Clémence, bouleversée en voyant les images circuler sur les réseaux sociaux, s’interroge : Comment une élue de la République peut-elle apparaître aux côtés de militants pro-Poutine, alors que l’Europe s’épuise à soutenir l’Ukraine ?
Sophia Chikirou et la Marche du Régiment Immortel : La députée LFI au cœur d’un scandale tricolore
Paris, 8 mai 2025 — Sous un ciel hésitant, tantôt bleu, tantôt charbonneux, les pavés du Père-Lachaise résonnaient de pas silencieux et solennels. Ce jeudi de commémoration, la capitale accueillait une foule disparate : Anciens combattants d’origine russe, familles arborant des portraits d’aïeux tombés pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi diplomates en costume sombre, curieux, et quelques figures politiques françaises. Au cœur du cortège, une silhouette familière : Sophia Chikirou, députée de La France Insoumise.
Sa présence ne passera pas inaperçue. Quelques heures plus tard, les réseaux sociaux s’embrasent. Un mot s’invite sur toutes les lèvres : Pro-Poutine. Mais qu’est-il vraiment arrivé ce 8 mai à Paris ?
La marche du Régiment Immortel, une tradition soviétique importée sur les rives de la Seine
La manifestation en question s’inscrit dans une tradition russe appelée « le Régiment Immortel ». Chaque année, le 9 mai, des millions de Russes (et de membres de la diaspora) brandissent les portraits de leurs ancêtres ayant combattu le nazisme. Ce rituel patriotique, né en Sibérie au début des années 2010, s’est imposé comme un pilier de la mémoire collective… mais aussi comme un outil de propagande savamment orchestré par le Kremlin.
En France, la marche s’organise autour du cimetière du Père-Lachaise, lieu hautement symbolique. Cette année, elle a rassemblé environ 200 personnes. Dans la foule, des drapeaux russes, quelques uniformes d’époque, des chants patriotiques… et donc, la présence inattendue d’une élue de la République.
Chikirou, une élue au cœur d’une controverse brûlante
Sophia Chikirou, élue LFI de la 6e circonscription de Paris, ne s’est jamais cachée de ses positions critiques à l’égard de l’OTAN ou de l’impérialisme occidental. Mais en posant au cœur d’une manifestation où fleurissaient les symboles russes et les slogans ambigus, elle a franchi une ligne que beaucoup jugent rouge.
Sur Instagram, elle se défend : « J’ai été invitée par une organisation pacifiste. Il s’agissait de commémorer les victimes de la guerre contre le nazisme, dans ma circonscription. Ce n’était en rien un soutien au gouvernement russe. »
Mais dans les rangs de l’opposition, la riposte est immédiate. Valérie Rabault (PS) parle d’indignité, Éric Ciotti (LR) dénonce un alignement idéologique avec Moscou, tandis que les écologistes s’interrogent sur les ambiguïtés récurrentes de certains insoumis face à la Russie.
Le Kremlin à l’ombre de la République
Car derrière cette simple marche, se cache une réalité diplomatique complexe. La Russie, depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, est largement isolée sur la scène internationale. Toute manifestation de soutien – même indirecte – est minutieusement scrutée. Les services de renseignement eux-mêmes s’intéressent de près à ces rassemblements d’apparence culturelle, où s’infiltrent parfois des agents d’influence.
Et cette année, selon une source proche de la DGSI citée anonymement, plusieurs figures connues pour leur proximité avec les réseaux russes étaient présentes. La présence de Chikirou, que certains ont interprétée comme un appui tacite à Moscou, n’a fait qu’attiser la controverse.
Un parfum de déjà-vu chez les insoumis ?
Ce n’est pas la première fois que La France Insoumise est accusée d’ambiguïtés vis-à-vis de la Russie. Jean-Luc Mélenchon lui-même avait participé en 2018 à une version moscovite de la même marche, affirmant pouvoir « être un ami du peuple russe sans cautionner le régime ». Mais aujourd’hui, avec une guerre en cours, la nuance est plus difficile à faire passer.
Les tensions internes au sein de LFI sont palpables. Certains députés se distancient prudemment de leur collègue. D’autres la soutiennent, évoquant une récupération médiatique.
Entre mémoire et manipulation
Ce que soulève cette affaire, c’est la porosité entre mémoire historique et géopolitique contemporaine. Peut-on encore commémorer la victoire sur le nazisme aux côtés de Russes sans être taxé de soutien à Poutine ? La question divise. Et Chikirou, volontaire ou non, a réveillé un tabou.
Du côté ukrainien, l’ambassade a exprimé sa « vive inquiétude ». Pour elle, il ne fait aucun doute que le Régiment Immortel sert désormais à légitimer la guerre en Ukraine, en associant l’ennemi d’hier (le nazisme) à l’Ukraine actuelle, comme l’affirme régulièrement le discours officiel russe.
Un impact politique durable ?
Dans les jours qui suivent, les plateaux télé s’enchaînent. Sophia Chikirou se dit victime d’un procès en sorcellerie. Mais dans l’opinion, les lignes bougent. Un sondage IFOP commandé par CNews révèle que 67% des Français estiment qu’un élu ne devrait pas participer à une marche organisée par des réseaux liés au Kremlin.
Jean-Luc Mélenchon, lui, garde le silence. Une stratégie de repli qui n’empêche pas les fissures internes de se creuser.
Entre l’ambiguïté et l’insouciance, la frontière politique se resserre
Au-delà du simple fait divers politique, la marche du 8 mai pose une question plus vaste sur le rôle des élus dans une période de tensions internationales. Sophia Chikirou a-t-elle voulu honorer la mémoire des résistants ? Ou a-t-elle, consciemment ou non, prêté le flanc à une opération d’influence ?
Dans les allées du Père-Lachaise, les visages sur les portraits n’ont pas répondu. Mais le silence de ces morts résonne désormais comme un avertissement.