Maureen : « Et si un simple ‘bonjour’ pouvait déclencher une tempête politique ? En montant dans ce train belge, aurais-je seulement imaginé que ces quelques syllabes, prononcées avec le sourire, pouvaient valoir à un homme d’être poursuivi en justice ? »
Sous un ciel maussade, un train de la SNCB fendait le paysage flamand avec sa précision habituelle. C’était une journée comme tant d’autres, du moins en apparence. Pourtant, en ce jour anodin d’avril 2024, un mot, un seul, allait allumer une étincelle inattendue dans le baril de poudre qu’est parfois la Belgique linguistique.
« Goeiedag, bonjour ! » Le contrôleur Ilyass Alba, tout sourire, déambulait dans les wagons, vérifiant les billets avec bienveillance, accueillant chaque passager dans les deux langues du pays. Une formule devenue presque naturelle pour cet agent consciencieux, soucieux de l’inclusivité et du respect de tous. Mais ce jour-là, un passager n’a pas apprécié cette courtoisie.
Le passager en question, de langue française, a décidé de déposer plainte auprès de la Commission permanente de contrôle linguistique. Motif ? L’usage du français dans une annonce publique en plein territoire flamand. Une transgression, selon lui, aux strictes dispositions de la loi linguistique belge de 1966, qui impose, en Flandre, l’usage exclusif du néerlandais dans les communications officielles, sauf exceptions précises.
La plainte, reçue avec un certain scepticisme au départ, vient de franchir une étape cruciale. Mi-juillet 2025, elle a été jugée recevable. L’affaire fera donc bien l’objet de poursuites. Le contrôleur Ilyass Alba pourrait être sanctionné, tout comme la SNCB, son employeur. Les risques ? Un simple rappel à l’ordre, peut-être. Mais sur le fond, c’est une claque symbolique infligée à l’idée même du bilinguisme dans l’espace public belge.
Cette décision a suscité une vague de réactions. Ilyass Alba, lui, a choisi l’ironie et la résistance douce. Il a fait imprimer des mugs arborant la salutation devenue controversée : « Goeiedag, bonjour !« . Un geste simple, mais porteur d’un message clair : Il ne compte pas céder au dogmatisme linguistique.
Du côté des responsables politiques, le ministre de la Mobilité Georges Gilkinet a publiquement apporté son soutien au contrôleur, appelant à plus de souplesse dans l’application des règles. Il n’est pas le seul : Le patron de la SNCB a dénoncé une interprétation « absurde » de la loi, incompatible avec l’accueil des touristes et la réalité multiculturelle du pays.
Mais la Commission reste inflexible : Seule une réforme parlementaire permettrait d’assouplir les normes en vigueur. Le texte date de 1966, mais il reste juridiquement contraignant. Le droit, en Belgique, ne reconnaît qu’une seule langue officielle par région. La Flandre, c’est le néerlandais. Point.
Cette affaire pose une question profonde : Jusqu’où peut-on aller dans la rigidité au nom de la préservation identitaire ? Peut-on réellement sanctionner un agent de train pour avoir voulu inclure tous les passagers dans une annonce, sans exclure personne ? L’image d’un pays coupé en deux, où la langue devient un champ de bataille, refait surface.
Les réseaux sociaux se sont emparés de l’affaire. De nombreux Belges, francophones comme néerlandophones, ont exprimé leur incompréhension. D’autres, à l’inverse, saluent l’application stricte d’une loi jugée essentielle à la protection culturelle.
Au fil des jours, le « BonjourGate » s’est transformé en débat national. Et pendant que les institutions s’enferment dans les textes, la réalité quotidienne, elle, continue de réclamer de l’humain, du dialogue, et peut-être… un peu de bon sens.
Je me souviens, en 1979, avoir téléphoné en français à la Sabena, à Anvers, pour confirmer un vol Bruxelles-Genève. Je me suis fait copieusement engueuler en un langage que je ne comprenais pas avant que l’on me boucle l’appareil au nez !