Question posée par Agnès : « Mon mari a perdu toutes ses dents il y a trois ans. Il a honte de sourire et refuse de retourner chez le dentiste à cause des prix. Alors quand j’ai vu cette pub Facebook promettant une “dentition parfaite en un claquement de doigts” sans aucun rendez-vous médical… j’ai voulu y croire. Mais est-ce que j’ai failli tomber dans un piège ? »

Agnès, 63 ans, n’a rien d’une naïve. Elle a élevé trois enfants, géré seule un salon de coiffure pendant vingt ans et traversé deux cancers avec la dignité d’une lionne. Mais ce matin-là, en scrollant tranquillement son fil d’actualité Facebook depuis sa tablette, elle est tombée sur une image intrigante : Un sourire éclatant, une boîte blanche épurée, et cette promesse choc écrite en lettres bleues bien lisibles — « Retrouvez votre dentition parfaite en un claquement de doigts. »
Juste en dessous, un bouton lumineux l’invitait à découvrir « Dentora« , la prothèse dentaire révolutionnaire censée redonner le sourire à tous ceux qui n’ont plus un sou… ni une dent. Pour Agnès, cette publicité semblait tomber du ciel. Son mari Gérard, ancien plombier, avait perdu toutes ses dents suite à des années de tabac et de traitements médicaux. Depuis, il vivait replié, refusait les photos de famille et n’adressait plus la parole aux voisins. Le devis d’une prothèse classique, établi par un dentiste de Laval, dépassait les 2 800 €. Inabordable pour eux, même avec leur mutuelle.
Alors quand cette promesse miraculeuse est apparue sur son écran, elle a cliqué.
Une promesse trop belle pour être vraie
Le site s’appelle Essentell.com. Le produit : Dentora. Une prothèse soi-disant prête à l’emploi, sans consultation, sans empreinte, sans douleur. En quelques mots : Un dentier préfabriqué, adaptable à toutes les bouches, qui arrive par la poste. Prix affiché : 59,90 € au lieu de 199 €, pour “quelques jours seulement”.
La page regorge de photos avant/après, de commentaires dithyrambiques écrits par des “clients” aux prénoms anglo-saxons mal traduits (“Jean-Paul F. – Very nice smile, merci beaucoup !”), et de phrases types comme « technologie révolutionnaire, zéro rendez-vous, aucun dentiste nécessaire ».
Mais ce qui a convaincu Agnès, c’est la sensation d’urgence : “Stocks limités”, “Plus que 8 prothèses en stock près de chez vous”, “Offre valable jusqu’à minuit”. Elle a sorti sa carte bancaire.
Le nom Dentora inspire confiance… mais il y a un piège
Agnès aurait pu croire qu’elle commandait auprès d’un professionnel. Après tout, « Dentora« , ça sonne sérieux, presque médical. Et pour cause : Le nom existe bel et bien. Dentora, c’est un centre dentaire situé rue Proudhon, à La Plaine-Saint-Denis. Un établissement reconnu, conventionné, avec de vrais dentistes inscrits à l’Ordre, et des centaines d’avis positifs sur Doctolib.
Mais ce centre dentaire n’a rien à voir avec la société derrière le site Essentell. C’est là que l’arnaque est la plus subtile : Elle utilise un nom réel pour se donner une façade légitime. Aucun lien n’existe entre les deux. Le produit Dentora vendu sur Internet est un leurre, et le centre dentaire n’en est pas l’auteur.
Une fausse prothèse et un vrai danger
Quelques jours après sa commande, Agnès reçoit une petite boîte en plastique blanc, sans logo CE, sans notice en français. À l’intérieur : Deux fausses mâchoires en silicone rigide, au design grossier. Aucune personnalisation, aucune adaptation. Gérard, malgré toute la bonne volonté du monde, tente de les porter. Elles glissent, l’étranglent presque. En moins de trois minutes, il a une plaie à la gencive. La mâchoire est trop large. Elle ne tient pas.
Il s’énerve, jette le dentier contre le mur. “J’ai l’air d’un clown, Agnès ! T’as gaspillé ton fric pour ça !”
Agnès, en larmes, cherche à joindre le service client. Aucune réponse. Aucun numéro. Juste une adresse mail en anglais automatisée qui lui envoie un copier-coller : “Sorry, we do not refund opened products.”
Comment ces arnaques se répandent
Les plateformes comme Facebook, Instagram ou TikTok sont devenues le terrain de jeu favori des vendeurs de gadgets santé douteux. Prothèses dentaires, semelles miracles, gouttières dentaires lumineuses, patchs minceur : Tout est bon pour piéger les plus vulnérables avec des images soignées, des témoignages fictifs, et des promesses irréalisables.
Dentora n’est qu’un nom parmi tant d’autres dans un catalogue géant de produits venus de Chine, souvent revendus via des systèmes de dropshipping par des sociétés écrans basées à Chypre ou Hong Kong. Leurs publicités ciblent les personnes âgées, les retraités modestes, les patients exclus des soins dentaires classiques. Autrement dit, les plus fragiles.
Ce que disent les vrais professionnels de santé
Contacté par MyJournal.fr, un chirurgien-dentiste exerçant à Rennes nous explique :
“Une prothèse dentaire est toujours réalisée sur mesure, après une empreinte précise et plusieurs essais. Il est impossible de proposer un produit universel qui tienne bien en bouche, sans frottement ni blessure. Ces gadgets sont dangereux. Ils peuvent entraîner des inflammations, des saignements, voire des infections graves.”
Et d’ajouter :
“Le fait de promettre une solution sans dentiste, c’est une mise en danger. Ça peut retarder une vraie prise en charge et aggraver l’état bucco-dentaire.”
Comment réagir et se protéger
- Ne jamais commander un dispositif de santé via une publicité Facebook sans vérifier l’entreprise, les mentions légales et les avis externes (forums, associations de consommateurs).
- Ne pas se fier à des noms à consonance médicale : Certains usurpent des noms de cliniques ou d’organismes existants.
- Privilégier les centres dentaires mutualistes ou les facultés d’odontologie : Ces structures proposent des tarifs réduits pour des soins encadrés.
- En cas de doute ou si vous avez été victime : Contactez la DGCCRF ou signalez la publicité frauduleuse à SignalConso.fr.
🧾 Mieux vaut attendre qu’avaler une arnaque.
Agnès n’a jamais récupéré son argent. Mais elle a pris rendez-vous dans un centre dentaire à Laval, où Gérard pourra peut-être bénéficier d’un plan de financement. “Je voulais juste lui rendre le sourire, confie-t-elle. Finalement, c’est Facebook qui m’a mordue.”

Yann GOURIOU est rédacteur et responsable éditorial de MyJournal.fr. Passionné d’actualité, de société et de récits de vie, il signe chaque article avec une approche humaine, sensible et engagée. Installé en Bretagne, il développe un journalisme proche du terrain, accessible et profondément ancré dans le quotidien des Français.
