« Léa, toi aussi tu as ressenti cette pression ? Quand Beer Buddy te montre que t’as « un verre de retard », est‑ce de la camaraderie ou un piège déguisé ? »
Ils s’appellent Hugo, Clara, Maxence ou Emma. Ils ont entre 18 et 25 ans. Tous les soirs ou presque, leurs téléphones vibrent. Une notification surgit, joyeuse, anodine en apparence : « Emma a bu une pinte ». Alors, dans un élan presque automatique, Hugo appuie sur l’écran et déclare à son tour : « Moi aussi ! ». Bienvenue dans l’univers de Beer Buddy, l’application qui, sous couvert de sociabilité festive, banalise et gamifie la consommation d’alcool entre amis.
Une appli en apparence amusante, conviviale, mais qui, derrière ses smileys et ses verres virtuels, soulève de graves questions de santé publique. RTL a enquêté, MyJournal.fr vous alerte.
🍺 Un verre pour s’amuser… un autre pour ne pas être à la traîne
Lancée discrètement, Beer Buddy revendique aujourd’hui plus de 7 millions de téléchargements dans le monde. Son concept est simple, presque enfantin : Chaque utilisateur peut indiquer en temps réel ce qu’il est en train de boire – bière, vin, shot, cocktail – et partager cette information avec ses amis. Ces derniers reçoivent immédiatement une notification.
C’est là que le mécanisme s’installe. « Dès qu’on voit que quelqu’un a bu, on se sent obligé de faire pareil », avoue Lucas, 22 ans, étudiant à Bordeaux. « On veut pas être le seul à ne pas participer. »
Certains jeunes vont encore plus loin. Ils lancent des compétitions non officielles, se photographient leur bière à la main, cherchent à obtenir le plus de “cheers” sur l’appli. Le tout en rendant visible, quasi-publique, leur consommation.

🍺 Une application sans aucun filtre ni contrôle parental
Là où le bât blesse, c’est que Beer Buddy ne prévoit aucun contrôle d’âge fiable. Un mineur peut facilement se créer un compte et commencer à enregistrer ses consommations. Aucune alerte, aucun rappel sur les dangers de l’alcool, encore moins une limite.
Et le plus inquiétant, c’est que tout est pensé pour rendre la consommation “fun” : Les emojis, les couleurs flashy, les classements entre amis, les rappels de “verres en retard”… Comme si l’application récompensait celui ou celle qui boit le plus.
Les professionnels de santé crient à la catastrophe. « C’est une incitation à boire masquée derrière le vernis du réseau social », alerte un addictologue cité par RTL. Et il n’est pas le seul à tirer la sonnette d’alarme.
🍺 Le piège de la normalisation numérique de l’alcool
Avant, boire un verre d’alcool relevait d’un acte social, encadré, souvent limité aux lieux festifs. Aujourd’hui, avec Beer Buddy, l’acte est digitalisé, permanent, et exhibé. Pire encore : On boit chez soi, seul, pour ne pas “rater le moment”, pour ne pas “avoir un verre de retard”.
« J’ai commencé à me forcer à boire même quand j’avais pas envie », raconte Chloé, 19 ans. « Juste parce que mes amis postaient leurs verres. »
La pression sociale devient numérique, silencieuse, sournoise. On ne veut pas être celui qui “ne joue pas le jeu”. Cette banalisation est d’autant plus préoccupante qu’elle touche une population déjà très exposée au binge drinking, phénomène qui explose en France depuis plusieurs années, notamment chez les 18-24 ans.

🍺 Aucune modération, mais une explosion des verres
Beer Buddy ne propose aucun outil de modération intégré. Contrairement à d’autres applications liées à l’alimentation, à la santé ou à la productivité, il n’y a pas de messages de prévention, ni de rappels des risques.
La seule logique visible : Partager ce que l’on boit, souvent, et en rire entre amis.
Sur certains campus universitaires, l’appli devient un véritable outil de pression sociale, un levier de conformisme festif, voire un déclencheur de dépendance. Des groupes se forment autour des “champions du week-end”, celui ou celle qui a enregistré le plus de consommations.
🍺 Des autorités impuissantes, une appli toujours en libre téléchargement
Face à ces dérives, on pourrait s’attendre à une réaction des pouvoirs publics. Mais l’application est toujours disponible sur les plateformes iOS et Android, sans aucun avertissement sérieux ni filtre parental.
« On n’a pas de levier juridique à ce stade », regrette un membre d’une agence régionale de santé.
En effet, Beer Buddy n’encourage pas directement à boire. Elle laisse simplement l’utilisateur s’en vanter. Un vide juridique qui profite à l’entreprise derrière l’appli, qui reste silencieuse, et refuse de répondre aux médias sur ses intentions réelles.

🍺 Une génération en danger, une société passive ?
Ce que Beer Buddy révèle, c’est une société de plus en plus déconnectée de la réalité des jeunes. Une société où la consommation d’alcool devient un jeu, un défi, une photo sur écran, plutôt qu’un acte conscient, réfléchi.
Cette appli ne devrait-elle pas être immédiatement encadrée, voire interdite ? Doit-on laisser des millions d’adolescents et de jeunes adultes boire pour appartenir à un groupe, pour “ne pas décrocher” ?
Tant que rien n’est fait, Beer Buddy continue de gagner des utilisateurs. Et les verres, eux, continuent de s’aligner.
🍺 Une alerte que MyJournal.fr relaie avec fermeté
MyJournal.fr s’engage, à travers cet article, à dénoncer les mécanismes toxiques dissimulés derrière les interfaces colorées et les buzz numériques. L’alcool n’est pas un jeu. L’alcool tue. Et chaque outil qui pousse à en consommer davantage doit être traité comme un enjeu de santé publique prioritaire.
Il ne s’agit pas de diaboliser les jeunes. Il s’agit de protéger. De prévenir. De réguler. Et surtout, d’ouvrir les yeux sur ce qui se joue dans nos smartphones.