Léonie : « Après avoir entendu parler des bienfaits de la semaine de quatre jours, je suis fascinée par l’idée de concilier mieux-être au travail et productivité. Mais je me demande, est-ce que ce modèle est réellement viable pour toutes les entreprises, ou y a-t-il des risques insoupçonnés ? Comment une initiative aussi séduisante peut-elle conduire à la liquidation d’une société en si peu de temps ? »

Une organisation de travail révolutionnaire… mais risquée
La semaine de 4 jours, synonyme d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle, est une idée qui séduit de plus en plus d’actifs et d’entreprises. Pourtant, comme le montre le témoignage poignant de Julien Le Corre dans son livre Jour Off, cette organisation du travail peut conduire à des échecs retentissants. Dans son agence de communication YZ, cette initiative ambitieuse a été mise en place pour ses 20 salariés, mais elle a fini par entraîner la liquidation de l’entreprise en moins de 18 mois.
Un projet né dans un contexte de crise
C’est en pleine pandémie de Covid-19, alors que le télétravail devenait la norme, que Julien Le Corre décide de franchir le pas. Convaincu des avantages potentiels de la semaine de 4 jours, il voulait offrir à ses employés une nouvelle manière de concilier leurs vies personnelle et professionnelle. Un vendredi sans travail pour tous, tout en conservant les salaires inchangés, devait symboliser un renouveau dans la culture d’entreprise. Mais cette transition, bien que prometteuse sur le papier, a rapidement révélé des failles organisationnelles.
Une mise en place trop rapide
L’un des premiers constats de Julien Le Corre est la précipitation avec laquelle cette transition a été réalisée. En novembre 2020, la décision est actée sans période de test suffisante ni étude approfondie des impacts à long terme. De plus, le choix de sanctuariser le vendredi comme jour de repos a complexifié les relations avec les clients, qui, eux, continuaient de travailler cinq jours par semaine. Cette rigidité a réduit la flexibilité des équipes face aux urgences, générant des tensions internes et une frustration croissante.
Des effets pervers inattendus
Malgré une hausse initiale de la satisfaction des salariés, les bénéfices promis n’ont pas duré. La semaine de 4 jours a rapidement montré ses limites :
- Perte de clients : La disponibilité réduite des équipes a ralenti la réponse aux demandes des clients, entraînant des désengagements.
- Diminution de la cohésion : Des conflits internes sont apparus lorsque certains salariés devaient travailler le vendredi pour répondre à des urgences, alors que d’autres restaient en repos.
- Effondrement de la productivité : Contrairement aux attentes, la productivité n’a pas compensé la réduction du temps de travail, creusant un écart croissant avec les concurrents.
Une spirale descendante
Malgré quelques recrutements et une croissance timide en 2021, les problèmes se sont accumulés. En juillet 2022, la situation devient critique : Les clients quittent l’agence, les projets se raréfient, et la trésorerie fond à vue d’œil. Bien que la semaine de 4 jours soit suspendue à l’été 2022, les dommages sont déjà irréversibles. En octobre 2023, YZ est placée en liquidation judiciaire.
Les leçons de l’échec
Dans Jour Off, Julien Le Corre ne cherche pas à discréditer la semaine de 4 jours mais à en tirer des enseignements. Voici les erreurs qu’il identifie :
- Manque de préparation : Une étude préalable approfondie et une période de test auraient permis d’évaluer les impacts réels.
- Rigidité organisationnelle : La sanctuarisation d’un jour de repos commun a compliqué les relations clients et internes.
- Absence de plan de crise : Aucune solution de repli n’a été prévue en cas d’échec.
- Manque de communication : Les tensions internes auraient pu être évitées avec un meilleur dialogue et des ajustements progressifs.
Réinventer le travail : Une utopie encore réalisable ?
Malgré cet échec, Julien Le Corre reste convaincu que l’avenir du travail passe par des modèles alternatifs. Il plaide pour une approche plus souple et personnalisée, où les besoins des salariés, des clients et des entreprises sont mieux équilibrés. Plutôt que d’imposer une semaine de 4 jours rigide, il suggère des solutions hybrides, comme le choix individuel des jours de repos, des outils collaboratifs améliorés, et une meilleure gestion des priorités.
Les leçons pour les entreprises tentées par la semaine de 4 jours
L’histoire de Julien Le Corre met en lumière les défis que pose cette organisation révolutionnaire. Si la semaine de 4 jours peut être un levier d’attractivité et de bien-être, elle nécessite une préparation rigoureuse, une flexibilité accrue et une adaptation constante aux réalités du marché.
Alors, la semaine de 4 jours : Utopie ou avenir du travail ? La réponse dépendra de la capacité des entreprises à tirer parti des succès comme des échecs, pour construire un modèle pérenne.