Élodie : « Est-ce qu’on peut vraiment parler de vacances élégantes quand certains se promènent torse nu dans les ruelles, entre deux glaces à la vanille ? »
200 ans d’élégance balayés par un slip ? La colère (raffinée) du maire des Sables-d’Olonne
Les Sables-d’Olonne, juillet 2025. Le soleil tape fort sur les pavés clairs, les goélands survolent nonchalamment la plage, et les rires des vacanciers résonnent entre les murs blancs du remblai. La carte postale est parfaite… ou presque. Car derrière cette scène estivale typiquement vendéenne, une grogne sourde monte. Pas celle des touristes, non. Mais celle du maire, Yannick Moreau, qui ne décolère pas.
Il faut dire que le spectacle qui s’offre à lui chaque été n’a plus grand-chose à voir avec le raffinement qui a longtemps fait la réputation de la ville. Des hommes torse nu, le maillot encore humide, parfois même en slip de bain, arpentent sans complexe les ruelles pavées, côtoient les terrasses, font la queue chez le glacier, ou déambulent à vélo entre la mairie et le marché couvert. Un manque de tenue que l’édile n’a pas l’intention de laisser passer cette année.
Quand l’élégance sablaise devient un combat de civilisation
2025 marque un anniversaire symbolique : les 200 ans de l’élégance sablaise. Une tradition qui remonte au XIXe siècle, lorsque Les Sables-d’Olonne se hissaient au rang des stations balnéaires les plus prisées de France. On y venait pour se montrer, pour flâner chapeau de paille à la main, robe blanche flottant dans la brise, pour voir et être vu.
Mais aujourd’hui, en pleine saison estivale, la ville passe de 45 000 habitants à plus de 280 000. Et avec cet afflux viennent aussi des comportements que le maire juge déplacés : Le torse nu dans la rue, le slip de bain à la supérette, le short trempé sur les chaises des restaurants.
Alors, Yannick Moreau a décidé de frapper fort. Et avec humour.
Une campagne d’affichage savoureuse (mais sérieuse)
Sur les murs de la ville, de nouvelles affiches ont fleuri, signées du collectif Polpino, connu pour ses campagnes de sensibilisation un brin décalées mais toujours efficaces. On y lit :
« 200 ans d’élégance sablaise, ce n’est pas pour finir en slip dans nos ruelles. »
Le ton est donné. Entre ironie mordante et rappel à l’ordre, la mairie entend bien réconcilier respect des traditions et modernité touristique. Une manière de préserver l’identité sablaise, sans basculer dans le laxisme ou l’interdiction brutale.
Mais derrière les mots, il y a aussi des moyens.
150 € d’amende pour tenue inappropriée
Car oui, les policiers municipaux ont le droit de verbaliser. Un homme torse nu dans une zone piétonne ? 150 € d’amende. Un touriste en slip dans une ruelle commerçante ? Idem. La mairie ne plaisante plus.
Et pour muscler la présence sur le terrain, des CRS ont été déployés en renfort pour l’été. Le but n’est pas de réprimer, assure le maire, mais de dissuader. De faire comprendre qu’une ville touristique n’est pas une extension de la plage, qu’on y vit, qu’on y travaille, qu’on y cultive un art de vivre.
« Ce n’est pas Ibiza ici »
Interrogé par France Bleu, Yannick Moreau a résumé d’un trait sa pensée :
« Ce n’est pas Ibiza ici. On a une tradition d’élégance. Ce n’est pas pour finir en slip dans nos ruelles. »
Une déclaration qui a fait mouche, mais qui a aussi suscité des débats. Certains saluent cette tentative de réinstaurer un minimum de décence dans l’espace public. D’autres y voient une forme de snobisme ou de rigidité dans une époque où le confort prime souvent sur l’apparence.
Mais pour le maire, ce n’est pas une question de classe, c’est une question de respect : Respect de la ville, de ses habitants, de ses commerçants. Et surtout, respect de ce que Les Sables-d’Olonne ont été, sont, et veulent rester.
Une ville entre tradition et modernité
La démarche ne sort pas de nulle part. Depuis plusieurs années, la mairie mise sur la communication positive mais ferme. Déjà en 2019, les personnages fictifs comme Gisèle Caniveau ou Robert Poilodeau invitaient à plus de civisme dans l’espace public, toujours avec humour. Cette année, la tonalité est un peu plus tranchée, car le ras-le-bol est réel.
Les restaurateurs se plaignent des sièges trempés, les commerçants des clients torse nu, les riverains des cris en pleine nuit. Et au milieu de tout cela, la ville essaie de ne pas perdre son âme.
Et les vacanciers, dans tout ça ?
Pour beaucoup, cette campagne est plutôt bien reçue. Sur les réseaux sociaux, plusieurs habitants applaudissent l’initiative. « Enfin ! », écrivent certains. « Ce n’est pas la plage ici, c’est le centre-ville », rappellent d’autres.
Même certains touristes comprennent. Une vacancière interrogée sur le remblai lâche :
« J’adore cette ville. Et c’est justement parce qu’elle est belle et élégante qu’il faut faire attention. Moi aussi je mets un tee-shirt quand je quitte la plage. C’est pas la mer à boire. »
L’élégance, une affaire collective
La campagne du maire Moreau n’est pas une lubie passagère. Elle s’inscrit dans une vision à long terme : Conserver ce qui fait le charme des Sables-d’Olonne, tout en accueillant des millions de visiteurs chaque année. La tenue vestimentaire n’est qu’un symbole, mais un symbole fort.
Dans une époque où les repères s’estompent, où les codes se diluent, où tout est permis au nom de la liberté, rappeler que le respect des lieux passe aussi par la manière dont on s’y présente, c’est un acte politique. Et poétique, à sa manière.
Le maire a sans doute fait un arrêté municipal (je ne trouve pas de trace) car jusqu’en 1994, se promener torse nu était interdit par l’article 330 de l’ancien Code pénal de 1810 qui prohibait « l’outrage public à la pudeur », lequel était passible de 2 ans de prison et de 15 000 francs d’amende maximum. Mais le nouveau Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, a supprimé ce délit donc sans cet arrêté, la campagne d’affichage n’a aucune valeur.