Vue aérienne d’un établissement pénitentiaire moderne dans le Pas-de-Calais, entouré de barbelés et de miradors, symbole d’un régime carcéral ultra-sécurisé.

« Je parlais tout seul » : Le témoignage choc d’un ex-détenu du quartier de haute sécurité de Vendin-le-Vieil

SOCIETE

Intime et déstabilisant, ce témoignage d’un homme fraîchement libéré du quartier ultra-sécurisé du centre pénitentiaire de Vendin‑le‑Vieil dévoile les effets psychiques d’un enfermement extrême — entre solitude, paranoïa, et perte de repères.

Peu avant l’aube, à quelques encablures de la périphérie de Lens, le ciel du Pas-de-Calais se teinte d’un gris humide qui semble épouser les briques froides de l’enceinte du Centre pénitentiaire de Vendin‑le‑Vieil. Dans ce décor austère, un homme — que j’appellerai « Marc » par souci d’anonymat — a passé un temps que nul ne voudrait revivre : celui d’un séjour au sein d’un quartier de haute sécurité (QHS), dans un régime carcéral remis à neuf grâce à la loi contre le narcotrafic.

« Au début, je me disais que j’allais tenir. Après tout, j’avais déjà été incarcéré. Mais là… tout a été fait pour me changer. » Les mots de Marc sont posés, calmes, mais le tremblement dans la voix trahit ce que vendredi soir aucune cellule ne peut effacer : L’écho d’une détention extrême. Il se souvient des couloirs étroits, des miradors, mais surtout de ce moment où il a finalement commencé « à parler tout seul ».

Le quotidien distordu de l’isolement

Dans ce QHS, les règles sont simples et implacables : Marche en solitude, parloir derrière une vitre, communication réduite. L’intention ? Briser les réseaux de trafic, neutraliser les influences internes. Mais ce que souhaitent les autorités, c’est aussi un humain. Marc raconte comment l’absence de repères lui a fait perdre la trajectoire. « Le jour, puis la nuit, les mêmes pas. Puis je parlais à mon reflet. Puis j’ai parlé tout seul. Je me suis même dit que j’allais redevenir violent si ça continuait. »

Le ravage psychique invisible

Neuf semaines ont suffi. Pas de violence, pas d’émeute : mais une lente implosion intérieure. Marc évoque les insomnies, les voix dans la cellule, la sensation que « le temps est un ennemi silencieux ». Il tente de reconstruire, dehors, mais rien ne dépend plus de lui : « Les gens me parlent, mais j’entends encore l’écho des cellules. » Ce récit recoupe les constats récents : l’isolement prolongé, même sous étiquette « sécurité renforcée », génère anxiété, perte de repère spatio-temporelle, et parfois hostilité latente.

Une sortie libératrice… mais fragile

Quand Marc a franchi les portes pour la première fois, il s’est senti libre. Et perdu. « Personne ne m’avait préparé à ce que ça soit aussi dur dehors. » Il a rechigné à confier ce qu’il portait. Pourquoi ? Parce que reconnaître ce qu’il a vécu, c’est admettre que le système, parfois, crée ce qu’il prétend combattre. Il s’interroge : Et si on avait « cassé l’homme avant de le reconstruire » ?

Vers une réflexion collective sur le régime carcéral

Le cas de Vendin-le-Vieil interroge. Conçu pour lutter contre les trafics et les organisations criminelles, le régime de ce QHS assume un armement sécurisé mais doit aussi affronter ses conséquences humaines. Les avocats alertent : « Là-à-force j’ai envie de redevenir violent ». Quand l’isolement devient la règle, la ligne entre la sécurité et la souffrance mentale se fait mince.

Source : Le Parisien

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