Polémique à la RATP : une passagère en mini-jupe se voit refuser l'accès à un bus. Retour sur les faits et les réactions qu'ils ont suscitées.

Refus d’accès à une passagère en mini-jupe par un chauffeur RATP : Polémique sur la liberté vestimentaire dans les transports en commun

CHOC

Le regard qui juge, la jupe qui dérange : Récit d’un trajet qui ne commencera jamais

Il était à peine 17h30, ce lundi 20 mai 2025, à la station Belleville, dans le 20e arrondissement de Paris. Une chaleur de printemps flottait dans l’air, les terrasses débordaient de vie, et les usagers des transports parisiens se pressaient pour attraper leur bus ou métro. Parmi eux, Lina, 29 ans, éducatrice spécialisée, revenait d’un rendez-vous avec une amie. Elle portait une mini-jupe noire, des baskets blanches, un t-shirt oversize et un sac à main en bandoulière. Une tenue banale, estivale, confortable. Pourtant, ce simple choix vestimentaire allait faire d’elle, sans le vouloir, le symbole d’une polémique nationale.

Quand le bus 26 s’arrêta enfin à l’arrêt, Lina monta les deux marches du véhicule, valida son titre de transport, et se dirigea vers les places du fond. Le chauffeur, un homme d’une cinquantaine d’années, la rappela sèchement :

— « Mademoiselle, vous ne montez pas habillée comme ça. Ce n’est pas une boîte de nuit ici.« 

Interloquée, Lina répondit :

— « Pardon ? Je suis habillée comme je veux. Je monte dans le bus comme tout le monde. »

Le ton monta. Des témoins sortirent leur téléphone. La scène fut filmée. La jeune femme fut sommée de redescendre. Le bus referma ses portes et partit, la laissant stupéfaite sur le trottoir.

Quand les réseaux s’enflamment : « Je rentre dans le bus comme je veux »

Dans la soirée, Lina publia la vidéo sur X (ex-Twitter), accompagnée de ces mots : « Aujourd’hui à Paris, en 2025, un chauffeur RATP m’a refusé l’accès à un bus à cause de ma jupe. Il m’a humiliée devant tout le monde. Voilà la France d’aujourd’hui. »

Le hashtag #JeMonteCommeJeVeux devint viral en quelques heures. Des milliers de messages de soutien, de colère, mais aussi de réactions hostiles affluèrent. Le débat explosa : Est-ce au chauffeur de juger la tenue d’un usager ? Une mini-jupe est-elle un motif d’exclusion ? Où commence la décence, où s’arrête la liberté ?

La RATP ouvre une enquête : Entre prudence et crispation

Dès le lendemain matin, la RATP publia un communiqué :

« La direction a été informée d’un incident survenu le 20 mai impliquant un de nos agents de conduite. Une enquête interne est en cours. La RATP rappelle que ses services sont accessibles à tous, dans le respect du règlement intérieur et de la dignité de chacun. »

En coulisses, l’entreprise tenta de calmer la tempête. Le chauffeur fut temporairement écarté de ses fonctions. Une procédure disciplinaire fut engagée. Mais du côté syndical, certains prirent sa défense :

— « Ce collègue est connu pour son professionnalisme. Il a peut-être été maladroit, mais il n’est pas un discriminant en série, » déclara un représentant de la CGT-RATP.

Une affaire révélatrice : Le corps des femmes toujours contrôlé ?

Lina accepta de témoigner sur plusieurs plateaux télé. Elle parla avec émotion, mais dignité :

— « Je n’étais pas vulgaire. Je portais une jupe. Ce n’était pas une provocation. Pourquoi un homme se permettrait-il de me dire comment m’habiller ? Je paie mon titre de transport comme tout le monde. »

Son récit résonna chez beaucoup de femmes. Certaines témoignèrent à leur tour d’humiliations subies dans les transports : Remarques, regards insistants, parfois des refus implicites ou des changements de comportement de la part d’agents ou même d’autres usagers.

Un sondage IFOP réalisé deux jours après l’incident révélait que 64% des femmes affirmaient avoir déjà modifié leur tenue de peur d’être jugées dans les transports publics.

Le précédent de 2022 : Une jupe déjà au centre des débats

Ce n’est pas la première fois qu’un fait divers soulève cette question. En 2022, à Toulouse, une adolescente de 16 ans avait été exclue de son lycée pour une jupe jugée « trop provocante« . Là encore, les réseaux s’étaient enflammés, les médias s’étaient saisis de l’affaire, et une pétition avait réuni plus de 100 000 signatures.

Mais dans ce cas précis, c’est l’autorité publique d’un transporteur qui est mise en cause. Et c’est ce qui rend la polémique encore plus sensible.

Un débat instrumentalisé politiquement ?

Rapidement, des responsables politiques prirent position. Du côté de la majorité présidentielle, le silence fut de rigueur. Mais à gauche, plusieurs voix s’élevèrent.

Clémentine Autain (LFI) : « Refuser une femme à cause de sa jupe, c’est du sexisme pur et simple. Et c’est inacceptable, surtout dans un service public. »

Marine Tondelier (EELV) : « On veut lutter contre les violences sexistes ? Alors on commence par ne pas humilier les femmes dans l’espace public. »

À l’extrême droite, l’angle d’approche fut bien différent.

Marion Maréchal (Reconquête) déclara : « Et si le chauffeur avait agi pour éviter des incidents ? Il faut écouter aussi les agents qui sont en première ligne. »

Quelles conséquences pour le chauffeur RATP ?

Selon une source interne à la RATP, le chauffeur mis en cause aurait déjà été recadré plusieurs fois pour des « remarques inappropriées envers des usagères« . Si l’enquête interne confirme un comportement discriminatoire, il pourrait faire l’objet d’un avertissement ou d’une suspension.

En attendant, le syndicat Sud-RATP a demandé « des formations renforcées à la neutralité comportementale » pour tous les conducteurs.

Témoignage d’un collègue chauffeur : « On nous demande d’être vigilants, pas de jouer les moralisateurs »

Jérôme, 42 ans, chauffeur de la ligne 38, témoigne sous couvert d’anonymat :

— « On est formés pour repérer des comportements dangereux, pas des jupes courtes. Ce collègue a clairement dépassé les bornes. Il faut qu’on arrête de croire que notre propre vision de la décence fait loi dans le bus. »

Une société à deux vitesses : Tolérance variable selon les quartiers ?

Le bus 26 traverse des quartiers populaires du nord-est parisien. Certains analystes pointent une tendance à l’auto-censure dans les transports de ces zones, souvent en lien avec une cohabitation difficile entre codes culturels très différents. Là où la mixité sociale est forte, les tensions s’exacerbent plus vite.

— « On voit parfois des jeunes filles en short se faire toiser ou interpeller. C’est une réalité. Le problème, ce n’est pas leur tenue, c’est l’intolérance de certains usagers, » déplore Sarah Benhamou, sociologue des mobilités urbaines.

Lina, figure malgré elle

Depuis l’affaire, Lina a reçu des centaines de messages, mais aussi des menaces. Elle envisage de porter plainte contre la RATP pour discrimination fondée sur le genre. Son avocate, Maître Julie Clément, affirme :

— « Nous n’en resterons pas là. Ce n’est pas qu’un incident isolé. C’est le reflet d’une pression sexiste toujours bien présente dans l’espace public. »

La jupe de la discorde, ou le miroir d’une société qui vacille

Ce fait divers aurait pu passer inaperçu. Mais il a révélé une fracture profonde dans la société française : Celle entre la liberté individuelle et les normes implicites imposées dans l’espace public. Lina, par son courage et sa volonté de parler, a ouvert un débat nécessaire.

Et si, en 2025, ce n’est plus un agent d’autorité, mais chaque citoyen qui devait se demander : Ai-je vraiment le droit de juger ce que porte l’autre ?

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