et aux cultures différentes.

« Le français d’aujourd’hui n’est plus celui des rois ni celui de l’Académie. Il est parlé avec des accents différents, enrichi de mots venus d’Algérie, du Congo, du Québec, des banlieues, des universités, des îles… »

Une récupération explosive

L’article de Valeurs Actuelles, publié quelques jours après le colloque, ne tarde pas à s’emparer de cette phrase. Le site conservateur titre sans détour : « Jean-Luc Mélenchon veut rebaptiser la langue française en langue créole, car elle n’appartient plus aux Français. »

La formule est percutante, mais elle a un effet de loupe. Elle isole une image, un mot, et en fait le cœur d’un scandale idéologique. À droite, les réactions s’enchaînent. Les Républicains, le Rassemblement National, mais aussi certains centristes dénoncent un « reniement », un « effacement culturel », voire une « trahison linguistique ».

Eric Zemmour tweete : « Après la haine de la France, voici la haine du français. » Marine Le Pen parle d’un « mépris des racines et des Lumières ».

Une métaphore devenue arme

Mélenchon, fidèle à son habitude, ne cherche pas à calmer la tempête. Il assume. Pour lui, la France est une idée, pas un territoire. Une culture en mouvement, pas un musée. Et sa langue, donc, est appelée à changer, à évoluer, à muter.

Les soutiens de LFI rappellent que « langue créole » ne désigne pas ici une langue vernaculaire précise comme le créole haïtien ou réunionnais, mais une langue issue du métissage, au sens large, politique et culturel. Un symbole de décolonisation, de désoccidentalisation, et surtout d’inclusion.

Sur les réseaux sociaux, les partisans se mobilisent. Le mot-dièse #LangueCréole devient rapidement tendance sur Twitter. Des professeurs, des linguistes, des jeunes des quartiers populaires ou des territoires d’outre-mer prennent la parole : « Enfin quelqu’un dit ce qu’on vit depuis toujours. »

Mais à mesure que la polémique enfle, un clivage se creuse. Une fracture plus profonde que celle de la sémantique. Entre ceux qui veulent préserver une langue “pure”, classique, régulée par l’Académie, et ceux qui acceptent, voire revendiquent, qu’elle soit vivante, mouvante, impure et rebelle.

Une France en débat permanent

Derrière ce choc linguistique se cache une France en tension. Une société tiraillée entre son passé colonial et son avenir multiculturel. Une société où le mot “français” devient lui-même objet de débat, de suspicion, de revendication. Mélenchon, en stratège, le sait. Et il frappe là où ça fait mal.

Mais il ne s’agit pas seulement d’un coup médiatique. Pour ses proches, cette phrase est le prolongement logique de son combat pour une république universaliste et décentralisée. Là où d’autres voient une provocation, lui y voit un geste d’ouverture.

Vers une langue post-nationale ?

Le débat ne fait que commencer. Peut-on dissocier une langue de son nom d’origine ? Le français peut-il devenir “créole” sans perdre son âme ? Ou est-ce justement en changeant de nom qu’il la retrouverait, enrichie de toutes les voix qui le parlent aujourd’hui ?

Ce que propose Mélenchon n’est pas une réforme grammaticale. C’est une révolution symbolique.

Et peut-être que dans 20 ans, si cette idée fait son chemin, des millions d’élèves dans le monde ouvriront leurs cahiers non pas pour apprendre “le français”, mais une langue nouvelle, née de toutes les autres.

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