À l’Université Lyon 2, un professeur s’oppose à une rupture de jeûne et déclenche la colère de l’extrême gauche étudiante. Une affaire symptomatique d’un climat tendu entre religion, politique et éducation.

Université de Lyon 2 : Un professeur intimidé et menacé par l’extrême gauche pour s’être opposé à la rupture du jeûne du ramadan dans l’établissement

SOCIETE

Le campus Porte des Alpes, théâtre d’une fracture idéologique

Ce lundi matin d’avril, le ciel est bas au-dessus du campus Porte des Alpes, à Bron, dans la métropole de Lyon. L’air est tiède, presque figé, comme suspendu par une tension invisible. Les grilles de l’Université Lyon 2 sont partiellement fermées. Quelques étudiants discutent à voix basse devant l’entrée. D’autres, assis sur les marches du bâtiment principal, arborent des pancartes : « Halte à la stigmatisation ! », « Soutien à l’inclusion religieuse », « Islamophobie universitaire ».

Mais ce jour-là, ce n’est pas une revendication sociale classique qui secoue l’établissement. C’est une affaire de conscience. Un débat qui s’est transformé en guerre de principes.

Au cœur de la tempête : Le professeur Étienne R., maître de conférences en philosophie politique, figure respectée dans son domaine depuis plus de vingt ans. Son tort ? S’être opposé, au nom de la neutralité laïque, à la tenue d’une rupture du jeûne du ramadan dans l’enceinte même de l’université.

Une décision controversée, une avalanche de réactions

Tout a commencé quelques jours plus tôt. Une association étudiante, « Voix des Peuples« , proche de mouvances dites « décoloniales« , avait sollicité une salle pour organiser un iftar – la rupture du jeûne traditionnel en islam – afin de « valoriser la diversité culturelle et religieuse sur le campus ».

Dans une réunion interne, Étienne R. a exprimé de vives réserves. Selon plusieurs témoins, il aurait dit calmement :

« L’université publique n’est ni une mosquée, ni une église, ni une synagogue. Elle doit rester un espace neutre, où la croyance de chacun est respectée, mais n’est pas institutionnalisée. »

Des mots simples, mais lourds de conséquences.

Très vite, une pétition en ligne est lancée contre lui. Des affiches anonymes apparaissent dans les couloirs : « Étienne R., la honte de Lyon 2 », « Islamophobie déguisée », « Fascisation du savoir ». Des tracts sont distribués, les réseaux sociaux s’enflamment, des hashtags émergent : #StopÉtienne, #IftarRéprimé, #IslamophobieCampus.

Un groupe d’étudiants autoproclamé « Collectif Autonome Antifasciste Lyon 2 » diffuse même un communiqué accusant le professeur d’alimenter « la haine raciste sous couvert de laïcité républicaine ». Il devient la cible de messages haineux, de menaces voilées, parfois explicites :

« On sait où t’enseigne. La prochaine fois, ça sera plus qu’un mail. »

L’administration prise en étau

L’université, quant à elle, reste d’abord silencieuse. La présidente de Lyon 2, Hélène P., finit par publier un communiqué rappelant que « l’espace universitaire est soumis au respect du principe de laïcité inscrit dans la Constitution et le Code de l’éducation », tout en assurant qu’elle comprend « les aspirations à la reconnaissance culturelle des étudiants de toutes confessions ».

Une position d’équilibriste qui ne calme personne. D’un côté, les défenseurs d’une laïcité stricte dénoncent une compromission. De l’autre, les étudiants mobilisés dénoncent un pouvoir « islamophobe et autoritaire ».

La situation dégénère. Le 28 mars, une trentaine d’étudiants bloquent l’entrée du campus. Des tables renversées, des accès bloqués, des slogans criés dans les couloirs. L’université est paralysée. Des cours sont annulés. Le climat devient irrespirable.

Un climat de peur et de silence

Dans les jours qui suivent, Étienne R. cesse d’apparaître dans les amphithéâtres. Certains collègues lui expriment leur soutien discrètement, d’autres se murent dans un silence craintif. Une enseignante, sous couvert d’anonymat, confie :

« C’est devenu impossible de parler. Soit vous êtes accusé d’être complice d’une islamophobie systémique, soit d’être laxiste face à l’entrisme religieux. Personne ne veut se brûler. »

Le professeur porte plainte pour menaces. Il est placé sous protection rapprochée par mesure préventive. Une cellule psychologique est discrètement proposée aux enseignants du département de philosophie.

Entre instrumentalisation politique et fracture générationnelle

L’affaire prend une dimension nationale. Des responsables politiques s’en emparent. À droite comme à gauche, chacun y voit un symbole. Pour certains, c’est la preuve d’une dérive communautariste dans les universités. Pour d’autres, c’est un exemple de racisme structurel maquillé sous la bannière de la laïcité.

Mais dans les couloirs de Lyon 2, les étudiants sont divisés. Inès, 22 ans, étudiante en sociologie, soutient le professeur :

« On peut être musulmane pratiquante et comprendre que la fac n’est pas le lieu pour organiser une rupture de jeûne institutionnelle. Ce n’est pas un rejet, c’est une séparation nécessaire entre le spirituel et le savoir. »

À l’inverse, Sami, 21 ans, membre du collectif étudiant, dénonce :

« C’est toujours contre nous que la laïcité est utilisée. Quand c’est Noël, personne ne s’indigne des sapins dans les halls. Mais dès qu’il s’agit de l’islam, tout devient subversif. »

Et maintenant ?

L’Université de Lyon 2 est aujourd’hui face à une crise d’identité. Entre liberté d’expression, neutralité religieuse et revendications identitaires, le campus se transforme en champ de bataille symbolique.

Le professeur Étienne R., bien qu’encore fonctionnaire, songe sérieusement à demander sa mutation. Il confie à ses proches :

« Ce qui m’a le plus blessé, ce n’est pas la violence des slogans, mais le silence de ceux que j’ai formés. Le fait qu’aucune voix ne s’élève pour dire que la laïcité n’est pas une haine, mais une protection. »

Emma-Lou, à l’origine de cette question, lit aujourd’hui ces lignes avec émotion. Peut-être qu’elle aussi, demain, devra se battre pour pouvoir penser librement, enseigner librement, vivre librement, dans une République qui peine à tracer la frontière entre inclusion et instrumentalisation.

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