Comment la foi d’un prêtre peut-elle survivre à la violence quand, en ce Vendredi Saint, jour du sacrifice et de la paix, il se retrouve au sol, le sang coulant sur les marches de l’autel, frappé dans l’enceinte même de la maison de Dieu ?
Il était près de 15 heures, l’heure de la mort du Christ sur la croix selon la tradition chrétienne. Une lumière pâle baignait les voûtes silencieuses de l’église Saint-Jacques de Lisieux. L’abbé Marc Duval, 68 ans, prononçait avec une solennité émue les mots du chemin de croix. Dans l’assemblée, quelques fidèles recueillis, certains en larmes. Une atmosphère de paix, de recueillement, de foi pure. C’est alors qu’un homme s’est levé.
Un homme aux gestes nerveux, les traits tirés. Personne ne l’avait remarqué jusque-là. Il ne portait pas de signe distinctif, mais son regard, lui, portait une ombre. En quelques secondes, l’inconcevable s’est produit. Il a franchi l’allée centrale comme un fantôme en colère, a brandi un objet métallique, puis l’a violemment abattu sur le crâne du prêtre en pleine lecture des Saintes Écritures.
Des cris ont fusé. Le sang a jailli sur les dalles froides du chœur. Le livre liturgique a glissé des mains de l’abbé, tombant dans un bruit sourd, comme un cœur qui cesse de battre. Les fidèles se sont levés, sidérés, tétanisés. Certains ont tenté de retenir l’agresseur, d’autres ont couru vers l’extérieur pour appeler du secours. L’homme a hurlé quelque chose d’incompréhensible avant de s’effondrer à son tour, maîtrisé par deux paroissiens courageux. Le Vendredi Saint à Lisieux venait de devenir le théâtre d’un drame que personne n’oublierait.
À plus de 600 kilomètres de là, à Tarascon…
Presque au même instant, à des centaines de kilomètres au sud, dans la douce lumière dorée de la Provence, l’abbé Thomas Verdier, 44 ans, animait une liturgie à l’église Sainte-Marthe. Sa voix posée résonnait dans la nef, évoquant les douleurs du Christ, son pardon infini, et le mystère de la résurrection. C’est là, au cœur de ce moment suspendu, qu’un individu, surgissant des derniers rangs, s’est précipité vers lui. Il a tenté de le frapper, mais n’a réussi qu’à le saisir violemment par la soutane avant d’être arrêté de justesse par un paroissien vigoureux.
L’agresseur, déséquilibré selon les premiers éléments de l’enquête, a crié qu’il était « l’envoyé » chargé de « purifier l’Église ». Une phrase lourde de symboles, terriblement glaçante. L’abbé Verdier, secoué mais indemne physiquement, s’est effondré après l’arrestation de son agresseur. Ce Vendredi Saint, lui aussi, serait désormais marqué à jamais dans sa mémoire.
La blessure invisible
À Lisieux, l’abbé Duval a été transporté d’urgence à l’hôpital. Les médecins ont diagnostiqué un traumatisme crânien, heureusement sans hémorragie interne. Mais la vraie plaie, celle qu’on ne soigne pas avec des points de suture, était ailleurs. Dans le regard perdu du vieux prêtre, quelques heures plus tard, dans sa chambre d’hôpital. « Pourquoi ici ? Pourquoi moi ? », a-t-il murmuré à une infirmière.
À Tarascon, l’abbé Verdier, plus jeune, plus énergique, a tenté de rassurer ses paroissiens dans une courte vidéo diffusée le soir-même sur les réseaux sociaux : « Je vais bien. Mais ce que nous avons vécu, ce n’est pas une attaque contre un homme. C’est une attaque contre la foi, contre la paix, contre le pardon que nous prêchons. »
Une France troublée, une Église vulnérable
Ces deux agressions, en ce jour le plus sacré du calendrier chrétien, ne peuvent être considérées comme de simples faits divers. Elles résonnent dans un contexte plus large de tensions religieuses, d’actes antichrétiens de plus en plus fréquents, et d’un sentiment d’impunité dans les lieux de culte.
En 2023, le ministère de l’Intérieur recensait déjà plus de 1 000 actes de vandalisme contre des églises. Tags, dégradations, vols d’objets sacrés, messes perturbées. Mais ici, à Lisieux et Tarascon, c’est un cran au-dessus : Ce sont des hommes de foi, en pleine célébration, qui ont été ciblés physiquement.
Le diocèse de Bayeux-Lisieux a réagi rapidement, dénonçant « un acte odieux commis en plein cœur de la foi ». À Marseille, l’évêché d’Arles-Tarascon a exprimé sa « profonde inquiétude pour la liberté religieuse dans notre pays ».
Enquête en cours : Deux profils radicalement différents
Les deux agresseurs ont été interpellés. À Lisieux, il s’agirait d’un homme d’origine étrangère souffrant de troubles psychiatriques, déjà connu des services de police pour des comportements erratiques dans l’espace public. À Tarascon, l’individu est un Français, sans antécédents judiciaires, mais suivi pour schizophrénie paranoïde.
Les autorités judiciaires insistent sur le fait que les deux affaires ne sont pas liées. Pourtant, les coïncidences troublent. Deux prêtres. Deux villes. Le même jour. Le même moment. Le même lieu sacré violé.
Silence sacré et colère profane
Dans les jours qui ont suivi, les églises de Lisieux et Tarascon ont vu affluer anonymes, croyants, curieux, journalistes. Des fleurs ont été déposées, des bougies allumées. Des messes réparatrices ont été célébrées. Mais sous la ferveur, une question continue de brûler les cœurs : Que devient la foi dans un pays où les prêtres ne sont plus à l’abri dans leurs églises ?
Sur les réseaux sociaux, la colère a grondé. Certains ont dénoncé un silence médiatique assourdissant. D’autres y ont vu un énième signe de déclin civilisationnel. Et beaucoup ont appelé à ce que les lieux de culte, qu’ils soient chrétiens, juifs, musulmans ou autres, soient enfin protégés à hauteur de leur vulnérabilité.
Lueur dans l’obscurité
Malgré la violence, malgré le sang, malgré la peur, ni l’abbé Duval ni l’abbé Verdier ne comptent abandonner leurs paroisses. Ils ont tous deux, à leur manière, trouvé dans l’épreuve une forme de réaffirmation de leur foi.
« Le Christ aussi a été frappé en ce jour », a déclaré l’abbé Duval dans une interview exclusive à MyJournal.fr. « Si je suis prêtre, c’est pour être avec Lui, jusque dans la souffrance. »
L’abbé Verdier, quant à lui, a demandé à pouvoir rencontrer son agresseur, « non pour le juger, mais pour lui offrir le pardon ».
Une France à genoux, mais pas brisée
Ce Vendredi Saint 2025 restera dans les mémoires. Non pas comme un jour de résignation, mais comme un moment où la foi, si souvent discrète, silencieuse, parfois moquée, a montré qu’elle pouvait aussi résister à la haine. Résister aux coups. Résister à la peur.
Car il faut une foi immense pour revenir célébrer la messe là où l’on a été agressé. Il faut une humanité bouleversante pour pardonner à celui qui vous a frappé. Et il faut, plus que jamais, une France debout pour protéger ceux qui, dans l’ombre de leurs églises, continuent à prier pour elle.