« Comment un jeune homme qui faisait rire et effrayait à la fois les passants avec ses vidéos de fausses piqûres a-t-il pu en arriver à confesser devant la justice que sa vie n’était plus qu’un échec ? »
« Ma vie est un échec. » Ces mots ont résonné dans la salle d’audience du tribunal judiciaire de Paris, ce vendredi 5 septembre 2025. Ils sont sortis de la bouche d’Ilan M., plus connu sous le pseudonyme d’Amine Mojito, tristement célèbre pour ses vidéos où il faisait semblant de piquer des passants lors de la Fête de la musique.
À travers ce personnage, mélange d’humour potache et de provocation malsaine, il avait déclenché une vague de peur, d’indignation et de colère dans toute la France. Aujourd’hui, devant la justice, le jeune homme n’est plus un provocateur en quête de buzz : Il est un prévenu brisé, hanté par ses propres erreurs.
Dans une salle d’audience tendue, chacun scrutait son visage amaigri, son regard parfois fuyant, parfois noyé de honte. Le parquet rappelait le contexte : Celui de l’été où une rumeur folle s’était propagée, alimentant une véritable psychose collective. Des dizaines de personnes, persuadées d’avoir été piquées dans des concerts et des bars, s’étaient ruées vers les commissariats et les hôpitaux. Dans ce climat de panique, les vidéos d’Amine Mojito avaient agi comme de l’huile sur le feu. Lui prétend aujourd’hui qu’il ignorait l’ampleur de la psychose. Mais ses gestes, filmés et diffusés, avaient été vécus comme une véritable agression symbolique par de nombreux spectateurs.
« J’assume mes erreurs », a-t-il déclaré, la voix basse, face aux magistrats. Mais comment assumer quand la spirale est déjà lancée ? Comment réparer quand la peur est déjà ancrée dans les mémoires ? L’accusé tente de se défendre en expliquant qu’il n’avait pas conscience du contexte, qu’il ne voulait pas effrayer mais seulement choquer pour faire rire ses abonnés. Pourtant, ce rire avait un goût amer. Derrière les écrans, ce n’étaient pas des millions de « likes » qu’il récoltait, mais des regards terrifiés, des familles inquiètes, et une société déjà fragilisée par des crises successives.
À l’évocation de son parcours, un sentiment étrange a parcouru la salle : Celui d’un gâchis monumental. Amine Mojito n’était pas un délinquant ordinaire. Il était un jeune homme d’aujourd’hui, happé par la logique cruelle des réseaux sociaux, où chaque seconde compte, où le buzz écrase toute réflexion. Son besoin d’exister, de marquer les esprits, de provoquer une réaction, l’a conduit à franchir une ligne rouge. Et cette ligne, il la paie aujourd’hui au prix fort.
Car il ne s’agit plus seulement de juger des vidéos absurdes. Derrière ce procès, il y a la question de la responsabilité numérique. Jusqu’où peut-on aller pour divertir ? Jusqu’où peut-on se cacher derrière l’excuse du second degré ? La présidente du tribunal a insisté sur ce point : « Vous saviez que vous touchiez à quelque chose de sensible. Vous saviez que vos vidéos pouvaient être mal interprétées. » Mais Amine Mojito continue de nier cette conscience-là. Comme s’il avait voulu, dans une fuite en avant désespérée, ignorer l’évidence.
Son avocat, lui, tente de ramener le débat à des proportions plus humaines. Il parle d’un garçon dépassé, qui a voulu jouer avec des codes qu’il ne maîtrisait pas. D’un jeune adulte enfermé dans une spirale où le virtuel a pris le pas sur le réel. « C’est un naufrage, mais ce n’est pas un criminel », plaide-t-il, en appelant la cour à faire preuve de clémence.
Pourtant, le mal est fait. Dans le public, certains se rappellent encore de cette peur diffuse qui avait parcouru les rues, les bars et les concerts. L’idée qu’un inconnu pouvait surgir et piquer à l’improviste avait marqué les esprits. Les vidéos d’Amine Mojito avaient amplifié cette peur, comme un miroir grossissant d’une société déjà méfiante.
Aujourd’hui, il ne reste qu’un jeune homme abattu, murmurant des regrets. « Ma vie est un échec », répète-t-il comme une confession ultime. Derrière ce constat amer, il y a l’écho d’une génération entière confrontée à la tyrannie du buzz, où la recherche de visibilité peut se transformer en autodestruction.
Le verdict n’a pas encore été rendu, mais une certitude plane dans la salle : Quelle que soit la peine, Amine Mojito a déjà perdu. Il a perdu sa crédibilité, il a perdu la confiance du public, et il semble avoir perdu, plus grave encore, l’envie d’y croire. L’histoire de ce « piqueur fou » n’est plus seulement celle d’un fait divers judiciaire, elle est devenue une tragédie contemporaine.
Un procès, un regret, et une société entière en toile de fond.
👉 Source : Libération