Le metteur en scène Alil Vardar nie tout, mais les révélations de ses ex-collaboratrices dessinent un système de violences normalisées.

« Je le suçais… » : 20 femmes l’accusent, les témoignages s’accumulent contre cette star du théâtre au comportement glaçant

CHOC

Le jour où le rideau est tombé pour de bon

Pendant des années, elles ont ri. Elles ont souri sur scène, improvisé des répliques qui claquent, applaudi les standing ovations, remercié les spectateurs en coulisses. Et puis, une à une, elles ont cessé de jouer. Ce n’était pas à cause du trac, ni de l’usure du métier. C’était à cause de lui. Lui, Alil Vardar. L’homme qu’on appelait le roi du théâtre de boulevard. L’auteur à succès des pièces populaires, le patron des théâtres qui ne désemplissaient jamais. Mais derrière les rires du public, vingt femmes racontent aujourd’hui une tout autre version de cette comédie.

Le clan du silence explose

Ce n’est pas une affaire de rumeur. Ce sont des mots, des faits, des gestes. Ils sont consignés, documentés, transmis à Télérama, qui révèle en avril 2025 l’ampleur du scandale. Vingt comédiennes témoignent. Certaines ont gardé l’anonymat, d’autres parlent à visage découvert. Toutes racontent l’humiliation. L’inconfort. La peur de dire non.

Je le suçais avant d’entrer sur scène”, dira même une jeune femme, brisant définitivement le tabou. Ce n’est pas une punchline. Ce n’est pas une réplique. C’est la phrase qui a tout déclenché.

Un théâtre sous emprise

Alil Vardar ne se contentait pas d’écrire et de jouer. Il gérait les productions, possédait des théâtres, dirigeait les castings, décidait qui allait monter sur scène et qui allait rester dans l’ombre. Pour certaines, travailler avec lui représentait une chance. Mais rapidement, cette chance s’est transformée en piège.

Il leur touchait les seins sans leur consentement, disait que c’était « pour les besoins de la scène« . Il imposait des baisers, des scènes intimes, puis exigeait qu’elles restent minces, sexy, jeunes. Une actrice témoigne : “Un jour, il m’a attrapée en coulisses et m’a embrassée sans prévenir. Je me suis figée. Personne n’a rien dit.”

Une autre ajoute : “Il faisait des blagues à connotation sexuelle constamment. Et si tu ne riais pas, tu étais cataloguée comme chiante.” Et il y avait les messages, les remarques sur leur physique, les conditions de travail dégradantes sous couvert d’“ambiance décontractée”. Une ambiance pesante, qui a fini par faire fuir beaucoup de comédiennes talentueuses.

Le pouvoir comme arme

Alil Vardar est un homme de pouvoir. Il a bâti un empire, écrit des comédies à succès (Le Clan des divorcées, 10 ans de mariage, Familles recomposées…), et dirigé sa propre troupe. Cette position d’autorité lui permettait de verrouiller les carrières. Celles qui osaient dire non se retrouvaient écartées. “Quand j’ai refusé de me déshabiller pour une scène, il a supprimé mon rôle”, confie une autre victime.

Certaines, jeunes et fragiles, pensaient que tout cela faisait partie du métier. Que le “biz” était ainsi. Elles se sentaient redevables, paralysées. Ce mélange de pression psychologique et de sexualisation constante a abîmé des vocations.

Un récit collectif salvateur

Le déclic est venu lorsqu’elles se sont mises à parler entre elles. À recouper les expériences. À mettre bout à bout les mêmes gestes, les mêmes mots, les mêmes blessures. Une solidarité s’est nouée. Une enquête a pris forme. Et surtout, une volonté : Ne plus jamais laisser ce genre d’abus prospérer dans les coulisses de la culture.

Toutes ces années, j’ai cru que c’était de ma faute, que je l’avais cherché, que j’avais mal interprété. Aujourd’hui, je sais que non”, confie Lucie, 38 ans, qui a joué dans trois pièces de Vardar au début des années 2010.

La chute d’un homme qui nie tout

Alil Vardar, de son côté, nie en bloc. Il parle de complot, d’acharnement. Il nie les attouchements, minimise les remarques, évoque des « malentendus« . Il n’a pour l’instant fait l’objet d’aucune procédure judiciaire publique. Mais la parole, elle, est libérée. Et le monde du théâtre ne pourra plus faire comme si de rien n’était.

Depuis la publication de l’enquête, plusieurs institutions culturelles ont ouvert des discussions internes sur leurs pratiques. Les syndicats d’acteurs se sont emparés de l’affaire. Des comédiennes envisagent de porter plainte.

Un monde qui change, enfin ?

Ce que révèlent ces témoignages va bien au-delà du cas Vardar. Ils interrogent un système. Une habitude du pouvoir masculin dans le monde du spectacle. Une confusion entre “humour potache” et domination sexuelle. Et surtout, un silence trop longtemps imposé aux femmes, au nom de la réussite ou de la peur.

Ce qui était jadis qualifié de “grivoiserie” est désormais reconnu pour ce qu’il est : Un abus. Et ce que ces vingt femmes ont fait en osant parler, c’est ouvrir une brèche dans le mur du déni.

Un rideau qui tombe sur le silence, pour laisser place à la vérité

Le théâtre de boulevard n’est plus seulement le temple du rire léger. Il est aujourd’hui traversé par des éclairs de vérité. Et si le rideau s’est fermé sur la carrière d’Alil Vardar, c’est peut-être pour mieux en ouvrir d’autres, où chaque actrice pourra monter sur scène sans avoir à sacrifier sa dignité.

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