Bénédicte : « Un matin d’hiver, alors que je traversais la campagne, j’ai vu un homme badigeonner les troncs d’oliviers d’une étrange peinture blanche… Pourquoi fait-il ça ? Cela a-t-il vraiment un impact sur la santé des arbres ? »
Dans le silence paisible d’une oliveraie, quelque part dans le sud ensoleillé de la France, un homme s’affaire. Vêtu d’un tablier vert maculé de traces blanchâtres, un large chapeau de paille sur la tête, il avance lentement entre les rangées parfaitement alignées d’arbres majestueux. À ses pieds, un seau rempli d’un liquide épais et blanc. À la main, un pulvérisateur. Chaque geste est précis, presque cérémonial. L’homme ne peint pas. Il soigne.
Ce qu’il applique sur les troncs n’est pas une simple peinture. C’est un mélange ancestral de chaux éteinte et de sulfate de cuivre. Une recette éprouvée, utilisée depuis des générations par les agriculteurs soucieux de préserver la santé de leurs arbres fruitiers. On appelle cela le badigeon arboricole, ou plus poétiquement : Le blanc d’arbre.
Un rituel de protection millénaire
Contrairement à ce que certains citadins pourraient croire, ce blanchiment n’a rien d’esthétique. Il s’agit d’un traitement préventif redoutablement efficace. Appliqué en hiver ou à la toute fin de l’hiver — période de repos végétatif de l’arbre —, il agit comme un bouclier protecteur naturel contre les agressions multiples qui menacent les troncs : Parasites, champignons, fissures dues aux chocs thermiques…
Le site Arbres-et-paysages.fr, spécialisé dans la gestion écologique des vergers, souligne que ce geste simple peut faire toute la différence pour des cultures à haut rendement, comme les oliviers, les pommiers, les poiriers ou encore les cerisiers.
Pourquoi ce blanc immaculé ?
La chaux, à elle seule, possède des propriétés assainissantes. Elle désinfecte l’écorce et empêche le développement de champignons ou de moisissures. Ajouté au sulfate de cuivre — un fongicide naturel présent dans la célèbre bouillie bordelaise — le mélange devient une arme redoutable contre les bactéries et les spores pathogènes.
Mais ce n’est pas tout : Ce blanc éclatant réfléchit les rayons du soleil, limitant les montées brutales de température qui peuvent provoquer des craquelures sur les troncs, surtout en hiver quand la différence entre le jour et la nuit est extrême.
En somme, ce que fait cet homme sur la photo, c’est un acte de prévention holistique : il protège les arbres de l’intérieur comme de l’extérieur, du visible comme de l’invisible.
Comment appliquer ce badigeon ?
Pour que ce soin soit efficace, il faut suivre certaines étapes :
- Nettoyer le tronc : avant toute application, il est conseillé de brosser doucement l’écorce avec une brosse en fibre naturelle afin d’éliminer mousse, lichens et autres résidus.
- Préparer le mélange :
- 1 kg de chaux éteinte (à ne jamais confondre avec la chaux vive, très corrosive)
- 100 g de sulfate de cuivre
- 5 à 10 litres d’eau
- (Optionnel : un peu d’argile ou de colle naturelle pour une meilleure adhérence)
- Appliquer à la brosse ou au pulvérisateur selon l’âge et le diamètre de l’arbre.
- Les jeunes arbres nécessitent une application minutieuse au pinceau.
- Les vergers matures, comme sur la photo, permettent un traitement par pulvérisation.
Le tout se fait à la base du tronc et parfois jusqu’aux premières charpentières, en fonction des besoins et des espèces cultivées.
Une pratique écologique et économique
Dans un monde agricole souvent dominé par les traitements chimiques agressifs, ce mélange traditionnel fait figure de remède écologique. Il est biodégradable, sans danger pour l’homme ni pour la faune auxiliaire, et très économique.
Il ne remplace pas les autres soins mais il les complète intelligemment : il évite les invasions d’insectes foreurs, les attaques de champignons et les fissures dans le tronc qui pourraient devenir des portes d’entrée pour des maladies graves.
Résultat : des arbres plus robustes et plus productifs
Les arboriculteurs expérimentés le savent : Un arbre bien soigné produit mieux, vieillit mieux, résiste mieux aux aléas climatiques et sanitaires. Le badigeon de chaux agit comme un vaccin : Il renforce l’arbre avant les grandes épreuves du printemps.
Et c’est aussi un message de soin. Un verger dont les troncs sont blanchis est un verger respecté, aimé, écouté. Un arbre ne parle pas, mais il montre quand il est en bonne santé.
Une tradition vivante
Dans certaines régions de France, cette technique est en voie de disparition. Mais grâce aux agriculteurs comme celui que l’on voit sur cette photo, et grâce à la transmission des savoirs, elle revient dans les vergers, les jardins familiaux, les potagers permacoles.
Il ne s’agit pas d’un folklore, mais d’un geste intelligent, raisonné, durable. Un retour aux fondamentaux, à la fois respectueux de l’arbre et de la nature.
Et vous, avez-vous déjà observé ces troncs blancs dans la campagne ? Saviez-vous qu’ils cachaient un secret aussi précieux ? Ce geste ancestral, à portée de main de tous, mérite d’être reconnu, valorisé et perpétué.
Très intéressant, merci ! 👍