Question posée par Élodie : « Et si, au lendemain d’un moment tendre passé à allaiter mon enfant au bord de la mer, je découvrais que mon intimité avait été exposée sur Facebook sans mon accord, que ferais-je ? »
Le sable chaud glissait entre ses orteils tandis que les vagues déroulaient leur murmure régulier. C’était une journée d’été comme on en rêve : Le soleil caressait doucement la peau, le ciel n’offrait pas la moindre menace de nuage et l’air marin enveloppait chaque respiration d’une sensation de liberté. Assise sur sa serviette, son bébé blotti contre elle, cette jeune maman avait choisi un moment simple mais précieux : Allaiter son enfant au bord de la mer.
Un geste naturel, intime et profondément humain.
Ce jour-là, elle ignorait que derrière un parasol ou à quelques mètres, un regard indiscret s’attardait… et qu’un téléphone portable immortalisait la scène.
Le lendemain matin, en ouvrant Facebook, elle découvre avec stupeur que son image, capturée sans le moindre consentement, circulait déjà sur les réseaux sociaux. Partagée, commentée, parfois défendue… mais aussi moquée ou critiquée.
Le choc est brutal : Son moment de tendresse, qui n’appartenait qu’à elle et à son enfant, est devenu un objet public.
Sur le site Internet Parole de Mamans, elle raconte cette expérience à la fois intime et violente. Ce n’est pas seulement une atteinte à sa pudeur, mais une violation claire de ses droits.
En France, la loi est sans ambiguïté : L’article 226-1 du Code pénal stipule qu’« est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui […] en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé. »
Même si la plage est un lieu public, l’article 9 du Code civil protège également le droit à l’image et la vie privée, interdisant toute diffusion non autorisée, y compris lorsque la photo ou la vidéo a été prise sur la voie publique, dès lors que la personne est identifiable.
Le problème, explique-t-elle, n’est pas l’allaitement en public. Elle en est fière et sait qu’il est parfaitement légal et encouragé par les autorités sanitaires. Ce qui la bouleverse, c’est l’absence de respect, le vol d’un instant qui ne devait pas sortir du cadre de son regard et de celui de son enfant.
Elle a dû expliquer à sa famille, à ses amis, pourquoi cette vidéo circulait, pourquoi elle n’avait jamais donné son accord. Et surtout, elle a dû supporter les commentaires parfois durs, parfois sexualisants, parfois simplement moqueurs — Un flot d’opinions anonymes qui ne mesurent pas l’impact de leurs mots.
Elle envisage aujourd’hui des démarches juridiques, car filmer ou photographier quelqu’un à son insu puis publier cette image sur Internet constitue une infraction, et la jurisprudence française est claire : Même dans l’espace public, il faut l’accord de la personne concernée pour diffuser son image.
Cette histoire soulève des questions plus larges sur l’ère numérique dans laquelle nous vivons : Avons-nous encore le droit de vivre des instants intimes sans craindre qu’ils ne soient volés et exposés ?
L’allaitement, acte de soin et d’amour, se retrouve instrumentalisé, non pour ce qu’il représente, mais comme un contenu à partager, à commenter, à juger.
Pour cette maman, ce n’est pas un simple fait divers : C’est une intrusion dans sa vie, et un signal d’alarme sur le respect que nous devons à autrui.