« Sophie se demande, paisiblement allongée dans le silence crépusculaire de sa chambre ouverte sur le clocher : Et si, pour mieux vivre les nuits d’été, les cloches se taisaient de juin à septembre ? »
Sous le clair de lune d’un été savoyard, lorsque le silence de la campagne se mêle au parfum des foins fraîchement coupés, Mésigny se dresse comme un petit joyau rural. Les nuits y sont tièdes, les fenêtres s’ouvrent grand pour accueillir la brise… mais aussi les tintements réguliers des cloches de l’église Saint-Denis.
Isabelle, sexagénaire installée dans le village depuis un an et demi, redoute ce moment. Elle aime la vie à la campagne, le rythme apaisant des saisons… mais son sommeil, lui, est brisé toutes les demi-heures par la sonnerie du clocher. Elle imagine alors une idée simple : offrir aux habitants une trêve estivale nocturne, de juin à septembre, afin de préserver les nuits chaudes et paisibles, sans pour autant bannir définitivement les cloches.
Ce souhait, apparemment anodin, devient rapidement un sujet brûlant.
Pour Jean-Paul, quinquagénaire enraciné dans les traditions, il n’en est pas question : « Si les cloches les dérangent à la campagne, qu’ils restent en ville ! » s’exclame-t-il, campé devant l’église. Pour lui et beaucoup d’autres, ces sonneries ne sont pas de simples bruits : Elles rythment la vie du village, marquent les heures, rassurent et rappellent des souvenirs d’enfance.
Une voisine, plus modérée, estime au contraire qu’une pause nocturne en été pourrait être un compromis acceptable. Le débat enfle dans les rues, sur la place, jusque dans les cuisines où l’on sert le café du matin. Chacun y va de son expérience : Pour les anciens, les cloches sont sacrées, pour certains nouveaux habitants, elles sont une nuisance.
En avril 2025, lors d’une séance municipale, la proposition d’Isabelle est soumise au vote. Le verdict est sans appel : Rejet à l’unanimité. Les cloches continueront de sonner, jour et nuit. Cette décision provoque une réaction immédiate : Une pétition intitulée “Sauver les cloches de l’église Saint-Denis” est lancée et récolte plus de 9 000 signatures en quelques jours. Les soutiens affluent de tout le département, et même d’autres régions, au nom de la défense du patrimoine sonore rural.
Le débat s’inscrit aussi dans un cadre légal. Depuis 2021, une loi protège le patrimoine sensoriel des campagnes : Chants de coqs, bêlements, cigales… et cloches d’église. Une modification législative intervenue en 2024 renforce encore cette protection en précisant que si le bruit existait avant l’installation d’un habitant, celui-ci ne peut en exiger la suppression. Or, Isabelle s’est installée après ces sonneries centenaires.
Juridiquement, sa cause semble donc compromise. Mais sur le plan humain, la discussion reste ouverte. Les défenseurs du silence invoquent la santé, le sommeil, la tranquillité. Les défenseurs des cloches parlent d’identité, de tradition et de cohésion villageoise. Entre les deux, une fracture douce mais bien réelle divise Mésigny.
En cet été 2025, le clocher continue de rythmer la nuit. Les uns y trouvent réconfort et poésie, les autres y entendent un obstacle au repos. Et dans ce petit village de Haute-Savoie, l’écho des cloches raconte désormais une histoire bien plus vaste : Celle de la difficile cohabitation entre traditions séculaires et modes de vie modernes.
👉 SOURCE : Article de 20 Minutes, du 14 août 2025.

Yann GOURIOU est rédacteur et responsable éditorial de MyJournal.fr. Passionné d’actualité, de société et de récits de vie, il signe chaque article avec une approche humaine, sensible et engagée. Installé en Bretagne, il développe un journalisme proche du terrain, accessible et profondément ancré dans le quotidien des Français.

La question ne devrait même pas être posée. Les cloches et le chant du coq sont des bruits dans nos villages. Ceux qui ne les tolèrent pas doivent simplement rester en ville avec le bruit des voitures, la pollution et autres.