Découvrez pourquoi les députés insoumis de Seine-Saint-Denis exigent des excuses publiques de Carole Delga.

Carole Delga (PS) : « Mélenchon fait plus peur que Marine Le Pen »

POLITIQUE
Mélenchon fait plus peur que Marine Le Pen

Elle pensait sans doute peser ses mots. Les ajuster à la lumière du moment, aux tensions électorales, aux sondages qui tournoient comme des vautours autour de la gauche éclatée. Et pourtant, en une seule phrase, prononcée au détour d’un échange avec les médias, Carole Delga, présidente socialiste de la région Occitanie, a mis le feu aux poudres. Le 16 septembre 2025, en évoquant l’éventualité d’une future alliance entre le Parti Socialiste et La France Insoumise, l’élue a lâché une bombe : « Jean-Luc Mélenchon fait plus peur que Marine Le Pen dans une grande partie de la France. Peut-être pas en Seine-Saint-Denis, mais ailleurs, c’est une réalité. »

Il n’en a pas fallu davantage pour provoquer un tollé immédiat. Car cette déclaration, en apparence anodine pour certains, résonne avec une violence inouïe dans un territoire où l’extrême droite n’a jamais trouvé d’écho, où les quartiers populaires se sont massivement mobilisés derrière les idées de la gauche radicale, et où Jean-Luc Mélenchon avait recueilli près de 49,1% des suffrages à la présidentielle de 2022, contre seulement 11,9% pour Marine Le Pen. Un score sans appel, qui témoignait de l’ancrage profond des valeurs progressistes dans ce département trop souvent stigmatisé.

Dans les couloirs de l’Assemblée Nationale comme dans les rues d’Aubervilliers, de Saint-Ouen ou de Bobigny, les réactions ne se sont pas fait attendre. Les sept députés Insoumis élus en Seine-Saint-Denis ont publié un communiqué commun, dénonçant des propos jugés « honteux », « méprisants », mais surtout porteurs d’un discours classiste et raciste, selon leurs mots. À leurs yeux, Carole Delga a commis une double faute : Une erreur stratégique, en s’attaquant frontalement à une formation politique pourtant incontournable pour toute union de la gauche, et une faute morale, en caricaturant les électeurs de quartiers populaires, comme si leur vote n’avait ni légitimité ni valeur.

Le malaise ne s’est pas limité à La France Insoumise. Même au sein du Parti Socialiste, des voix se sont élevées. Stéphane Troussel, président socialiste du département de Seine-Saint-Denis, a exprimé publiquement sa consternation. Selon lui, Carole Delga, en tenant de tels propos, banalise les dangers de l’extrême droite et participe à l’affaiblissement du front républicain. « Que Marine Le Pen soit désormais perçue comme moins dangereuse que Mélenchon en dit long sur le glissement de notre époque. Nous avons besoin d’unité, pas de mépris. »

Sur les réseaux sociaux, les partages se multiplient, accompagnés de hashtags en soutien aux Insoumis : #PasEnNotreNom, #MélenchonPasLePire, #DelgaLaGaucheDuMépris. Des figures de la société civile prennent la parole, dénonçant une stigmatisation larvée des banlieues, accusées à demi-mot de voter mal. Dans les médias, les éditorialistes s’en emparent à leur tour. Certains défendent la franchise de Carole Delga, voyant en elle une voix lucide sur la fragmentation idéologique de la gauche. D’autres, au contraire, fustigent une posture électoraliste désespérée, qui n’a pour effet que d’accentuer les fractures déjà béantes entre une gauche de gouvernement vieillissante et une jeunesse radicalisée par les injustices sociales.

Mélenchon fait plus peur que Marine Le Pen

Au-delà de la polémique immédiate, la sortie de Carole Delga révèle surtout les tensions profondes qui minent la gauche française à l’approche d’une possible dissolution de l’Assemblée Nationale. Depuis plusieurs mois, les tractations vont bon train. Faut-il ressusciter une Nupes affaiblie, ou partir en ordre dispersé ? Faut-il composer avec Jean-Luc Mélenchon, ou tourner la page ? Les barons socialistes redoutent que l’image du tribun insoumis, volontiers clivant, ne leur fasse perdre des voix dans les territoires plus modérés. Mais en Seine-Saint-Denis, cette angoisse semble bien loin des préoccupations du quotidien. Là-bas, Mélenchon n’est pas un danger, mais une boussole. Il incarne, à tort ou à raison, l’espoir d’une justice sociale réelle, d’un discours qui nomme les discriminations, les violences policières, la précarité systémique.

C’est sans doute là que le fossé devient abyssal. D’un côté, une gauche institutionnelle qui tremble à l’idée de perdre les faveurs d’un électorat centriste, voire conservateur. De l’autre, une gauche radicale enracinée dans les luttes populaires, portée par une base qui n’a plus confiance en ceux qui prétendent la représenter. Les mots de Carole Delga n’ont pas simplement ravivé une fracture. Ils ont rappelé que, pour une partie de la gauche, le problème ne serait pas l’extrême droite, mais ceux qui luttent frontalement contre elle, avec des mots parfois durs, mais portés par des causes légitimes.

Dans les rues de Saint-Denis, beaucoup de passants, interrogés à la volée, haussent les épaules. Certains rient jaune : « Elle connaît rien à nos vies, Delga… Qu’elle vienne une semaine vivre ici, on verra si Marine Le Pen est moins flippante que Mélenchon. » D’autres sont plus amers : « Ce genre de phrase, ça pousse les jeunes à se détourner complètement des urnes. Ils se sentent trahis. »

Une chose est certaine : Carole Delga, en voulant marquer une ligne rouge contre LFI, a provoqué une tempête qu’elle n’imaginait peut-être pas. Elle a révélé une vérité douloureuse : À gauche, l’union reste une chimère tant que certains considèrent que les quartiers populaires doivent se taire et se contenter de suivre. Tant que des figures politiques osent dire, même à demi-mot, qu’il vaut mieux Marine Le Pen que Jean-Luc Mélenchon, c’est toute la gauche qui perd un peu de son âme.

Cette affaire n’en est qu’à ses débuts. Les Insoumis de Seine-Saint-Denis ne comptent pas laisser passer l’affront. Et au-delà du clash politique, c’est tout un électorat qui observe, qui jauge, qui attend. Un électorat qui, plus que jamais, veut être entendu, respecté, et non stigmatisé. Car dans une démocratie, la peur ne devrait jamais être un argument. Et le mépris, jamais un programme.

👉 Source : Article BFMTV, du 18 septembre 2025.

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