Élodie : « Comment une simple baignade estivale a-t-elle pu déclencher une telle fracture entre voisins frontaliers, au point d’interdire aux Français l’accès à une piscine suisse tout l’été ? »
Quand l’eau devient frontière : L’interdiction des Français à la piscine de Porrentruy secoue l’été 2025
Il suffit parfois d’une étincelle pour allumer un brasier. Et dans le calme apparent du Jura suisse, cette étincelle a jailli d’un plongeon trop agité, d’un mot trop fort, ou d’un regard de travers sur un carrelage mouillé.
À Porrentruy, charmante petite ville du canton du Jura, nichée à deux pas de la frontière française, la piscine municipale est depuis des décennies un havre de fraîcheur, de rires et de convivialité. Mais en ce mois de juillet 2025, c’est une toute autre ambiance qui y règne. Une ambiance de tension, de mesures drastiques, et d’interdits qui franchissent les bassins pour diviser deux peuples pourtant voisins.
Des incivilités en cascade : Le climat se dégrade
Tout a commencé avec l’arrivée des grandes chaleurs. Les frontaliers français, nombreux à traverser quotidiennement la frontière pour faire leurs courses ou profiter des infrastructures suisses, se sont également rués vers la piscine de Porrentruy. Mais cette affluence s’est accompagnée d’un phénomène plus préoccupant : Des incivilités à répétition.
Des insultes proférées contre les agents de sécurité. Des bousculades. Des jeunes — souvent entre 16 et 25 ans — venus en bande, qui n’hésitaient plus à intimider, voire menacer le personnel. Certains ont même dû être escortés hors du site. Philippe Eggertswyler, maire de la ville, a d’ailleurs confirmé que plusieurs exclusions ont été prononcées. Une vingtaine depuis le début de la saison estivale. Et selon les autorités locales, entre 90 et 95% des personnes concernées étaient… françaises.
Une décision radicale : Fermeture aux Français jusqu’au 31 août
Face à cette situation jugée explosive, le Conseil municipal et le Syndicat intercommunal du district de Porrentruy (SIDP), gestionnaire de la piscine, ont pris une décision sans précédent : Interdire l’accès à l’établissement à toute personne ne disposant pas d’un passeport suisse, d’un permis de séjour helvétique ou d’un permis de travail valable. En clair : Les Français sont exclus jusqu’à la fin de l’été, au moins jusqu’au 31 août 2025.
Cette mesure, annoncée officiellement début juillet, a provoqué une onde de choc des deux côtés de la frontière. À Delémont comme à Delle, la nouvelle a fait grand bruit.
Réactions en chaîne : Entre soutien et indignation
Côté suisse, les habitants sont globalement soulagés. Ils voient dans cette décision un retour à la tranquillité. « On avait peur d’aller à la piscine avec nos enfants », témoigne Amélie, mère de famille jurassienne. « Certains jeunes criaient, couraient partout, et les agents ne pouvaient rien faire. » D’autres, plus modérés, regrettent une généralisation excessive. « Tous les Français ne sont pas des fauteurs de trouble », confie un baigneur régulier.
Côté français, la colère gronde. Christian Zimmermann, conseiller régional RN du Grand Est, a dénoncé une « décision discriminatoire ». Pour lui, « c’est un amalgame honteux ». Pourtant, même certaines municipalités françaises reconnaissent qu’une minorité de leurs jeunes franchit la ligne rouge. « Il faut aussi que nos jeunes respectent les lieux où ils vont », admet un élu local de Delle.
Un précédent en 2020 : L’ombre du Covid plane encore
Ce n’est pas la première fois que la piscine de Porrentruy ferme ses portes aux Français. En 2020, déjà, en pleine pandémie de Covid-19, l’établissement avait été réservé aux résidents suisses pour des raisons sanitaires. Mais cette fois-ci, c’est la sécurité qui est invoquée. La comparaison n’en reste pas moins douloureuse pour les frontaliers.
Et maintenant ?
Le maire l’assure : Cette mesure n’a rien de définitif. Si le calme revient, si l’ambiance s’apaise, si la fréquentation se stabilise, la municipalité pourra réévaluer la situation. Mais pour l’heure, la ligne est claire. Les baigneurs devront présenter une pièce justificative à l’entrée, et le personnel est formé pour refuser poliment mais fermement l’accès aux ressortissants français sans titre de séjour suisse.
Un été sous haute surveillance
À l’ombre des parasols suisses, les éclaboussures n’ont jamais été aussi politiques. Entre questions d’intégration, de sécurité, de cohabitation frontalière et d’identité, la piscine municipale de Porrentruy est devenue en quelques jours le symbole d’un malaise plus profond : Celui des tensions qui peuvent surgir, même au cœur des lieux les plus anodins.
Quand une piscine devient un miroir de société
Ce qui aurait dû rester un simple espace de détente est devenu un microcosme sociopolitique. Une piscine. Des jeunes. Une frontière invisible qui, soudain, devient très réelle. Une question d’ordre public, d’équilibre, de confiance rompue. Et derrière cette histoire d’été, c’est peut-être une leçon plus universelle qui se dessine : Celle de la fragilité de la paix sociale, même quand elle flotte sur une eau turquoise.
