Comment un meurtre dans une mosquée du Gard est devenu une affaire d’État : récit détaillé et réactions après la prise de parole d’Assa Traoré.

Meurtre dans une mosquée du Gard : Polémique autour d’Assa Traoré et la récupération politique du drame

SOCIETE

Un vendredi de prières qui vire à l’horreur

Vendredi 25 avril 2025. Le soleil se couche lentement sur les hauteurs paisibles de La Grand-Combe, petite commune du Gard nichée entre les pins et les souvenirs d’un passé minier. Dans la fraîcheur de la soirée, les fidèles se pressent dans la mosquée de quartier, modeste mais chaleureuse. Parmi eux, Aboubakar Cissé, jeune homme de 22 ans, bien connu dans la communauté pour sa douceur et sa discrétion.

Aboubakar, fils d’un ancien ouvrier malien et d’une mère aide-soignante, n’a jamais fait parler de lui autrement que par ses actes généreux. Ce soir-là, comme à son habitude, il enlève ses chaussures, se lave les mains et entre paisiblement dans la salle de prière. Il ne sait pas qu’il vit ses dernières secondes.

À peine les premiers versets de la prière entamés, un homme surgit dans la mosquée, armé d’un couteau. C’est Olivier H., 45 ans, ancien militaire français, reconverti dans la marginalité, perdu dans une radicalisation confuse nourrie de frustrations personnelles et d’une haine silencieuse.

Un cri. Une ruée. Une stupeur figée.

Aboubakar s’écroule, touché en plein cœur.

La fuite, l’arrestation et l’extradition

Le tueur présumé prend la fuite. La communauté reste sous le choc. Pendant trois jours, les médias restent prudents, certains parlent d’un « différend personnel », d’autres d’un « acte isolé ». Mais les réseaux sociaux, eux, s’emballent : « Attaque islamophobe »« terrorisme intérieur »« silence politique coupable ».

Puis, le 28 avril, un rebondissement : Olivier H. se rend de lui-même à la police italienne, près de Milan. Il ne montre ni remords ni panique, mais accepte sans broncher son extradition vers la France.

L’entrée remarquée d’Assa Traoré

Trois jours plus tard, alors que l’affaire émeut la communauté musulmane sans faire la une des grands journaux, une figure médiatique entre en scène : Assa Traoré, militante antiraciste, sœur d’Adama, mort en 2016 lors d’une interpellation.

Elle débarque à Paris, au bras du père d’Aboubakar, accompagnée de la sœur aînée du défunt, Aïssata. Leur destination : L’Assemblée nationale. Assa Traoré y tient un discours improvisé, dénonçant le racisme systémique, les violences contre les musulmans, le silence des autorités, l’abandon des quartiers populaires.

Mais cette prise de parole ne fait pas l’unanimité.

Une France déchirée entre hommage et polémique

La droite, une partie du centre et même quelques voix de la gauche dénoncent immédiatement une « récupération politique indécente ». Le député RN du Gard, Jean-Marc Courtois, monte au créneau :

« Assa Traoré utilise la mort d’un jeune homme pour faire avancer sa cause. C’est honteux. »

La famille d’Aboubakar, elle, reste silencieuse. Le père, usé, confie simplement à un journaliste local :

« Moi je veux seulement qu’on dise que mon fils n’a jamais fait de mal. C’est tout. »

Mais dans les cités de Nîmes, Marseille, Montpellier et même de Paris, l’émotion est immense. Des veillées sont organisées. Des milliers de messages affluent sur les réseaux. Certains demandent que le crime soit qualifié d’acte islamophobe. D’autres appellent à une « Marche blanche contre la haine ».

Les médias face à une tempête morale

Les chaînes d’infos en continu hésitent. Faut-il inviter Assa Traoré ? Faut-il parler de l’agresseur comme d’un déséquilibré ou comme d’un extrémiste ? Et pourquoi la classe politique met-elle tant de temps à réagir ?

Sur France Info, une chroniqueuse murmure :

« Il y a deux poids deux mesures. Si l’agresseur avait été musulman et la victime blanche, tout le pays aurait été en alerte. »

L’Élysée, lui, reste muet. Gérald Darmanin se contente d’un tweet de condoléances sans citer ni la mosquée, ni l’origine du suspect, ni même le nom de la victime. La tension monte encore.

Une affaire de mosquée devenue affaire d’État

Le 3 mai, une manifestation silencieuse est organisée à Montpellier, avec pancartes blanches et roses : « Justice pour Aboubakar », « Mosquées sous protection », « Non à la haine intérieure ».

Mais en parallèle, une contre-offensive s’organise. Plusieurs éditorialistes accusent Assa Traoré d’avoir « instrumentalisé un meurtre religieux pour en faire un combat racial ». Dans Le Point, un édito déclare :

« Il ne s’agit pas d’un lynchage raciste, mais d’un drame personnel. L’importer dans le champ militant, c’est salir la mémoire du mort. »

Pourtant, la question reste entière : Que faisait un homme armé d’un couteau dans une mosquée, en pleine prière, un soir de ramadan ?

La voix d’Aïssata, la sœur d’Aboubakar

Le 6 mai, Aïssata, la grande sœur d’Aboubakar, prend enfin la parole dans un message Facebook sobre et poignant :

« Je ne suis pas politicienne. Je ne suis pas militante. Mais je suis sa sœur. Et je sais qu’il aurait voulu que sa mort serve à ouvrir les yeux, pas à faire des débats. Il priait. Il a été tué. Tout le reste, c’est vous qui l’écrivez. »

Ce message est partagé plus de 800 000 fois en deux jours. Même les critiques les plus virulentes d’Assa Traoré saluent la dignité d’Aïssata. Une France divisée semble, l’espace d’un instant, se réunir autour d’un silence.

Le procès à venir et les fractures révélées

Le procès d’Olivier H. est prévu pour fin 2026. D’ici là, la question reste entière : S’agissait-il d’un acte religieux, d’un crime raciste, ou simplement du geste d’un homme dérangé ?

L’affaire d’Aboubakar Cissé ne quittera plus le cœur de celles et ceux qui fréquentent les mosquées, les militants antiracistes, et tous ceux qui, un jour, ont craint de prier sous les néons du soupçon.

Le prix du silence et le poids des mots

Assa Traoré, en venant à l’Assemblée avec une famille en deuil, a peut-être déclenché une onde de choc. Mais c’est la société française toute entière qui, par son silence initial, par ses accusations, par sa gêne, a démontré qu’elle n’est pas encore prête à affronter ses fractures.

Le meurtre d’Aboubakar n’a pas seulement blessé une famille. Il a révélé une cicatrice nationale. Et derrière chaque prière murmurée dans les mosquées du pays, désormais, il y a ce prénom qu’on n’oubliera pas : Aboubakar.

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