Une ex‑ministre, une plainte, des mots qui dépassent la pensée : récit approfondi de l’affaire Noëlle Lenoir dans un cadre politique et judiciaire.

« Des millions d’Algériens peuvent sortir un couteau n’importe où » : Plainte de SOS Racisme contre l’ex-ministre Noëlle Lenoir

SOCIETE

Il faisait lourd sur le plateau de CNews ce jour-là. Les débats sur l’immigration et la sécurité se succédaient, chaque intervenant cherchant à marquer les esprits. Noëlle Lenoir, ancienne ministre des Affaires européennes sous Jacques Chirac et ex-membre du Conseil Constitutionnel, prend la parole. La phrase qui sort de sa bouche va immédiatement enflammer le débat public :

« Des millions d’Algériens peuvent sortir un couteau dans le métro, dans une gare, dans la rue, n’importe où… »

Le silence qui suit est plus pesant que les mots eux-mêmes. Très vite, l’indignation monte. Les réseaux sociaux s’embrasent, les associations réagissent. SOS Racisme, par la voix de son président, annonce le dépôt d’une plainte pour injure publique à raison de l’origine, considérant que les propos stigmatisent une population entière.

Face à la tempête, Noëlle Lenoir tente de rectifier : Il fallait comprendre “des milliers”, et non “des millions”. Mais elle précise aussitôt : “Je maintiens mes propos.” Pour elle, la nuance n’est pas dans l’accusation, mais dans l’ampleur numérique. Elle assure viser uniquement une “minorité frappée d’OQTF” — ces Obligations de Quitter le Territoire Français — et non l’ensemble de la communauté algérienne, qu’elle décrit comme “vivant pacifiquement en France”.

L’affaire prend un tour judiciaire : La plainte de SOS Racisme est transmise au parquet de Paris. Mais ce n’est pas tout. Noëlle Lenoir affirme subir depuis ses déclarations un flot de menaces et d’injures, parfois à caractère antisémite et sexiste. Elle dépose elle aussi une plainte, cette fois pour cyberharcèlement. Son avocat, Francis Teitgen, indique qu’elle a été entendue par les enquêteurs.

En parallèle, le débat enfle dans l’espace médiatique. Certains défendent la liberté d’expression et dénoncent ce qu’ils perçoivent comme un procès d’intention, d’autres estiment que même corrigés, les propos véhiculent un préjugé dangereux. Les journalistes politiques rappellent que la polémique survient dans un contexte tendu : Le Conseil Constitutionnel venait tout juste de censurer certaines mesures du projet de loi immigration, notamment celles visant à expulser plus rapidement les étrangers en situation irrégulière.

Sur les plateaux télévisés, la formule “milliers, pas millions” devient un sujet en soi. Des éditorialistes y voient un exemple frappant de ces dérapages verbaux qui, corrigés ou non, laissent une empreinte indélébile dans l’opinion. Pour les associations antiracistes, ce type de discours participe à banaliser la suspicion envers une origine particulière. Pour ses soutiens, Noëlle Lenoir n’a fait que pointer un problème sécuritaire précis, mal formulé mais réel.

L’histoire se transforme en un affrontement symbolique : D’un côté, le droit de dénoncer un fait ou un phénomène, de l’autre, la nécessité de ne pas enfermer une communauté entière dans une image stigmatisante. Entre les deux, un mot de trop — ou plutôt un nombre mal choisi — a suffi à transformer une prise de position politique en affaire judiciaire.

En coulisses, la procédure suit son cours. Les deux plaintes, celle de SOS Racisme et celle de Noëlle Lenoir, sont désormais sur le bureau du parquet. L’enquête dira si les propos tombent sous le coup de la loi, et si les menaces qu’elle dit avoir reçues peuvent être poursuivies. Mais, quel que soit le verdict, cette séquence restera comme un exemple de la puissance — et du danger — des mots dans l’arène publique.

✅ SOURCE : Article de LaProvence.com, le 13 août 2025.

Laisser un commentaire