Un employeur en blouse blanche discute sérieusement avec une salariée dans un cadre professionnel lumineux, document à la main.

Elle est licenciée pour avoir menti sur son CV… alors son patron est condamné

EMPLOI

Une histoire incroyable où un simple mensonge sur un CV finit par se retourner contre l’employeur. Une décision de justice qui fait réfléchir.

Depuis près de trois décennies, elle œuvrait dans l’ombre de l’officine, fidèle blouse blanche autour du cou, délivrant médicaments et conseils à la comptoir. Rien dans son quotidien ne laissait présager la controverse : Engagée en 1998 comme préparatrice en pharmacie, elle accomplit sa tâche avec sérieux, emmagasinant ans après ans l’expérience — et ce, sans jamais détenir le diplôme officiel requis par la réglementation.

Pourtant, cette longue carrière va chavirer en 2017 quand l’Agence régionale de santé (ARS) débarque pour un contrôle aléatoire dans l’officine, et demande les justificatifs de qualification de tout le personnel. Ne figure nulle part celui de la préparatrice. Deux courriers de l’employeur, datés du 22 décembre 2017 et du 17 janvier 2018, restent sans réponse. La mise à pied conservatoire est mise en œuvre, puis le licenciement pour faute grave est prononcé en février 2018.

L’employeur reproche à sa salariée un « mensonge » et un manquement à l’obligation de loyauté : Elle aurait occupé un poste réglementé sans diplôme, exposant l’officine à un risque pénal. Pour sa part, la salariée affirme n’avoir jamais caché sa situation : Elle vivait dans la conviction que sa titularisation se faisait « sous réserve d’agrément ». Le nouveau propriétaire de l’officine, lui, n’avait jamais vérifié le dossier après le rachat.

La bataille judiciaire commence. Le conseil de prud’hommes, en 2021, donne raison à la salariée et condamne l’employeur à lui verser plus de 34 800 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mais en 2023, la cour d’appel infirme et donne raison à l’employeur : Elle considère que la préparatrice « avait manqué à son obligation de loyauté », et maintient le licenciement.

C’est alors qu’intervient la doctrine protectrice du salarié : Le 26 mars 2025, la Cour de cassation (arrêt n° 23-21.414) tranche en faveur de la salariée. Elle rappelle que l’employeur qui poursuit une relation de travail pendant plusieurs années sans vérifier la qualification d’un salarié exerçant une profession réglementée ne peut pas se prévaloir de sa propre négligence pour reprocher à ce salarié une faute grave.

L’enjeu est important : Dans les professions réglementées comme celle de préparateur en pharmacie, l’article L. 4241-4 du Code de la santé publique impose que « peut exercer la profession … toute personne titulaire d’un diplôme, d’un certificat ou d’un titre délivré à l’issue d’une formation lui ayant permis d’acquérir les compétences nécessaires ».

Mais l’employeur n’est pas en reste de responsabilité : L’article R. 4235-15 du même code assigne au pharmacien de vérifier que ses assistants disposent bien des conditions requises.

En clair : La salariée a occupé un emploi sans diplôme — mais l’employeur a maintenu la relation de travail pendant des années sans contrôle, la faute, selon la Cour, ne peut produire le licenciement pour faute grave lorsqu’elle est directement liée à la négligence de l’employeur.

Pour les employeurs d’officines, la leçon est claire : Inspecter et archiver les diplômes et autorisations exigés dès l’embauche, ne pas le faire, c’est ouvrir la porte à des condamnations.

Pour la salariée, c’est une victoire après 27 ans de travail : La reconnaissance qu’elle ne peut être tenue pour seule responsable quand l’employeur a failli à ses obligations. L’affaire doit encore être rejugée en appel, mais la jurisprudence est posée. 

Source : MAÎTRE JÉRÉMY DUCLOS

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