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Un député NFP appelle à ne plus utiliser l’expression « travail au noir » sous prétexte de racisme

POLITIQUE

La langue française, riche et nuancée, évolue continuellement sous l’influence de ses locuteurs, des cultures et des idéologies qui l’entourent. Mais certains mots ou expressions, bien que souvent ancrés dans l’histoire, sont de plus en plus remis en question. C’est notamment le cas de l’expression « travail au noir », aujourd’hui au centre d’un débat qui soulève une question de taille : Notre langue serait-elle parfois source d’injustice ? C’est ce que soutient Frédéric Maillot, député de La Réunion et membre de la Gauche Démocrate et Républicaine (GDR), qui milite pour l’abandon de ce terme qu’il estime connoté de manière péjorative. Lors des débats budgétaires à l’Assemblée Nationale, Maillot a interpellé ses collègues pour proposer une nouvelle approche linguistique visant à expurger certaines expressions de leurs connotations négatives. Retour sur cette prise de position qui n’a pas manqué de susciter de vives réactions.

L’appel de Frédéric Maillot : Bannir les termes à connotation négative

Un débat inattendu en plein projet de loi de finances
En pleine discussion du projet de loi de finances pour 2025, alors que les députés échangent avec ardeur sur les mesures économiques et sociales, Frédéric Maillot décide de saisir l’occasion pour proposer une réflexion sur le langage employé. D’emblée, son intervention surprend : L’élu de La Réunion appelle à ne plus utiliser l’expression « travail au noir » et propose de la remplacer par « travail dissimulé », un terme qu’il juge neutre et dénué de tout sous-entendu négatif. Selon lui, le terme « au noir » véhicule une image négative qui, en raison de l’usage du mot « noir », pourrait être perçue comme raciste.

Pour justifier son choix, Maillot se lance dans un rappel historique et linguistique de plusieurs expressions françaises, qui, à ses yeux, associent systématiquement le terme « noir » à quelque chose de nuisible ou de défavorable. Loin de se cantonner au seul « travail au noir », il met également en lumière des expressions telles que « liste noire », « mouton noir » ou encore « broyer du noir », autant de formules qui, selon lui, façonnent inconsciemment les perceptions des citoyens et nourrissent des stéréotypes.

Une expression aux origines historiques

L’origine de « travail au noir » : un terme ancré dans le Moyen Âge
Bien avant de revêtir une éventuelle connotation raciale, l’expression « travail au noir » trouve ses racines dans le Moyen Âge. À cette époque, la réglementation imposait de ne pas travailler la nuit pour des raisons de sécurité. Cependant, certains artisans contournaient cette règle en continuant leur activité à la lueur d’une bougie. Le travail effectué « dans l’ombre » ou « dans le noir » désignait alors une activité discrète, voire illégale. Ce terme a traversé les siècles pour aujourd’hui qualifier toute activité professionnelle non déclarée, échappant ainsi aux obligations fiscales et sociales.

En évoquant cet aspect historique, de nombreux députés contestent l’argumentation de Maillot, estimant qu’il serait plus pertinent de sensibiliser le public au sens historique de ces expressions plutôt que de les bannir. Cependant, pour Maillot, l’évolution des mentalités et des enjeux sociétaux appelle une mise à jour de notre vocabulaire pour le rendre plus inclusif.

Le débat de fond : Racisme linguistique ou protection de la langue ?

Des réactions partagées au sein de l’Assemblée
Les propos de Frédéric Maillot divisent l’Hémicycle. Certains élus partagent son opinion, estimant que le langage joue un rôle essentiel dans la construction de nos représentations mentales et que, par conséquent, un usage plus neutre pourrait influencer positivement les perceptions culturelles. D’autres, en revanche, jugent cette demande excessive, arguant que le terme « travail au noir » n’a, dans ce contexte, aucune visée raciste et que ce changement de langage pourrait mener à une perte de richesse lexicale.

Pour Nadège Abomangoli, députée de La France Insoumise et vice-présidente de séance ce jour-là, ce débat soulève un enjeu plus large : Faut-il adapter notre vocabulaire en fonction des sensibilités sociétales actuelles ? La députée met en avant l’importance de respecter l’histoire de la langue tout en s’adaptant aux nouveaux défis sociétaux, reconnaissant cependant que ce sujet mérite une réflexion approfondie. Mais d’autres dans l’Assemblée estiment qu’il s’agit là d’un débat périphérique aux priorités budgétaires du moment.

Racisme linguistique : un concept en évolution
Le terme « racisme linguistique » fait référence aux préjugés ou aux discriminations véhiculés par la langue. Pour ses défenseurs, comme Frédéric Maillot, il est impératif de repenser le langage, car des mots ou expressions ayant une connotation négative peuvent indirectement renforcer des biais raciaux. Si certains contestent cette analyse, estimant que les mots n’ont de sens que celui qu’on leur donne, les partisans d’une réforme linguistique jugent que le choix des mots influence les attitudes, qu’on le veuille ou non.

Expressions de couleur et perception culturelle : Jusqu’où aller ?

Quid des expressions comme « liste noire » ou « broyer du noir » ?
Dans la suite de son intervention, Frédéric Maillot élargit le débat en évoquant d’autres expressions associant la couleur noire à une connotation défavorable : « liste noire », « mouton noir », « broyer du noir »… Des expressions qui, dans l’usage courant, désignent souvent des états de malaise, des personnes mises à l’écart ou des situations complexes. À cet égard, Maillot propose que les institutions, notamment éducatives, jouent un rôle dans l’enseignement de ces expressions en expliquant leur origine et leur contexte historique, tout en envisageant des alternatives linguistiques.

Pour beaucoup de ses collègues, cette remise en question des expressions populaires, bien qu’idéologique, ne semble pas encore prête à se concrétiser. D’autres estiment que l’abandon progressif de ces termes pourrait influencer favorablement les générations futures, qui se détacheraient alors des connotations négatives associées à certaines couleurs.

L’impact sociétal de ce débat linguistique

Le poids des mots dans la société : un enjeu de diversité culturelle
Au-delà du seul débat parlementaire, l’intervention de Frédéric Maillot résonne auprès d’une partie de la population sensible aux questions de diversité culturelle et d’inclusion. Dans un contexte où la société s’interroge de plus en plus sur les biais inconscients, le choix des mots est devenu un vecteur de changement pour certains. En bannissant certaines expressions, l’objectif serait de désamorcer les représentations négatives inconsciemment intégrées au fil du temps.

Vers une évolution de la langue française ?
La langue française, comme toutes les langues vivantes, est sujette à une évolution constante. Les expressions et les termes qui hier étaient anodins peuvent aujourd’hui être perçus comme inappropriés. Certains linguistes estiment que cette évolution fait partie de la nature même de la langue, tandis que d’autres craignent une perte de sens ou de nuances. Mais les initiatives comme celle de Maillot soulèvent une question essentielle : Dans quelle mesure notre langue devrait-elle être adaptée aux changements culturels et sociétaux ?

Le débat, entre tradition et modernité

Le plaidoyer de Frédéric Maillot pour un langage plus inclusif dans les institutions publiques reflète une évolution des mentalités et une attention accrue aux valeurs sociétales. Bien que le terme « travail au noir » demeure largement utilisé et que son origine historique soit bien établie, l’élu de La Réunion ouvre un débat sur la manière dont nous voulons représenter les choses dans le futur.

Au-delà de ce simple mot, c’est une réflexion de fond qui émerge sur l’importance des mots et leur impact dans notre société. Si certains continuent de défendre l’usage des termes traditionnels, d’autres, comme Maillot, soutiennent que le progrès linguistique est un levier vers une société plus inclusive. Cette discussion, bien qu’encore en balbutiements, marque un tournant dans notre approche de la langue, entre préservation de l’héritage et adaptation aux valeurs contemporaines.

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