L’affaire de Villeurbanne met en lumière un paradoxe judiciaire : certaines convictions semblent mieux protégées que d’autres.

En France, on ne peut pas brûler un Coran… mais on peut brûler une Bible : Deux poids, deux mesures ?

SOCIETE

Villeurbanne, juin 2025. Un jeune homme de 27 ans, frêle silhouette sous la lumière blafarde d’un lampadaire, se tient face à la mosquée Errahma. Dans ses mains, un livre — qu’il ne lit pas, mais qu’il observe fixement, comme s’il affrontait un monument. Ce livre, c’est le Coran. Et dans un geste aussi brutal que symbolique, il le jette au sol et y met le feu. La scène, filmée et partagée, provoque un tollé immédiat.

Interpellé rapidement, il est jugé en comparution immédiate. Le verdict tombe comme une lame : Un an de prison ferme, dont trois mois avec sursis, et deux ans d’interdiction de paraître à Villeurbanne. Le chef d’accusation est clair : « dégradation commise en raison de la religion d’autrui« .

La presse relaye sobrement la décision, soulignant l’état mental de l’accusé, sous curatelle renforcée depuis deux ans. La justice, elle, se veut exemplaire.

Mais une question jaillit presque aussitôt des tréfonds du débat public : Qu’aurait-il risqué s’il avait brûlé une Bible ? Ou une Torah ?

Quand brûler un livre devient un crime… ou non

En France, le blasphème n’est pas un délit. C’est une constante juridique depuis la Révolution française et la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Pourtant, les jugements en matière de provocations à caractère religieux varient. Ce n’est pas le livre lui-même qu’on protège, mais l’intention derrière l’acte : Trouble à l’ordre public, incitation à la haine, stigmatisation d’un groupe.

Ainsi, brûler un Coran devant une mosquée peut être jugé comme un acte d’incitation à la haine religieuse, un outrage collectif à la foi musulmane. Mais qu’en est-il des autres textes sacrés ?

En 2014, à Rennes, un homme avait brûlé une Bible sur la voie publique pour protester contre une décision de justice. L’affaire fut classée sans suite. À Paris, une performance artistique avait mis en scène la destruction d’une Bible. Pas de plainte. Pas de prison.

Et lorsqu’un « Jésus en slip rose » avait été cloué sur une croix géante en plastique dans une galerie d’art à Avignon, c’est au nom de la liberté artistique que les juges avaient tranché.

Des jurisprudences à géométrie variable

La justice française se défend de toute partialité. Mais dans les faits, les décisions varient selon la religion visée. L’islam semble bénéficier d’une forme de protection judiciaire accrue, au nom de la paix sociale et de la sensibilité communautaire.

Certains magistrats le reconnaissent à demi-mot : « Nous devons prévenir les risques de troubles à l’ordre public. Une provocation contre l’islam peut mettre un quartier entier à feu et à sang, ce n’est pas le cas avec le christianisme. »

Ce raisonnement, pragmatique, heurte les principes républicains : La justice ne devrait-elle pas traiter également toutes les convictions religieuses ?

Une condamnation qui dérange

Le cas de Villeurbanne a choqué de nombreux observateurs. Sur les réseaux sociaux, les réactions fusent : « Et si ça avait été une Bible ? Il aurait eu un prix d’art contemporain ? » écrit un internaute.

D’autres s’interrogent sur l’état mental de l’auteur : Comment concilier trouble psychiatrique et peine ferme ? Le parquet a reconnu sa schizophrénie paranoïde, mais a malgré tout plaidé pour la prison.

Au final, l’homme a été incarcéré, là où tant d’autres auteurs de faits plus graves obtiennent des aménagements.

Les religions ne sont pas toutes égales face à la provocation

En 2012, Charlie Hebdo avait caricaturé Mahomet, provoquant des émeutes dans le monde musulman. En 2015, la rédaction paya de son sang cette liberté.

Depuis, la société française semble marcher sur des œufs. La satire chrétienne est tolérée, la critique de l’islam beaucoup moins. Une forme d’autocensure s’installe peu à peu, même au sommet de l’État.

Les décisions de justice reflètent ce climat. On ne condamne plus en fonction du geste, mais de ses conséquences possibles sur l’ordre public.

Et maintenant ?

L’affaire de Villeurbanne soulève une interrogation plus large : La France peut-elle encore garantir une véritable égalité de traitement entre les croyances ? Ou a-t-elle cédé, sans le dire, à une logique de paix civile qui justifie toutes les différences ?

En 2025, brûler un Coran vous conduit en prison. Brûler une Bible, non. La République, jadis sourde aux religions, semble désormais les hiérarchiser.

Et cette hiérarchie, sournoise, dessine en creux un futur inquiétant où le respect de la loi dépendra du nom du prophète visé.

1 thought on “En France, on ne peut pas brûler un Coran… mais on peut brûler une Bible : Deux poids, deux mesures ?

  1. Je ne suis ni religieux, ni pratiquant. Je crois au respect de chacun, à la liberté d’expression, et surtout à l’égalité devant la loi. Et là, franchement, j’ai l’impression qu’on se moque de nous.

    Quand j’ai lu qu’un homme avait été condamné à un an de prison ferme pour avoir brûlé un Coran, j’ai cru que c’était une blague. Évidemment que ce n’est pas un geste anodin. Bien sûr que c’est provocateur. Mais depuis quand on envoie quelqu’un en prison pour avoir brûlé un livre, aussi sacré soit-il ?

    Et ce qui me choque le plus, c’est que si ça avait été une Bible, personne n’en aurait parlé. Je me souviens très bien d’un happening en plein Paris, y’a quelques années, où une artiste avait brûlé des pages de la Bible devant tout le monde. Aucune plainte. Aucun procès. Aucun ministre ne s’était indigné.

    Alors quoi ? On protège une religion plus que les autres maintenant ? On juge en fonction de la foi des gens et pas en fonction des actes ? On peut brûler la croix mais pas le croissant ?

    Je ne défends pas le mec qui a fait ça. Mais je défends le principe d’égalité. Si demain on envoie quelqu’un en taule pour avoir insulté Mahomet, alors il faut faire la même chose pour ceux qui insultent Jésus ou Moïse. Sinon, ce n’est plus la République, c’est une préférence religieuse camouflée sous une robe de magistrat.

    Et moi, ça, je ne l’accepte pas.

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