Pourquoi LFI a recadré Delogu : voyage en Algérie, soutien au régime Tebboune et absence de mots pour Sansal ou Gleizes, tout savoir sur l’affaire.

Algérie : Pourquoi La France Insoumise a publiquement désavoué Sébastien Delogu après son voyage controversé ?

POLITIQUE

Alger, juin 2025. Sur les hauteurs de la Casbah balayée par le vent, un homme en costume clair fixe l’horizon. Il s’appelle Sébastien Delogu, député marseillais de La France Insoumise. Il est venu, dit-il, « rendre hommage à une terre d’hospitalité, à un peuple frère ». Ce qu’il ne sait pas encore, c’est qu’en posant ses lèvres sur un drapeau algérien et en déroulant un discours jugé trop complaisant envers le régime d’Abdelmadjid Tebboune, il va déclencher un ouragan politique, jusqu’au désaveu cinglant de ses propres camarades.

Sur le plateau de Canal Algérie, dans une interview longue et solennelle, Delogu confie son attachement personnel : Son grand-père, réfugié, sauvé par des Algériens pendant la guerre, élevé dans la mémoire de l’indépendance. Il parle avec émotion, dit « aimer l’Algérie », fustige les médias français qu’il traite de « chiens de garde », accuse une certaine élite politique française de vouloir humilier Alger. Jusque-là, tout reste dans les limites de la liberté de ton qu’il s’octroie.

Mais un silence assourdissant brise le charme : Pas un mot sur Boualem Sansal, écrivain respecté, détenu depuis novembre pour avoir critiqué le pouvoir algérien. Pas une phrase sur Christophe Gleizes, journaliste sportif français, condamné à sept ans de prison pour avoir tweeté sur l’Algérie. Cette omission, volontaire ou non, va être perçue comme une trahison morale, une approbation implicite du régime.

Un baiser qui divise

Ce qui aurait pu rester une initiative personnelle et symbolique se transforme en une tempête politique. La vidéo de l’interview est partagée en boucle sur les réseaux. Le moment où Delogu embrasse le drapeau algérien cristallise toutes les tensions. Pour ses soutiens, c’est un geste de paix. Pour ses détracteurs, une posture indigne d’un député français en voyage diplomatique non encadré.

Le malaise est tel que, moins de 24 heures après, La France Insoumise publie un communiqué sec :

« Le député Sébastien Delogu s’est exprimé à titre personnel. Il n’engage ni les groupes parlementaires ni le mouvement LFI. »

Un désaveu rare, presque humiliant, qui fait l’effet d’une bombe. La France Insoumise, dont les liens avec les régimes autoritaires sont régulièrement critiqués, cherche à se dédouaner. Mais le mal est fait. Pour beaucoup, Delogu a mis le doigt dans l’engrenage de la diplomatie parallèle, de l’aveuglement idéologique.

Sansal et Gleizes : Les grands absents

Au cœur des critiques, deux noms : Boualem Sansal, intellectuel respecté, connu pour ses critiques frontales du régime algérien. Il est en prison depuis novembre. Et Christophe Gleizes, ancien journaliste de So Foot, emprisonné après avoir ironisé sur les résultats de l’équipe d’Algérie. Deux figures que le député Delogu n’a pas mentionnées une seule fois durant son séjour.

Sur les réseaux, les internautes s’enflamment :

« Il va faire le beau à Alger, mais il chie sur Sansal ! »,

« Quel mentalité de colon inversé… »,

« Comment peut-on revendiquer les droits humains en France et se taire face à la répression en Algérie ? »

Même dans les rangs de LFI, le malaise est palpable. Certains cadres, sous couvert d’anonymat, dénoncent une « faute politique majeure » et un « alignement dangereux sur une dictature qui enferme ses dissidents ».

Un parti en crise identitaire

Ce n’est pas la première fois que LFI vacille sur ses positions internationales. Mais l’affaire Delogu cristallise toutes les contradictions d’un mouvement tiraillé entre soutien aux peuples et complaisance envers certains régimes autoritaires dès lors qu’ils sont perçus comme anti-occidentaux.

Le silence sur Sansal et Gleizes ressemble à une lâcheté politique. Pire : Il expose LFI à une accusation qu’elle fuit depuis des années – celle d’avoir des indignations sélectives. Le désaveu public de Delogu apparaît alors comme une tentative de sauver les meubles. Mais peut-on désavouer un homme sans désavouer ses propres ambiguïtés ?

Et maintenant ?

Delogu n’a pas encore répondu officiellement à ce recadrage. Mais en off, il laisse filtrer son amertume. Lui qui pensait défendre la fraternité franco-algérienne se retrouve isolé, presque sacrifié. Ce voyage, qu’il imaginait comme un hommage à ses racines, devient un poison pour son avenir politique.

L’affaire pose une question plus large : Jusqu’où un élu peut-il aller dans ses positions personnelles à l’étranger ?Où commence la diplomatie parallèle, où s’arrête la liberté d’expression ? Et surtout : Un engagement sincère peut-il excuser un silence coupable ?

Delogu aura sans doute sous-estimé une chose : en politique, tout ce qui n’est pas dit est aussi lourd de sens que ce qui est clamé haut et fort. En ne parlant pas de Sansal ni de Gleizes, il a laissé le champ libre à toutes les interprétations. Et offert à ses détracteurs l’arme parfaite pour le faire tomber.

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