Quand un rapport qualifié d’accablant ne suffit pas : l’histoire de la reconduction d’Ernotte à France Télévisions.

Tornade sur l’audiovisuel public : Delphine Ernotte reconduite malgré les révélations du rapport

SOCIETE

Paris, un matin gris de mai

Delphine Ernotte, silhouette fine se faufilant entre les hauts rideaux du siège de France Télévisions, découvre sur son bureau l’édition matinale. Le titre claque : « Il fallait sauver la soldate Ernotte ». Le ton est sans concession. Le rapport de la Cour des comptes est qualifié d’« accablant ». La mise en lumière est brutale — redoutable. Pourtant, le verdict est déjà quasiment scellé : Elle sera reconduite à la tête du groupe.

Depuis plusieurs jours, les coulisses bruissent. Des audits internes, des avertissements financiers, des alertes lancées dans l’ombre… Le rapport, nanti de dizaines de pages, expose des dérives budgétaires, des défauts de gouvernance, des failles dans la transparence. Mais, dans le monde feutré de l’audiovisuel public, les équilibres de pouvoir ne cèdent pas si facilement.

Le dilemme de l’Arcom

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (Arcom) est alors au cœur du jeu. Elle doit choisir : Appliquer la lettre du rapport ou maintenir la continuité. Dans les instances, on pèse. On interroge les projets stratégiques déposés. On écoute les auditions — quelques jours auparavant, Ernotte a défendu sa vision devant des membres influents de l’Arcom, cherchant à convaincre que le groupe mérite une stabilité, surtout face à la tempête médiatique.

Mais en arrière-plan, la pression politique monte. Certains élus, des médias critiques, des passerelles avec le Gouvernement — tous murmurent. Le projet de fusion de France Télévisions avec Radio France est dans les cartons, un spectre qui plane. Enfin, le jour J arrive : L’Arcom vote, à bulletins secrets. Le silence avant l’annonce est électrique. Et lorsque le nom de Delphine Ernotte est prononcé, c’est un électrochoc : Malgré le rapport, elle est reconduite pour un nouveau mandat.

Le choc du rapport

Ce rapport, lancé par la Cour des comptes, frappe fort. Il montre des incohérences budgétaires, des déficits de pilotage, des objectifs manqués. Il sonne comme un coup de klaxon dans la maison France Télévisions. Plusieurs cadres internes ont déjà exprimé leur exaspération, leurs doutes. Certains pensaient que ce document suffirait à balayer toute légitimité. Pourtant, dans l’institution, d’autres estiment que c’est justement parce que l’atterrissage serait brutal qu’on lui accorde une « seconde chance ».

Au soir de l’annonce, les salons des plateaux télébullent. Les éditorialistes divaguent. Est-ce une victoire du cynisme ou un choix pragmatique ? Tandis que dans les bureaux, des collaborateurs admiratifs applaudissent, d’autres, lassés, ferment la porte du couloir avec un soupir.

Les réactions dans les coulisses du pouvoir

Au Palais-Bourbon, dans les couloirs feutrés, on commente déjà. Le ministère de la Culture, certain de la sensibilité du dossier, observe. Le projet de holding regroupant France Télévisions et Radio France est menacé d’être rapidement réactivé par un Gouvernement désireux de maîtriser les médias publics. Certains conseillers politiques murmurent : « Ernotte est un verrou dont on ne peut se débarrasser sans chaos ».

À l’Assemblée Nationale, des députés s’interrogent sur l’opportunité de faire émerger des candidatures alternatives fortes. Mais peu d’aspirants osent aujourd’hui braver la tempête. Le discours officiel : « La stabilité dans la crise ».

Les visages de l’après

Delphine Ernotte repart, triomphante ou acculée ? Elle déclare vouloir « réparer, réconcilier, redresser ». Elle promet aux équipes qu’elle prendra acte de chaque critique contenue dans le rapport, qu’elle transformera cette tribune d’accusation en feuille de route. Certains lui serrent la main, d’autres gardent la distance. Un fauteuil président l’attend, mais les glissements invisibles du pouvoir se ressentent déjà sous ses pieds.

Dans les mois à venir, les yeux seront tournés vers les indicateurs : Audiences, équilibres financiers, qualité éditoriale. Le nouveau mandat d’Ernotte sera scruté comme jamais. Le rapport de la Cour des comptes sert désormais de prisme — comme un glaive suspendu.

Et si le plus grand paradoxe n’était pas qu’on l’ait maintenue, mais qu’on lui ait confié la mission de réparer ce qu’on dit légitimement condamner ?

Le paradoxe d’une reconduction

Ce récit montre comment, dans les arcanes de l’audiovisuel public, un rapport cinglant peut vaciller face au poids des conventions institutionnelles, des alliances politiques et de la crainte du vide. Le « sauvetage » d’Ernotte apparaît alors comme une tension constante entre exigence de reddition de comptes et recherche de stabilité.

👉 SOURCE : Article de Valeurs Actuelles du 24 septembre 2025.

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