Mélanie se demande : « Dans les ruelles calmes de Graz, où l’on n’entend que le bruit des pas et des vélos, qui aurait cru que des centaines de milliers de moustiques voleraient au secours de la santé publique ? »
À Graz, capitale de la Styrie, les matinées d’été s’ouvrent sur un ciel clair où l’air sent encore la rosée et les pavés tièdes de la veille. Pourtant, cet été-là, un événement discret, presque invisible à l’œil nu, a mobilisé toute une équipe de scientifiques, d’entomologistes et de techniciens : Le lâcher de 600 000 moustiques tigres mâles stériles dans l’atmosphère paisible d’Autriche.
L’histoire a immédiatement pris une autre dimension sur les réseaux sociaux. De simples photos, accompagnées de phrases choc, ont suffi à transformer cette opération scientifique en un scénario de film de science-fiction, accusant le milliardaire Bill Gates d’en être l’instigateur. La rumeur s’est emballée, partage après partage, alimentée par l’imaginaire collectif autour des moustiques « génétiquement modifiés » et des expériences secrètes.
Mais, comme l’a révélé TF1 Info, la réalité est toute autre, bien plus sobre et surtout… dénuée de tout complot. Ce projet n’a rien à voir avec Bill Gates, et encore moins avec des manipulations génétiques. Il s’agit en fait de la Technique de l’Insecte Stérile (TIS), une méthode de lutte biologique mise au point depuis des décennies, déjà utilisée dans plusieurs pays pour réduire la population de moustiques nuisibles.
Des moustiques qui ne piquent pas
Dans cette opération, chaque moustique libéré était un mâle, et un mâle… ne pique pas. Ce sont uniquement les femelles qui se nourrissent de sang pour développer leurs œufs. Les mâles stérilisés sont produits en laboratoire, puis exposés à une irradiation précise qui les rend incapables de féconder les femelles. Le principe est simple : En s’accouplant avec ces mâles, les femelles pondent des œufs non viables, ce qui entraîne, génération après génération, une chute drastique de la population.
Un projet scientifique local, pas un complot mondial
Le site TF1 Info précise qu’il s’agit d’un projet pilote mené localement près de Graz, sans financement, ni implication de la Fondation Bill & Melinda Gates. La confusion vient peut-être du fait que ce type de technique a été expérimenté dans d’autres pays avec le soutien de grands organismes, mais ici, en Styrie, tout est coordonné par des équipes locales.
Des résultats prometteurs ailleurs
La Technique de l’Insecte Stérile n’est pas un pari à l’aveugle. À La Réunion, elle a permis une réduction de 91% de la population de moustiques tigres dans certaines zones tests. En Espagne, les chiffres atteignent même 98% dans certaines localités. Ces résultats, largement documentés, montrent que la méthode est efficace et surtout respectueuse de l’environnement, puisqu’elle ne repose pas sur l’usage massif d’insecticides.
Comment la rumeur s’est emballée
Sur les réseaux sociaux, tout commence souvent par un détail sorti de son contexte. Ici, l’idée qu’un « lâcher massif de moustiques » a eu lieu a suffi à déclencher un emballement. On y a ajouté le nom de Bill Gates, souvent associé à des théories complotistes concernant les vaccins ou les projets de santé publique, et la machine à intox s’est mise en route. Pourtant, les faits sont clairs : Aucune modification génétique, aucun financement extérieur, et surtout aucun danger pour la population.
Une bataille silencieuse
Sur le terrain, l’opération s’est déroulée presque en catimini. Pas de nuages d’insectes visibles, pas de perturbations notables pour les habitants. Les moustiques, conditionnés dans des conteneurs spéciaux, ont été libérés méthodiquement dans des zones ciblées. Puis, la nature a fait le reste : Les mâles stériles se sont mêlés aux populations locales de moustiques tigres, amorçant un processus de réduction progressive.
La science plutôt que la peur
Au final, cette histoire est l’illustration parfaite de notre époque : Un projet scientifique local, pensé pour protéger la santé publique, devient en quelques jours le sujet d’un emballement mondial. Comme le rappelle TF1 Info, la lutte contre les moustiques tigres est un enjeu de santé majeur, car ces insectes peuvent transmettre des maladies comme la dengue, le chikungunya ou le Zika.
À Graz, la bataille se joue désormais dans le silence des jardins et des rives, sans piqûres ni bruit… seulement portée par le vol discret de moustiques mâles qui, paradoxalement, sont les meilleurs alliés de l’été.

Yann GOURIOU est rédacteur et responsable éditorial de MyJournal.fr. Passionné d’actualité, de société et de récits de vie, il signe chaque article avec une approche humaine, sensible et engagée. Installé en Bretagne, il développe un journalisme proche du terrain, accessible et profondément ancré dans le quotidien des Français.
