Élus locaux mieux payés et retraite améliorée : la réforme votée à l’Assemblée nationale veut relancer la démocratie de proximité.

Assemblée Nationale : Les députés approuvent une hausse de l’indemnité des élus locaux

POLITIQUE

Paris, le mardi 8 juillet 2025. Le Palais Bourbon, d’ordinaire animé par les grands débats nationaux, a été le théâtre d’un vote que d’aucuns auraient jugé technique, presque anecdotique, mais qui pourrait bien avoir des répercussions concrètes dans les moindres recoins de la République.

Ce jour-là, l’Assemblée Nationale a adopté une mesure longtemps attendue par les élus des petites communes : La revalorisation de leurs indemnités, accompagnée d’une reconnaissance accrue de leur engagement dans le calcul de leur retraite. Une réforme en apparence modeste, mais qui répond à une crise bien réelle, souvent invisible à Paris : Celle de l’engagement politique local, en particulier dans les communes rurales.

Depuis plusieurs années, les alertes se multiplient. Maire démissionnaire, conseil municipal incomplet, absence de candidats… Le désintérêt pour la chose publique à l’échelle locale s’est mué en véritable désert démocratique dans certaines régions. Trop de responsabilités, pas assez de moyens, aucune reconnaissance. Des élus qui cumulent parfois leur mandat avec une activité professionnelle exigeante, qui consacrent leurs soirées et leurs week-ends à régler des conflits de voisinage, à gérer les inondations, à porter les colères et les espoirs de leurs concitoyens. Et tout cela, souvent, pour une indemnité inférieure à celle d’un emploi à mi-temps payé au SMIC.

Le texte adopté prévoit donc une hausse des indemnités pour les maires et adjoints des communes de moins de 20 000 habitants. Le mécanisme est dégressif : 10% d’augmentation pour les communes de moins de 1 000 habitants, puis une diminution progressive de ce taux jusqu’à 4% pour celles qui atteignent les 20 000. Pour les élus de ces territoires, souvent oubliés des grandes réformes, cette hausse est perçue comme un souffle d’air, une forme de reconnaissance, certes insuffisante selon certains, mais néanmoins symbolique.

Le vote a été net : 121 voix pour, 45 contre. La majorité présidentielle a soutenu le projet, appuyée par une partie des députés socialistes et du groupe LIOT. C’est Charles Sitzenstuhl, député Renaissance et rapporteur du texte, qui a défendu cette mesure en séance, avec des mots lourds de sens : « Ce n’est pas une prime, ni un luxe. C’est une reconnaissance. Les élus des petites communes sacrifient tout, leur vie professionnelle, leur famille, leur santé parfois, pour servir la République. Il était temps d’agir. »

Une autre avancée a retenu l’attention : La prise en compte des mandats locaux dans le calcul des droits à la retraite. Dorénavant, chaque mandat municipal complet de six ans donnera droit à un trimestre de retraite, dans la limite de huit trimestres. Deux années validées, donc, pour des femmes et des hommes qui jusqu’alors ne bénéficiaient pas ou peu de cette reconnaissance dans leur parcours professionnel.

Le coût estimé de cette mesure est de 45 millions d’euros par an. Une somme qui, si elle fait grincer quelques dents, est jugée acceptable par le gouvernement au regard de l’urgence démocratique qu’elle entend corriger.

Car c’est bien là l’enjeu central. La France des petites communes, des villages, des bourgs, souffre. Les vocations se tarissent. Les maires en place ne trouvent plus de successeurs. Certains renoncent même à se représenter par manque de soutien, d’argent ou simplement d’envie de continuer à se battre seuls contre les contraintes administratives, les incivilités, la solitude.

Le gouvernement affirme vouloir enrayer cette spirale et donner à nouveau envie aux citoyens de s’investir dans la vie publique locale. Mais cette réforme, si elle a été saluée par de nombreux élus sur le terrain, n’a pas fait l’unanimité dans l’hémicycle. À gauche comme à droite, certaines voix ont dénoncé un effet d’affichage, une mesure symbolique qui ne suffira pas à enrayer l’érosion des vocations.

Le député RN Laurent Jacobelli s’est exprimé avec une ironie cinglante : « Une mesure cosmétique qui cache le désintérêt profond du gouvernement pour les vrais problèmes des territoires. » D’autres élus, notamment de La France Insoumise, ont regretté que l’on ne couple pas cette augmentation d’indemnité avec un renforcement des moyens humains, logistiques et techniques à destination des petites mairies. Certains y voient une réforme incomplète, d’autres un pas dans la bonne direction, mais il est évident que cette question dépasse le simple montant d’une indemnité mensuelle.

L’adoption en première lecture n’est qu’une étape. Le texte doit désormais passer devant le Sénat, où les discussions s’annoncent plus techniques, notamment sur les modalités de financement. L’objectif affiché par le gouvernement est une entrée en vigueur dès 2026. En attendant, ce vote est déjà perçu par de nombreux maires comme un premier geste de reconnaissance.

Dans des communes comme Saint-Mars-d’Outillé, Villotte-sur-Aire ou Mauléon, ce sont des femmes et des hommes engagés, souvent discrets, mais ô combien essentiels, qui attendent depuis longtemps une telle mesure. Le maire d’un village de 300 habitants, interrogé en marge du vote, résumait ainsi l’état d’esprit général : « Ce n’est pas pour l’argent qu’on fait ce métier. Mais parfois, on aimerait au moins que ça ne nous coûte pas. » Dans les campagnes françaises, la démocratie locale repose sur des épaules usées mais toujours déterminées. Ces élus de proximité, souvent bénévoles de fait, sont les piliers d’un système institutionnel qui ne tiendrait pas une semaine sans eux.

En leur offrant une indemnité revalorisée et une retraite plus juste, l’Assemblée Nationale reconnaît, enfin, qu’ils ne sont pas de simples figurants, mais bien des acteurs centraux de la République.

Cette réforme n’est ni spectaculaire, ni polémique, ni virale. Elle ne fera pas la une des chaînes d’info. Mais elle pourrait bien, silencieusement, redonner de la vie à nos conseils municipaux, et faire renaître, dans les mairies désertées, le goût de l’engagement. Car sans maires, sans adjoints, sans élus de terrain, il n’y a pas de démocratie vivante. Et sans démocratie vivante, il n’y a plus de République.

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