Loi Duplomb : analyse complète d’un texte controversé qui soulève une vague inédite de mobilisation en France.

Loi Duplomb : Pourquoi cette loi agricole fait scandale et mobilise plus d’1,6 million de Français ?

POLITIQUE

Dans les travées silencieuses du Palais du Luxembourg, une loi semblait d’abord passer inaperçue. Son nom ? Duplomb. Un nom discret, presque anodin. Et pourtant, ce 8 juillet 2025, c’est bien elle qui a mis le feu aux poudres. En apparence, il ne s’agissait que de « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Une promesse de simplification, un retour au bon sens paysan… Mais dans les lignes techniques du texte porté par le sénateur Laurent Duplomb (Les Républicains), certains y ont lu une tout autre réalité : Un feu vert donné à l’agriculture intensive, au détriment de la santé publique, de la biodiversité et de l’indépendance scientifique.

Le choc fut immédiat. Des milliers de citoyens, ONG, scientifiques, apiculteurs et écologistes ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme un retour en arrière écologique, une loi permissive, dangereuse, et maquillée sous les atours d’un texte de simplification administrative.

Une loi au nom de la ruralité… mais au profit de qui ?

Le texte, déposé au Sénat par Laurent Duplomb, agriculteur de métier, et Franck Menonville (UDI), se voulait pragmatique. Il devait offrir un nouveau souffle à des exploitations asphyxiées par les normes, les délais, les interdictions successives. Mais très vite, certains articles ont fait frémir.

D’abord, la possibilité de réintroduire des pesticides néonicotinoïdes, pourtant interdits depuis 2018 en raison de leur lien avéré avec l’effondrement des colonies d’abeilles. Ensuite, la requalification des projets de méga-bassines comme “d’intérêt général”, leur garantissant un passage administratif accéléré. Et surtout, la transformation de l’Office français de la biodiversité (OFB) en simple organe exécutif, soumis au contrôle du préfet, réduisant considérablement son indépendance.

Enfin, l’ANSES, l’agence sanitaire française, voit son pouvoir d’avis restreint : Désormais, elle devra obligatoirement s’appuyer sur une liste d’usages agricoles prédéfinie par le ministère. Autrement dit, le politique reprend la main sur le scientifique.

Une réaction citoyenne fulgurante : La pétition aux 1,6 million de voix

C’est une pétition lancée discrètement, sur le site officiel de l’Assemblée Nationale, par quelques militants de la protection des pollinisateurs. Elle ne devait être qu’un signal symbolique. Mais en à peine dix jours, elle dépasse les 1,6 million de signatures. Un record historique. Des associations comme POLLINISGreenpeaceFrance Nature Environnement, des artistes, des scientifiques, des agriculteurs bio… tous relaient le message.

Dans les écoles d’agronomie, les réseaux de jeunes écolos, les forums citoyens, une phrase revient en boucle :

« C’est la loi la plus dangereuse de ces dix dernières années. »

Face à cet emballement, la droite sénatoriale contre-attaque. Laurent Duplomb monte au créneau. Il accuse la gauche et les ONG de désinformation, de manipulation, de récupération politique. Il déclare dans un entretien :

« Cette pétition est instrumentalisée pour forcer la main au Conseil constitutionnel. Ce n’est plus un débat, c’est une guerre d’image. »

Mais la machine citoyenne est déjà en marche. Et elle ne s’arrête pas aux mots.

Un texte contesté jusque dans l’hémicycle

Le 10 juillet 2025, des députés écologistes, socialistes et insoumis déposent un recours devant le Conseil constitutionnel. Ils s’appuient sur le principe de non-régression du droit environnemental, inscrit dans le droit français depuis la loi Biodiversité de 2016. Ils dénoncent également une atteinte au rôle des agences sanitaires indépendantes, ainsi qu’une incompatibilité avec les engagements climatiques de la France.

Au cœur du recours : La question de la réintroduction du flupyradifurone et de l’acétamipride, deux molécules suspectées d’être des « tueuses silencieuses » d’insectes et de pollinisateurs. Pour certains scientifiques, leur usage généralisé équivaut à une bombe à retardement écologique.

Les agriculteurs divisés

Si une partie du monde agricole a salué ce texte, d’autres voix se sont élevées dans la profession. Des agriculteurs en biodynamie, des éleveurs AOP, et même des coopératives dénoncent une politique à courte vue, qui sacrifie la durabilité à la rentabilité immédiate.

« Cette loi, ce n’est pas pour les paysans. C’est pour les géants de l’agro-industrie », glisse un exploitant de la Drôme, proche de la Confédération paysanne.

Une rentrée à haut risque pour le gouvernement

Le seuil des 500 000 signatures ayant été franchi, la Conférence des présidents de l’Assemblée devra décider avant le 16 septembre 2025 s’il faut organiser un débat public en séance. Emmanuel Macron, déjà fragilisé par les tensions agricoles du début d’année, surveille cette affaire de très près.

Dans les coulisses de l’Élysée, certains conseillers redoutent que la loi Duplomb ne devienne le point de cristallisation d’un malaise rural-urbain, d’un écart croissant entre la science et la politique, entre les citoyens et ceux censés les représenter.

Une fracture écologique, politique et démocratique

La loi Duplomb est bien plus qu’un texte technique. Elle est devenue le symbole d’un clivage profond : Celui entre deux visions du monde.

D’un côté, une agriculture industrielle, portée par une partie de la droite sénatoriale, qui réclame efficacité, rendement, et allègement des normes. De l’autre, une société civile de plus en plus sensibilisée aux enjeux climatiques, qui refuse de sacrifier les abeilles, les eaux souterraines et les agences indépendantes sur l’autel de la compétitivité.

Quand une loi agricole ravive le combat écologique et redonne la parole à une France silencieuse mais vigilante

L’affaire Duplomb n’en est qu’à ses débuts. Ce qui n’était au départ qu’un article de loi parmi d’autres s’est transformé en réveil démocratique. Des millions de Français, souvent silencieux, se sont exprimés d’une même voix.

Une voix qui dit : « L’environnement n’est pas négociable. »

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