Le Monde révèle les coulisses de Your Party, la formation politique lancée par Corbyn qui s’appuie sur une base militante impressionnante.

Comme Mélenchon en France, Jeremy Corbyn veut tout balayer en Angleterre avec son nouveau parti de gauche radicale !

POLITIQUE

La scène est posée à la fin juillet 2025. Jeremy Corbyn, silhouette frêle mais toujours droite, barbe blanche et regard vif, traverse une salle bondée d’applaudissements et de pancartes improvisées. Face à lui, un public hétéroclite : Jeunes diplômés désenchantés, vieux militants syndicaux, mères de famille inquiètes pour l’avenir de leurs enfants. Tous sont là pour assister à ce que la presse britannique appelle déjà « La renaissance de la gauche radicale ». Un événement fondateur. Un moment politique. Une rupture.

Dans cette salle où les portraits de Clement Attlee croisent ceux de Thomas Sankara, Corbyn annonce ce que beaucoup attendaient depuis des mois : La naissance d’un nouveau parti politique, en rupture totale avec la ligne de Keir Starmer, leader du Parti travailliste. Son nom provisoire, « Your Party », n’a rien d’anecdotique. Il se veut inclusif, horizontal, participatif. Ce n’est pas « son » parti, mais celui du peuple. Celui de tous ceux qui ne se reconnaissent plus ni dans les conservateurs, ni dans le Labour.

Mais l’histoire ne commence pas là. Elle débute bien plus tôt, avec une trahison silencieuse. Celle d’un Labour devenu au fil des années un parti gestionnaire, recentré, presque tiède. Sous Starmer, la rupture avec l’héritage corbyniste fut brutale : Exclusion des figures critiques comme Zarah Sultana, abandon des engagements progressistes, recentrage économique. Corbyn, exclu du groupe parlementaire pour ses prises de position sur le conflit israélo-palestinien, s’est alors retrouvé dans une posture d’outsider. Et c’est cette marginalisation qui l’a poussé à créer Your Party.

Mélenchon dans l’ombre du projet britannique

Dans son article du 1er août 2025, Le Monde ne s’y trompe pas : Jean-Luc Mélenchon est cité dès le titre. Car la référence française est assumée. En 2008, Mélenchon, lui aussi exclu du PS pour avoir refusé son virage social-libéral, fondait le Parti de gauche, qui deviendra quelques années plus tard le socle de La France Insoumise. Même logique, même rupture, même volonté de bâtir un mouvement populaire, ancré dans les luttes sociales, les mouvements écologistes et antiracistes. Corbyn connaît bien Mélenchon. Il admire sa stratégie, sa capacité à mobiliser au-delà des clivages traditionnels. Il le cite même lors de ses premières réunions préparatoires.

Your Party s’annonce donc comme une transposition britannique de l’expérience Insoumise. D’ailleurs, le mouvement reprend plusieurs ingrédients de la recette française : Un refus du centralisme partisan, une plateforme numérique participative, un accent fort sur les causes internationales (notamment la Palestine), et une dénonciation frontale de l’ordre économique libéral.

Zarah Sultana, figure montante et rupture générationnelle

À ses côtés, une autre figure cristallise l’attention : Zarah Sultana, 30 ans, députée de Coventry South. Élue en 2019 sous l’étiquette Labour, elle s’en est rapidement éloignée, notamment en raison de son opposition aux ventes d’armes britanniques à Israël et à la gestion de la crise climatique. Elle incarne cette nouvelle génération de militants politiques formés dans les syndicats étudiants, les associations féministes et les mouvements antiracistes. Sa popularité sur les réseaux sociaux rivalise avec celle de certaines célébrités. C’est elle qui propose, avec un humour piquant, le nom « Left Party » : « It says what it is. »

Mais pour l’instant, le nom n’est pas encore tranché. Et Corbyn veut laisser les 600 000 personnes déjà inscrites sur le site yourparty.uk décider. Un chiffre qui donne le vertige. À titre de comparaison, c’est plus que les effectifs cumulés des partis conservateur, travailliste et libéral-démocrate. Un raz-de-marée citoyen.

L’ombre de Starmer, la crainte de la division

Mais cette effervescence populaire ne suffit pas à calmer les inquiétudes. La division de la gauche menace : En s’émancipant du Labour, Corbyn risque de fragmenter un électorat déjà écartelé entre Verts, sociaux-démocrates et indépendantistes. Starmer, fidèle à son rôle de chef d’opposition modéré, fustige une démarche « irresponsable », qui « risque de faire le jeu des conservateurs ».

Et en effet, à quelques mois des élections locales de mai 2026, les calculs s’affolent. Où Your Party présentera-t-il des candidats ? Dans quels bastions ? Avec quelles alliances ? Les Verts accepteront-ils de pactiser ? Les syndicats soutiendront-ils l’initiative ou resteront-ils loyaux au Labour ?

Un projet aux multiples défis

Your Party n’est pas sans failles. L’organisation est encore floue. Les finances restent limitées. Et déjà, certaines tensions apparaissent entre les différentes sensibilités (antispécistes, écoféministes, marxistes, travaillistes dissidents…). Rappelons qu’au Royaume-Uni, les tentatives de créer des partis de gauche en dehors du Labour ont souvent échoué : De la Socialist Alliance à Change UK, les exemples abondent.

Mais Corbyn n’est pas un novice. Il a appris des échecs. Et surtout, il sait que le paysage politique est en mutation. La crise du coût de la vie, l’effondrement des services publics, les inégalités record créent un terreau favorable à une gauche offensive, imaginative, radicale.

Un rêve européen de convergence ?

Au-delà du Royaume-Uni, c’est toute l’Europe qui observe ce frémissement. En France, Jean-Luc Mélenchon a salué « une initiative sœur », et proposé une « coordination européenne des gauches radicales », avec Your PartyDie LinkePodemos et d’autres mouvements progressistes. L’idée d’une Internationale 2.0 n’est plus utopique.

Jeremy Corbyn, malgré son âge, reste l’un des rares à pouvoir fédérer une base aussi large. Et si son nouveau parti trouve son cap, s’il réussit là où tant d’autres ont échoué, il pourrait non seulement rebattre les cartes au Royaume-Uni, mais inspirer une nouvelle vague politique à travers le continent.

La graine est plantée

Reste à savoir si elle poussera sur un sol fertile ou sera étouffée par les vents contraires de la division et de l’indifférence. Pour l’heure, Corbyn avance, porté par l’enthousiasme et le souvenir encore vif de son passage à la tête du Labour. Et dans les pas de Mélenchon, il espère tracer un nouveau chemin : Celui d’une gauche qui ne renonce pas.

✅ Source principale : Le Monde, article du 1er août 2025 : « Royaume-Uni : Jeremy Corbyn s’inscrit dans les pas de Mélenchon avec son nouveau parti de gauche radicale ».

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