« Comment peut-on affirmer que la Chine n’est pas une dictature quand les dissidents, journalistes et minorités y sont réduits au silence ? »
L’air est encore chargé de la chaleur de la fin d’été lorsque les universités de La France Insoumise ouvrent leurs portes. Les couloirs résonnent de débats passionnés, les voix s’élèvent, les regards se croisent, et déjà, chacun sait qu’ici, chaque mot prononcé pourra provoquer un raz-de-marée politique. C’est dans ce climat de tension et de ferveur militante que Sophia Chikirou, députée LFI de Paris, s’avance pour répondre aux questions des journalistes.
Ce 5 septembre 2025, ses paroles, rapportées par 20 Minutes, allaient embraser la sphère médiatique française. Calme, droite, affirmée, elle déclare sans détour :
« Je ne considère pas que la Chine est une dictature. »
Une phrase, lourde de conséquences, qui ne tarde pas à se propager comme une traînée de poudre dans les rédactions et sur les réseaux sociaux.
Une volonté de nuancer le débat
Face à l’insistance des questions, Sophia Chikirou ne recule pas. Elle précise sa pensée : « La Chine est un système politique à parti dominant, qui est le Parti communiste chinois. Ce n’est même pas un système à parti unique. Il n’y a pas un seul homme qui dirige la Chine. »
Dans sa bouche, les mots résonnent comme une tentative d’analyse plus nuancée que le simple qualificatif de « dictature ». Elle reconnaît cependant une limite infranchissable : « La critique du Parti communiste chinois est impossible. Mais vous pouvez critiquer certaines mesures, des propositions politiques. »
Puis, comme pour ancrer son raisonnement dans une comparaison universelle, elle lâche une formule qui choque : « La liberté d’expression en Chine est aussi menacée, à mon avis, que celle qu’on a en France. »
Une déclaration qui bouleverse immédiatement la salle. Certains militants hochent la tête, d’autres s’étranglent presque. Le parallèle entre Pékin et Paris ne laisse personne indifférent.
La réaction immédiate de Raphaël Glucksmann
À peine l’écho des mots de Chikirou avait-il atteint les micros que Raphaël Glucksmann, eurodéputé Place publique, monte au créneau. Interrogé par France Info et cité par 20 Minutes, il exprime une indignation sans détour :
« Ces gens-là ne font plus la différence entre une dictature et une démocratie. Ils passent sous silence la déportation des Ouïghours, la répression à Hong Kong, la mise en prison de l’ensemble des dissidents. »
Et dans un trait ironique, il ajoute : « Peut-être que leur place n’est pas dans le rassemblement de gauche mais au rassemblement de Pékin, aux côtés de Poutine et Xi Jinping. »
Les mots claquent comme une gifle, réveillant brutalement la violence symbolique du débat.
Le contexte : Liberté de la presse en France et en Chine
Dans son argumentaire, Sophia Chikirou s’appuie sur un constat chiffré : Le classement 2025 de Reporters sans frontières. La France, malgré son statut de démocratie, n’y figure qu’à la 25ᵉ place. La Chine, elle, se situe bien plus bas, dans la zone rouge des pays où la liberté de la presse est jugée « très grave ».
Cette comparaison, que la députée brandit comme un miroir, est pourtant interprétée par ses opposants comme une relativisation dangereuse. Car si les médias français sont parfois critiqués pour leur proximité avec le pouvoir, en Chine, journalistes, opposants et défenseurs des droits humains risquent la prison, la torture ou la disparition.
Une polémique révélatrice
Le tumulte qui s’élève autour de Sophia Chikirou dépasse largement la question de la Chine. Il interroge la manière dont la gauche radicale française conçoit son rapport au monde, ses alliances, et son langage politique.
Pour ses soutiens, Chikirou tente d’ouvrir un espace de réflexion, de rompre avec la simplification binaire entre démocratie et dictature. Pour ses détracteurs, elle franchit une ligne rouge en minimisant l’autoritarisme du régime chinois.
Ce débat est aussi révélateur d’une fracture plus profonde : Celle d’une gauche française tiraillée entre critique des dérives occidentales et volonté de défendre les libertés fondamentales à l’échelle mondiale.
Une tempête politique qui laisse des traces
Les universités d’été de LFI auraient pu être un moment d’unité, de préparation aux prochaines batailles électorales. Mais ce jour-là, ce sont les propos de Sophia Chikirou qui occupent la scène. Le contraste est saisissant : Dans une atmosphère festive et militante, un mot, une phrase, suffisent à déplacer le centre de gravité d’un rassemblement politique.
Dans les heures qui suivent, les réseaux sociaux s’enflamment. Les partisans défendent sa nuance, les opposants la vouent aux gémonies. Le nom de Sophia Chikirou grimpe dans les tendances, et la polémique trouve un écho jusqu’aux rédactions internationales.
Un mot qui interroge la démocratie française
Derrière cette tempête médiatique, une question demeure : Pourquoi une élue française ressent-elle le besoin de comparer la France et la Chine en termes de liberté d’expression ?
Est-ce une stratégie pour dénoncer le recul démocratique en Europe ? Ou une erreur de communication, fruit d’un mot mal choisi ?
Quoi qu’il en soit, en citant explicitement que « la liberté d’expression est aussi menacée en France qu’en Chine », Sophia Chikirou a frappé un point sensible : L’orgueil national. La démocratie française, imparfaite mais réelle, n’aime pas être comparée à des régimes autoritaires.
Un débat qui ne fait que commencer
Les propos rapportés par 20 Minutes ne sont pas simplement une phrase malheureuse, ils ouvrent un débat brûlant : Qu’est-ce qu’une dictature ? Qu’est-ce qu’une démocratie imparfaite ? Jusqu’où peut-on critiquer son propre système politique sans paraître relativiser les dérives des autres ?
Sophia Chikirou a déclenché une tempête. Mais au-delà de la polémique, ses mots rappellent une chose essentielle : Dans la France de 2025, la liberté d’expression reste un sujet de débat… preuve qu’elle existe encore.

Yann GOURIOU est rédacteur et responsable éditorial de MyJournal.fr. Passionné d’actualité, de société et de récits de vie, il signe chaque article avec une approche humaine, sensible et engagée. Installé en Bretagne, il développe un journalisme proche du terrain, accessible et profondément ancré dans le quotidien des Français.
