« Pourquoi faut-il toujours attendre qu’un cercueil soit refermé pour commencer à parler des ravages de l’alcool ? » – Christophe, membre d’un groupe Facebook dédié à la lutte contre les addictions.
L’alcool a tué la femme que j’aimais. Et je n’ai rien pu faire pour la sauver
Je m’appelle Christophe. Je n’ai pas choisi ce prénom par hasard. Il était le sien, au féminin. Christelle. Ma compagne. Mon amour. Celle qui faisait de mes matins des promesses et de mes soirs des refuges. Et aujourd’hui, elle n’est plus là. Un arrêt cardiaque l’a emportée. Un simple battement de cœur qui s’arrête. Mais derrière ce battement, il y a quinze années de poison. Quinze années d’alcool. De déni. De douleurs. D’alerte silencieuse que personne n’a entendue. Pas même moi.
Je n’écris pas ces lignes pour susciter la pitié. Je les écris pour vous, celles et ceux qui vous battez chaque jour contre l’envie de reprendre un verre. Celles et ceux qui pensent encore que « ce n’est pas si grave« . Que « tout le monde boit« . Je vous le dis aujourd’hui : L’alcool tue. Vraiment !
Le poison qu’on sert dans les verres, et qu’on appelle encore apéro
Quand j’ai rencontré Christelle, elle buvait déjà un peu. Un peu plus que les autres, peut-être. Des verres de vin au déjeuner. Une bière le soir. Puis un digestif. Je croyais que c’était son rythme. Sa manière de se détendre. Elle riait fort, avait toujours une phrase acide, une répartie tranchante. Et puis elle s’endormait dans le canapé, trop tôt, trop souvent. Je me suis dit qu’elle était juste fatiguée.
Je ne savais pas encore qu’elle buvait aussi en cachette.
Le matin, avant que je me lève. À midi, quand j’étais au travail. En pleine nuit, quand j’entendais des bruits de bouteilles dans la cuisine. J’ai compris trop tard. Parce que comme beaucoup, j’ai minimisé. Parce qu’on ne reconnaît pas facilement l’alcoolisme chez ceux qu’on aime. Parce que l’alcool est socialement accepté. Parce que c’est juste un verre.
Le début de la fin : Quand le corps dit stop mais que le cœur s’accroche
Il y a eu les signes. Les petits. Puis les violents. Ses yeux cernés. Sa mémoire défaillante. Ses vomissements. Ses colères. Ses silences. Les urgences. Les chutes. Les bleus qu’elle ne pouvait plus cacher. Puis le médecin qui murmure « foie très fatigué », et moi qui me crispe. Ma gorge qui se noue. Mon instinct qui hurle. Mais elle, elle souriait encore. Elle disait que ça allait passer.
J’ai crié. Supplié. Pleuré. Fait des recherches sur les cures. Appelé des centres de soins. Je l’ai accompagnée, portée, recousue moralement. Mais elle retombait toujours. L’alcool avait fait son nid, creusé sa tanière dans ses veines, dans sa tête, dans son besoin d’évasion. Elle buvait pour oublier qu’elle buvait.
Et un jour, le cœur s’arrête
C’était un mardi. Elle n’avait que 44 ans. Ce jour-là, elle ne s’est pas réveillée. Elle a eu un arrêt cardiaque dans notre salon. J’étais là. J’ai appelé les secours. Je hurlais son prénom, je la secouais comme un enfant réveille une poupée. Mais c’était fini. Son foie n’en pouvait plus. Son cœur non plus. Il a lâché. Parce que l’alcool gagne toujours si on ne le combat pas.
Une malédiction familiale ? Non. Une négligence collective
Ce n’est pas la première fois que l’alcool me vole quelqu’un. Mon grand-père est mort d’une cirrhose. Une mort lente, atroce, étouffée dans les draps d’un hospice où personne ne parlait de dépendance, mais juste d’âge. Je pensais avoir été épargné. J’aurais pu être le suivant. Il m’est arrivé de boire pour me noyer aussi, je ne vous le cache pas. Mais aujourd’hui, je suis sobre. Parce qu’après ce que j’ai vu, je ne veux pas être le prochain à finir sous terre à cause d’un poison qu’on vend en grande surface.
À celles et ceux qui boivent trop sans oser le dire : Il n’est jamais trop tard
Si vous lisez ceci et que vous vous reconnaissez, même un peu, demandez de l’aide. Avant que quelqu’un que vous aimez ne doive écrire ce genre de texte. Avant que vous ne soyez celle ou celui qu’on enterre trop tôt. L’alcoolisme n’a pas de visage type. Il peut ressembler à un rire en soirée, à un repas entre amis, à une flasque dans un sac. Il peut être caché derrière une promotion professionnelle, une apparence de contrôle. Mais il est là. Il attend. Et il détruit.
🟪 « Son silence a tué. Mon témoignage doit parler. »
Je veux que ce témoignage circule. Qu’il dérange. Qu’il réveille. Qu’il gêne. Parce que c’est trop facile de ne pas regarder en face. L’alcool tue. Ce n’est pas une formule, c’est un constat. Et si vous ou l’un de vos proches êtes en train de glisser, arrêtez-vous, regardez autour de vous. Il est encore temps. Moi, j’aurais tout donné pour reculer le temps de cinq minutes. Mais maintenant, il ne me reste que ce texte. Et une urne.